Par Yves Parlier, navigateur, fondateur de Beyond the Sea
Alors que se tiendra début juin à Nice la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC-3), une fois encore, les projecteurs seront braqués - à juste titre - sur la préservation de la biodiversité marine. Mais préserver les océans, c’est aussi transformer notre rapport à la navigation : un levier concret, encore trop ignoré.
Les océans subissent aujourd’hui une pression multiple : pollution, acidification, réchauffement. Dans le même temps, le transport maritime, responsable de 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, reste au mieux attentiste voire immobile. Les accords de Paris ont déjà 10 ans et la feuille de route de l’Organisation maritime internationale (OMI) revendique l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais où en est-on ? Nulle part ou presque. Nous devrions réduire les émissions du transport maritime de 5% par an...elles continuent de progresser chaque année malgré des solutions à portée de main !
L’énergie vélique, c’est-à-dire la propulsion par le vent, est gratuite, propre, abondante, disponible sur toutes les mers du globe. Le bon sens de nos ancêtres a été confirmé par de nombreuses études qui ont démontré que le vent pouvait réduire immédiatement la consommation de carburant des navires de 20 à 30 % avec les technologies existantes.
Alors pourquoi ce silence ? Pourquoi, à l’heure où chaque dixième de degré compte, les financements publics et les réglementations environnementales restent-ils aveugles à cette évidence technologique ? La transition énergétique en mer est possible. Elle a commencé. Des pionniers armateurs, ingénieurs, marins y travaillent déjà, avec des solutions viables, économiques, adaptables. Ce qui manque, ce n’est pas l’innovation. C’est le cap. La volonté. Le souffle politique.
À Nice, j’en appelle aux délégués, aux responsables politiques, aux acteurs de la mer : faites de l’énergie vélique un pilier de la décarbonation maritime. Mobilisez dès aujourd’hui les recettes des taxes carbone pour accélérer l’adoption du vent comme propulsion maritime. Cet argent ne peut pas rester une ligne budgétaire abstraite : il doit soutenir des solutions concrètes, disponibles, éprouvées. Le vélique en fait partie ! Un premier signe encourageant vient enfin de nous parvenir en provenance de l’Assemblée Nationale avec le dépôt d’une proposition de loi visant à accélérer le développement du transport maritime à propulsion vélique, soutenue par 50 députés. Elle doit absolument être adoptée au plus vite pour tenir les engagements de la France.
Armateurs, affréteurs, vos émissions ont encore augmenté de 3 % l’an dernier. Et pourtant, vous êtes encore trop peu nombreux à soutenir activement les solutions qui peuvent changer la donne. La transition maritime ne se fera pas sans vous. Nous avons besoin de votre concours pour faire émerger des alternatives concrètes - et sauver le vivant. Il est temps de passer à l’action, avec le vent comme allié.
Au fond, il ne s’agit pas seulement de naviguer différemment. Il s’agit de renouer avec une évidence oubliée : le vent a toujours porté les rêves humains sur la mer. Il peut aujourd’hui porter notre espoir d’un avenir soutenable. À nous d’ouvrir les ailes.