A Port-Cros, la plus vieille aire marine protégée d'Europe "montre le futur"

Par Figaronautisme.com / AFP

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"Des dauphins, des puffins, des mérous... C'est une bulle de nature et pourtant on est entre Saint-Tropez et Marseille. Les gens disent que c'est un miracle", s'enthousiasme Sophie-Dorothée Duron, directrice du parc national de Port-Cros. Ici, navigation, pêche et autres activités humaines sont soit interdites soit strictement réglementées. Un modèle que de nombreux experts, à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur l'océan à Nice du 9 au 13 juin, aimeraient voir étendu à toutes les aires marines protégées (AMP), souvent fustigées comme étant seulement "de papier".
Créée en 1963 au large de Hyères en Méditerranée, Port-Cros est la plus ancienne AMP de France et d'Europe. D'abord centrée sur l'île éponyme, elle englobe depuis 2012 sa voisine Porquerolles et s'étend sur 1.700 hectares terrestres et 2.900 hectares marins. "C'est un petit joyau, un hotspot de biodiversité. On retrouve ici quasiment toutes les espèces de Méditerranée", se réjouit Vincent Bardinal, garde-moniteur sur l'île, montrant du doigt les nuées de poissons qui fraient dans les herbiers marins.
Girelles, crénilabres, castagnoles ou daurades: dans les eaux cristallines du coeur du parc, où la pêche est strictement interdite, "on a une très bonne image de ce que pouvait être la côte il y a peut-être 100 ans, avec une pression humaine presque inexistante". Un mérou, prédateur emblématique de l'archipel, apparaît. "On peut les approcher à quelques centimètres alors que sur le continent ils fuient", sourit Vincent Bardinal.

"Patchwork"
Pour assurer une cohabitation fluide, les règles de fonctionnement du parc sont établies en concertation avec les acteurs économiques de la région, avec l'avis d'un conseil scientifique.
Les restrictions concernent aussi bien la vitesse de navigation que la pratique de la plongée et de la pêche ou encore l'interdiction d'approcher certaines espèces animales. "La particularité c'est d'être dans une zone très fréquentée, très anthropisée (transformée par l'activité humaine). Le pari a été de conserver la nature tout en permettant à une population de continuer à y vivre et à des touristes d'en profiter, il n'y a pas de mise sous cloche", souligne Mme Duron.
Si les deux îles n'ont que 350 habitants permanents, elles voient défiler jusqu'à 2 millions de visiteurs par an! "L'idée c'est de travailler sur un patchwork de zones en fonction des sensibilités de l'écosystème. Il y a des zones ultra sensibles où on réglemente voire interdit la présence humaine. Et il y a d'autres zones qui peuvent tolérer les visiteurs", explique la directrice. Une charte encadre depuis 1999 le travail des 24 pêcheurs professionnels autorisés à pratiquer au coeur du parc. 350 pêcheurs de loisir peuvent aussi opérer, à condition d'afficher sur leur bateau l'autorisation renouvelable chaque année.
"L'objectif n'est pas d'exclure la pêche mais d'encadrer une pratique traditionnelle", explique Thomas Abiven, garde-moniteur du Parc, en pleine opération de contrôle à l'aurore, l'heure préférée des resquilleurs. "Au début, le parc s'est monté sans vraiment l'aval des pêcheurs", reconnaît-il, "mais au fur et à mesure les discussions se sont mises en place. En contrepartie de pouvoir pêcher, ils ont l'obligation de déclarer leurs prises. Cela offre des données que l'on croise avec les scientifiques pour voir si les populations de poissons se portent bien. Puis ont peut durcir ou alléger la réglementation en fonction".

"Capital-poisson"
La population de mérous est par exemple passée de 40 à près de 1.000 individus. Les herbiers de posidonie sont également en pleine expansion. "On observe clairement +l'effet réserve+, c'est-à-dire que la nature se porte mieux qu'en dehors du parc. Ça se voit sur le nombre de poissons mais aussi l'augmentation de leur taille moyenne", détaille Sandrine Ruitton, enseignante chercheuse à Aix-Marseille Université, rattachée à l'Institut Méditerranéen d'Océanologie. "C'est comme un coffre-fort où on fait fructifier le capital-poisson", poursuit-elle. "Les intérêts vont déborder à l'extérieur et cela va permettre aux autres écosystèmes et à la population humaine d'en profiter, c'est vertueux pour tout le monde".
La France compte aujourd'hui 565 AMP en métropole et Outre-Mer, couvrant 33% de l'espace maritime national. Mais les règles très strictes qui font le succès de Port-Cros font figure d'exception. "L'appellation d'AMP ne veut rien dire, il y en a dans lesquelles on peut chaluter", s'insurge François Sarano, océanologue et ancien collaborateur du commandant Cousteau. "La définition comprend diverses petites réglementations mais c'est totalement insuffisant". Et d'espérer des "règles beaucoup plus strictes" à l'occasion du sommet onusien de Nice: "Port-Cros n'est pas un conservatoire du passé, c'est un endroit qui nous montre le futur en intégrant la question de la pollution et du réchauffement climatique."

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...