Les règles organisant le secteur émergent de l'exploitation minière en haute mer devraient s'appuyer sur un "principe de précaution" qui protège l'environnement, a déclaré vendredi à l'AFP Leticia Carvalho, la cheffe de l'organisme international en charge de les fixer. L'enjeu est de taille: un potentiel de développement des ressources minérales comme le nickel, le cobalt et le cuivre, cruciaux pour les technologies d'énergie renouvelable.Mais chercheurs et environnementalistes avertissent depuis longtemps que cette nouvelle exploitation risque de détruire des habitats et des espèces, certaines peu connues, et pourrait perturber des processus océaniques délicats qui affectent le changement climatique. L'Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), un organisme indépendant créé en 1994 en vertu d'une convention de l'ONU, a la responsabilité de fixer la réglementation organisant cette industrie.Dans un entretien à l'AFP, la secrétaire générale de l'AIFM, Leticia Carvalho, prône une approche qui donne la priorité à l'environnement. "Nous développons des règles pour une industrie entièrement nouvelle," explique cette Brésilienne qui a pris la tête de l'AIFM cette année. "Un principe clé à cet égard est le principe de précaution, qui nous aidera à gérer une utilisation durable", poursuit-elle.Après plus de dix ans de travail, son Conseil souhaite adopter un code cette année. La situation est devenue quelque peu pressante. Depuis juillet 2023, en raison d'une clause légale invoquée par le minuscule pays insulaire du Pacifique Nauru, n'importe quel pays peut demander un contrat minier au nom d'une entreprise qu'il parraine. Et Nauru Ocean Resources Inc., une filiale du canadien The Metals Company (TMC), veut commencer à exploiter des nodules polymétalliques dans le Pacifique dès 2026. L'entreprise prévoit de déposer une demande d'exploitation en juin, rendant plus urgente encore la nécessité d'un code régissant l'exploitation minière sous-marine.Sujet de discordeMme Carvalho souligne que rétablir la confiance est une priorité pour son mandat, après que son prédécesseur a été accusé de favoriser les intérêts miniers.Océanographe de formation, Leticia Carvalho ne peut pas imposer des règles mais doit aider les Etats membres à décider s'ils souhaitent rédiger ce code, et comment le faire. Le Conseil de l'AIFM est profondément divisé, avec certains Etats membres désireux de voir l'exploitation minière commencer rapidement, et d'autres soutenant l'importance d'un moratoire ou même une interdiction pure et simple de l'exploitation des fonds marins. La scientifique, elle, préfère mettre l'accent sur la nécessité d'une prise de décision fondée sur la science et un partage équitable des profits provenant de ressources souvent qualifiées de "patrimoine commun de l'humanité." "Sans Code minier, le cadre juridique pour l'exploitation minière en haute mer serait incomplet," plaide-t-elle, dans des réponses écrites.Cela pourrait ouvrir la voie à une incertitude juridique importante si des demandes d'exploitation minière sont déposées sans code pour fixer les règles."Royaume des merveilles"Les préoccupations concernant l'impact de l'exploitation minière se sont renforcées avec la découverte l'année dernière que de l'oxygène était libéré depuis le fond de l'océan non seulement par les organismes vivants, mais aussi par les nodules polymétalliques ciblés par des entreprises.Les résultats ont été rejetés par l'entreprise TMC, même si elle avait contribué à financer la recherche, et un suivi des travaux est en cours. Les partisans de l'exploitation minière soulignent le besoin croissant de minéraux pour conduire la transition énergétique renouvelable, et les problèmes associés à l'exploitation terrestre - y compris la dégradation de l'environnement.Mme Carvalho relève "des idées fausses courantes" sur la perspective de l'exploitation minière en haute mer, y compris son ampleur supposée, ainsi que ce à quoi ressemble cet écosystème. "Environ 0,13% des fonds marins mondiaux, soit environ 478.000 km2, pourraient éventuellement être exploités, une fraction relativement faible" déclare-t-elle.Et bien que les scientifiques apprennent encore sur la vie au fond de la mer, les écosystèmes en haute mer "ont tendance à avoir des densités de population plus faibles et à fonctionner dans des conditions environnementales très différentes," ajoute Mme Carvalho. Lorsqu'elle a postulé le poste l'année dernière, la scientifique brésilienne avait mis en avant son expérience dans le développement de réglementations industrielles, ainsi que son lien personnel avec la mer. "L'océan a toujours été une partie fondamentale de la personne que je suis," a-t-elle dit. C'est "un royaume de merveilles et d'immenses opportunités qui doit être géré de manière responsable".
Exploitation minière en eaux profondes: une responsable internationale prône le "principe de précaution"

Par Figaronautisme.com