Yannick Bestaven, le regard déjà tourné vers le Vendée Globe

Par Figaronautisme.com

Nautisme Article
© Loic Venance

14 jours, 22 heures, 8 minutes et 2 secondes après avoir pris le départ à 180 km des côtes de New-York, Yannick Bestaven franchissait la ligne d'arrivée de la New-York - Vendée, devant les Sables d'Olonne. Une fin de transatlantique qui sonnait comme un soulagement pour le skipper rochelais qui n'a rien lâché pour ramener dans le meilleur état possible son IMOCA Maître CoQ V à bon port. Une course très éprouvante tant sur le plan physique que psychologique. Marquée par une succession d'avaries, la New-York Vendée de Yannick n'a pas été un long fleuve tranquille.

Une course compliquée dont Yannick Bestaven en tire les premières conclusions "L’avantage d’avoir vécu une course avec de nombreuses avaries diverses et variées qui se sont enchainées, cela redonne beaucoup d’humilité. J’ai identifié de nombreux points d’amélioration afin d’éviter certaines de ces avaries. C’était riche en expérience, car ce n’est pas forcément des points que j’aurais abordés dans la préparation du Vendée Globe."

YANNICK BESTAVEN : "J'AVAIS CETTE ÉPÉE DE DAMOCLÈS AU-DESSUS DE LA TÊTE PENDANT LA MOITIÉ DE LA TRANSAT"

Comment te sens-tu depuis ton retour à terre, après cette transat compliquée ?

Je suis content d’être arrivé et que cette transat soit enfin terminée, c’était compliqué de ramener le bateau avec les soucis techniques que j’avais. Content également de voir que le mât est toujours en place, car la pièce à l’avant qui tient le mât, l’étai de J2 a lâché après quelques jours de course seulement, j’avais donc cette épée de Damoclès au-dessus la tête pendant la moitié de la transatlantique.

J’ai beaucoup de déception aussi, car on est jamais content de faire une course dans ces conditions là. Ma course s'est d'ailleurs transformée en convoyage forcé pour ramener le bateau dans le meilleur état possible à bon port. J'avais la possibilité de m’arrêter aux Açores pour réparer, mais cela signifiait abandonner. Je m'étais mis en mode Vendée Globe, en me disant que si j'avais eu les mêmes problèmes techniques sur la fin de mon tour du monde, j'aurais continué, c'est donc ce que j'ai fait.

Peux-tu revenir sur les avaries que tu as subies ?

Deux jours après le départ, il y avait des trombes qui tombaient du ciel, des sortes de mini tornades. Je suis passé de 0 à 40 noeuds en un instant, le vent a tourné à 180°... J’avais toutes mes voiles en place, le code 0 (la plus grande voile d’avant) et la Grand Voile hissée.. Le bateau a empanné violemment et s’est couché sur le flanc opposé sur l’eau, ce qui a entraîné la casse de 3 lattes de la Grand Voile. J’ai dû monter dans le mât par 25 noeuds de vent pour retirer ces lattes, qui pour certaines font plus de 6 mètres. C’était très impressionnant, et honnêtement je ne conseille à personne de faire ça... cela a été une situation très délicate à gérer. Quelques jours après, c'est mon étai de J2, qui tient le mât à l'avant, qui a lâché. Je n'ai pas eu d'autre choix que d'attacher le mât sur un autre étai, me contraignant dans le choix limité de l'utilisation de mes voiles. Après avoir passé les Açores c'est mon amure (point d’accroche qui lie l’étai au bateau) de FRO qui a cédé, rendant ainsi la tenue du mât encore très incertaine, j'ai dû basculer sur le troisième étai qui restait disponible.

C’est vraiment dommage car j’ai pris un bon départ de course, j'ai croisé devant Boris Hermann et Nicolas Lunven pour aller à la première bouée de dégagement, j’étais dans les bons coups... et puis après tout s’est enchaîné et ça a été l’escalade de problèmes techniques.

Les avaries que tu as rencontrées t'ont contraint dans ta performance et ta stratégie.

Oui, j'ai eu un gros déficit de potentiel de vitesse car je n’avais plus les voiles adaptées aux conditions de vent, et je devais aussi faire attention au mât. Il n’y a que le dernier jour où j’ai pu reprendre un peu de vitesse car j’étais au portant et remonter ainsi quelques places au classement.

Je suis content d’avoir pu faire ce que j’ai fait avec un bateau abîmé, qui n’était pas à 100% de ses capacités, mais sur le plan sportif et compétitif forcément je suis déçu.

Sur une transat dans ce sens, d’Est en Ouest, les éléments météorologiques se déplacent avec nous, donc quand on a un problème technique, que l’on va moins vite, ou que l'on doit s'arrêter, on ne rattrape jamais les éléments, on est toujours en retard. C’est très compliqué dans ce sens-là de revenir. Donc psychologiquement c’était dur car à chaque problème que je rencontrais je savais que ça serait difficile pour revenir dans le match. Je ne pouvais naviguer qu’à 70% du potentiel du bateau et ne pouvais pas jouer de coup stratégique. Mais ça m’a permis de me mettre en condition pour un tour du monde, et réfléchir aux solutions que je pouvais mettre en place en cas d’avarie majeure. Cela m’a aussi apporté de nouvelles idées dans le cadre de la préparation du Vendée Globe pour éviter ce genre de problème.

Sur le plan psychologique, comment as-tu géré ta course ?

Ça n’a vraiment pas été simple, je suis allé chercher des ressources au plus profond de moi. Mais j’ai aussi surtout pensé aux copains skippers à qui il est arrivé le même genre de situation sur la Transat CIC, comme Paul Meilhat qui avait cassé un foil et qui est allé jusqu’au bout, Nicolas Lunven qui avait cassé son bout dehors... Je ne suis pas le seul à qui ça a pu arriver, que ce soit à l’aller ou au retour, je me suis dit qu’il fallait que je m’accroche coûte que coûte, même si je n’étais plus là pour aller chercher une place, je voulais ramener mon bateau dans le meilleur état possible aux Sables. Hélas cela m’est arrivé à moi mais cela arrive à d’autres également. C’est sûr que ce ne sont pas des situations marrantes à vivre, moralement en solitaire, avec la fatigue...

C'était ta dernière course avant le départ du Vendée Globe, quel est ton programme des prochaines semaines ?

Dans les semaines à venir nous allons naviguer un peu à La Rochelle sur des journées relations partenaires, puis le bateau entrera en chantier autour du 12 juillet, pour en ressortir vers le 20 août. Je basculerai alors en mode prépa Vendée Globe avec entraînements en mer... Tout va s’enchaîner très vite en septembre / octobre.

Pour les jours à venir je vais me reposer un peu et surtout faire le bilan de ces deux transats avec mon équipe. Certes il y a eu du moins bien au retour, mais il y a eu aussi pas mal de bonnes choses à l’aller. Ma 6e place sur la Transat CIC me rassure, j’ai pu être aux avant-postes quasi tout au long de la course. Naviguer en course est de toute façon la meilleure manière de s’entraîner. Le bateau commence à être bien optimisé et c’est très bon signe pour le Vendée Globe. Ça me rassure également de voir la belle 4e place de Sébastien Simon qui navigue sur le sistership de Maître CoQ V. Toutes ces choses sont positives dans l’ensemble, si on se prépare bien il n’y a pas de raison que ça ne le fasse pas.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...