
Alors que le coup d’envoi de la première étape de la 10e édition de la Les Sables - Les Açores - Les Sables sera donné demain à 13 heures, la tension devient palpable sur le ponton du Vendée Globe, à Port Olona. Et pour cause, pour la grande majorité des concurrents en lice, il s’agit d’une première participation à une course hauturière. Comment gérer son sommeil mais aussi son alimentation, son effort et son matériel dans la durée ? Comment appréhender la météo à grande échelle ? Les inconnues sont forcément nombreuses pour les marins qui s’apprêtent, au-delà de l’aspect sportif, à vivre une première grande aventure avant de faire, pour la plupart d’entre eux, le grand saut à travers l’Atlantique l’année prochaine.
Sur les 72 concurrents au départ de cette 10e édition de la Les Sables - Les Açores - Les Sables, seuls six d’entre eux ont déjà pris part à la course au moins une fois : Julien Letissier (1069 - Frérots Branchet), François Letissier (427 - Birvidik), Quentin Debois (879 - Les Poupoules), Félix Oberlé (1019 - Big Bounce), Nicolas Cousi (1075 - ARTC/Sloop) et Marie Gendron (1050 - Léa Nature). Tous les autres sont donc des « bizuths ». Il va sans dire qu’à la veille de s’élancer pour la première fois sur les 1 270 milles du parcours de la première manche à destination de Horta, les questions se bousculent dans les têtes des uns et des autres. « En course, je n’ai encore jamais passé plus de quatre jours en mer. Je sais que ce qui nous attend va être complètement différent de ce que j’ai fait jusqu’ici. Dans ce contexte, il y a forcément un peu d’inquiétudes », annonce Paul Cousin (981 - AFP - Groupe Biocombustibles). Parfaitement à l’aise sur les épreuves d’avant-saison lors desquelles il a systématiquement bataillé aux avant-postes et terminé sur le podium, l’ancien régatier en 420 puis en 470 espère bien s’affirmer aussi comme un gros client sur un format plus typé « large », mais ne cache pas le fait de ressenti un peu d’appréhension.
Bien gérer à long terme
« Il va falloir avoir une vision à long terme, prendre les bonnes décisions aux bons moments. Ça va beaucoup se jouer à l’instinct mais l’important sera aussi de rapidement trouver le bon rythme. Cette course, c’est le gros objectif de la saison et en ce qui me concerne, le but n’est pas de finir encore une fois deuxième ! », assure le skipper, visiblement préoccupé par la gestion de la météo plus que par celle du sommeil ou de l’alimentation. Même chose pour Matéo Le Calvic (982 - April Marine). « Les fichiers que l’on aura consulté avant le départ seront très vite obsolètes. On va devoir se débrouiller avec les seules infos réceptionnées via la BLU. Est-ce qu’on va bien les capter ? Bien les comprendre ? Bien les analyser ? Il y a naturellement quelques craintes par rapport ça. On va découvrir beaucoup de choses. L’enjeu sera de parvenir à les maîtriser le plus vite possible. Comme on part cette fois pour 8 ou 10 jours de course et non pas seulement pour 3 ou 4, il va également falloir réussir à placer le curseur au bon endroit en termes de rythme et sans doute savoir lever un peu le pied à certains moments », note le navigateur qui sait que finir reste essentiel sur ce type d’exercice et qu’une casse importante serait forcément un handicap, y compris pour l’étape retour. « Je sais que le bateau va m’en faire voir des vertes et des pas mures. Il va falloir faire en sorte de réussir à s’adapter à chaque situation. Après déjà trois ans sur le circuit, je pense être prêt ! », estime Matéo qui, pour mémoire, était le premier sur la liste d’attente de l’évènement lors de la dernière édition il y a deux ans, et qui était malheureusement resté à quai.
Se confronter à la solitude
« J’ai hâte d’y être enfin ! », assure-t-il. Un sentiment partagé par Nicolas Cousi (1075 - ARTC/Sloop) qui, pour sa part, avait participé à l’édition 2020, une édition largement chamboulée par l’épidémie de COVID-19 qui avait alors contraint les organisateurs à modifier le tracé, excluant ainsi les Açores du programme. « Le fait d’aller enfin à Horta n’est toutefois pas une revanche pour moi. Il y a quatre ans, j’étais vraiment débutant. La Les Sables - Les Açores - Les Sables était ma première course. Je découvrais tout et, comme les autres, tout ce que je voulais c’était avant tout naviguer. Cela étant dit, c’est sûr que le fait d’aller à Horta cette fois me ravi. Ça promet d’être passionnant ! », relate le marin qui s’apprête donc, pour la première fois, à rallier l’île de Faial mais aussi à tester le TM650 construit par le chantier Technologie Marine sur un parcours hauturier. « Il va notamment s’agir de voir comment se comporte le gréement », note Nicolas qui espère être confronté à un minimum de problèmes techniques, tout comme Thiemo Huuk (1003 - Europe). « Sur les courses d’avant-saison, j’ai eu mon lot de petits soucis. Mon but est donc de ne trop rien casser cette fois mais aussi d’apprendre le plus possible, sur moi-même et sur le bateau », confie l’Allemand, alors rejoint par son compatriote Jan - Hendrick Lenz (1085 - Monoka). « Je m’attends à vivre une expérience incroyable. C’est quand même quelque chose d’assez unique de rallier une petite île située au milieu de l’Atlantique tout seul sur un petit bateau de 6,50 mètres ! Je suis super excité. Je sens que la pression monte petit à petit à l’approche du départ. Il y a beaucoup de questions qui sont, pour l’heure, sans réponses. Pour ma part, je me demande surtout comment je vais gérer la solitude. Je redoute un peu de me retrouver tout seul dans mon coin. J’espère réussir à rester au contact d’un petit groupe pour garder des repères de vitesse mais aussi et surtout la motivation », commente le skipper qui a fait le plein de livres sur la liseuse et chargé un maximum de musique sur sa playlist pour combler l’ennui s’il venait à s’installer.
Un parcours légèrement modifié
Reste que d’après Carlos Manera Pascual (1081 - Xucla), peu ou pas de risque que cela se produise. « Je pense que la bataille va être à la fois belle et serrée, et que des rebondissements sont à attendre sur la fin de l’étape avec de la pétole annoncée aux abords de l’archipel », souligne l’Espagnol, deuxième de la dernière édition de la Mini Transat en Proto qui se réjouit, lui aussi, de prendre part pour la toute première fois à l’épreuve. « Je compte la savourer au maximum avec un schéma météo qui s’annonce, pour le coup, relativement « classique », poursuit, le récent vainqueur de la Niji40 au côté de Xavier Macaire et de Pierre Leboucher. Dans les grandes lignes, ce qui les attendent, lui et les autres ? Un départ en douceur avec le passage d’une dorsale lors de la première nuit puis un renforcement du vent annoncé dans la nuit de samedi à dimanche avant une belle cavalcade dans les alizés portugais et des derniers milles délicats car très incertains. Petite subtilité à noter : afin d’éviter, d’une part, le croissement de la flotte de la Dreahm Cup et, d’autre part, d’épargner les marins d’une navigation périlleuse au large de la péninsule ibérique dans 40 noeuds de vent sur une mer courte et chaotique, la Direction de course a pris la décision de contraindre l’ensemble des solitaires à laisser le plateau de Rochebonne à tribord puis le DST (dispositif de séparation de trafic) du cap Finisterre à bâbord.