
Depuis plusieurs jours, les côtes de Guadeloupe font face à une nouvelle invasion massive de sargasses. Ces algues brunes, venues de l’Atlantique tropical, s’échouent en masse sur les rivages de l’archipel, dégageant une odeur insupportable et des gaz toxiques comme le sulfure d’hydrogène et l’ammoniac. À tel point que deux communes - Terre-de-Bas et Marie-Galante - ont déjà franchi le seuil d’alerte en matière d’émanations dangereuses.
Face à cette urgence sanitaire et environnementale, les autorités locales ont déclenché une vaste opération de ramassage. Onze chantiers sont en cours dans les zones les plus touchées : Goyave, Petit-Bourg, Gosier, Sainte-Anne, Saint-François, le Moule et la Désirade. Cinq autres suivront dans les prochains jours à Terre-de-Bas, Anse-Bertrand ou encore Capesterre-de-Marie-Galante. La préfecture prend en charge plus de 80 % des coûts, tandis que la Mission Sargasses coordonne les actions de terrain.
Pour prévenir l’échouage massif, la Guadeloupe mise aussi sur une technologie défensive : 5 000 mètres de barrages flottants ont été déployés au large, afin de détourner les bancs d’algues et faciliter leur récupération en mer. Ce dispositif reste cependant dépendant de conditions météorologiques favorables. « L’absence de vent joue un rôle majeur dans ces échouages inhabituels », note Jean-François Moniotte, sous-préfet de Pointe-à-Pitre.
Les scientifiques alertent depuis mars : le volume de sargasses observé dans l’Atlantique atteint un record historique. Et les prévisions de Météo France Antilles Guyane annoncent encore de fortes arrivées.
Capesterre de Marie-Galante hit hard by sargassum today.
— Sargassum Monitoring® (@SargaMonitoring) May 6, 2025
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Une menace, mais aussi une ressource sous-exploitée
Ce phénomène, devenu récurrent, est aussi révélateur d’un paradoxe. Alors que les Antilles ramassent entre 30 000 et 50 000 tonnes de sargasses chaque année, le cadre réglementaire et les conditions de travail restent très en deçà de ceux appliqués en métropole pour les algues vertes. Pas de masques filtrants, pas de suivi médical systématique : les ramasseurs antillais sont en première ligne, souvent sans protection adéquate.
Pourtant, les sargasses représentent aussi une opportunité. Le député guadeloupéen Olivier Serva, qui vient de présenter les conclusions d’une mission parlementaire sur leur valorisation, le rappelle : le marché mondial des algues est en pleine explosion. Aujourd’hui dominé à 99,5 % par l’Asie, il pourrait doubler en cinq ans. En France, la filière reste embryonnaire, avec seulement 0,25 % du marché mondial. Certaines entreprises françaises en importent même, faute d’organisation locale pour les transformer efficacement.
Alors que la Guadeloupe suffoque sous les gaz des sargasses, l’enjeu est désormais double : répondre à l’urgence sanitaire, tout en bâtissant une filière de valorisation durable, à la hauteur du potentiel économique que ces algues pourraient représenter.