
En observant la 5e étape de The Ocean Race Europe, de Gênes à la baie de Boka, Sam Davies résume d’un mot l’expérience des marins : « implacable ».
La Méditerranée n’est jamais avare de défis, mais cette étape de 2 000 milles nautiques, actuellement menée par Team Malizia juste devant Allagrande MAPEI Racing, s'avère être un défi de taille. Les leaders de la course, désormais à mi-chemin entre la Corse et la Sicile, sont confrontés à des conditions changeantes et à une tension constante.
Après un départ marqué par de très faibles vents, la flotte a enchaîné avec certaines des navigations les plus rapides et violentes de la course jusqu’ici, en direction de la Scoring Date au nord-ouest de la Sardaigne. Depuis, les conditions n’ont cessé de varier, mettant à l’épreuve skippers et navigateurs dans toute leur maîtrise.
« La navigation est implacable », confie Sam Davies, skippeuse d’Initiatives Cœur et quadruple participante au Vendée Globe, qui suit l’action grâce au tracker PredictWind. « Les équipages ne peuvent jamais se relâcher, car ils traversent sans cesse des zones de transition. Pendant un moment, ils pouvaient engranger de gros gains et maintenir une moyenne à 30 nœuds, mais tout s’est envolé dès qu’ils sont entrés dans la zone de calme suivante. »
Le prochain défi, déjà en vue, est la Sicile : une porte de passage au nord, avant de longer la côte sud vers la mer Adriatique. Davies souligne que, comme toutes les îles méditerranéennes, la Sicile ne manquera pas de surprendre des équipages épuisés, qui devront d’abord remonter au près, puis redescendre au portant, avant d’entrer dans une vaste zone de vents faibles susceptible de rebattre une nouvelle fois les cartes. « Il faut se rappeler qu’à chaque fois que vous passez une île en Méditerranée, vous avez soit 40 ou 50 nœuds, soit zéro nœud... et potentiellement les deux dans un laps de deux heures. Les zones de transition autour des îles sont de véritables moments critiques, et franchir la Sicile pourrait s’apparenter à une loterie », prévient-elle.

À l’heure actuelle, la course reste extrêmement serrée entre les quatre premiers : Team Malizia de Boris Herrmann n’a que quelques milles d’avance sur Allagrande MAPEI Racing mené par l’Italien Ambrogio Beccaria. Le leader du classement général et grand favori, Biotherm de Paul Meilhat, occupe la troisième place à 11 milles du premier, suivi de près par Paprec Arkéa de Yoann Richomme, à seulement quelques milles supplémentaires.
Derrière, l’écart est conséquent avec Holcim-PRB de Rosalin Kuiper, cinquième à +150 milles après avoir été piégé dans une transition à l’ouest de la Sardaigne. Suivent Canada Ocean Racing-Be Water Positive, sixième à +256 milles, puis Team Amaala du Suisse Alan Roura, septième à +333 milles.
Au classement général, Allagrande MAPEI Racing se livre un duel serré avec Team Malizia pour la quatrième place. Beccaria, ravi d’avoir décroché son premier Bonus Point à la porte de Santo Stefano plus tôt dans cette étape, continue de batailler à l’avant de la flotte.
Sam Davies se dit impressionnée par l’entrée de Beccaria dans la Classe IMOCA, un skipper avec qui elle s’est entraînée à Lorient. Elle le décrit comme un marin « exceptionnel » au palmarès remarquable en Class40. « Tout le monde reconnaît qu’il est une force montante dans la Classe, et il ne pouvait pas mieux s’y prendre : acheter l’un des meilleurs bateaux de la flotte et assurer une transition vers l’IMOCA sur une année entière, en apprenant à connaître le bateau auprès de ses anciens propriétaires. »
« C’est génial de les voir enfin aux avant-postes », poursuit-elle, « et de voir ce bateau exprimer tout son potentiel. Ce sont clairement des conditions qui conviennent à ce design, et c’est une belle opportunité pour Paul et son équipage de l’emporter, car ils ont souvent navigué dans des conditions de mer plate et de vents légers qui favorisent leur bateau. Mais ce n’est pas seulement une question de machine : l’équipage est lui aussi de grande qualité. »
Alors que cette étape se poursuit, avec des conditions de mer et de vent en constante évolution sur la route de la Sicile, puis vers le nord en Adriatique jusqu’à l’arrivée dans la baie de Boka, Sam Davies insiste sur un point : la gestion du moral et de l’énergie de l’équipage sera déterminante pour la suite.
« Le repos est essentiel dans une course comme celle-ci. Et parfois, surtout quand on est très compétitif, tout le monde veut être présent à chaque instant », explique la navigatrice de 51 ans, qui disputera le mois prochain la Transat Café L’OR aux côtés de Violette Dorange à bord d’Initiatives-Cœur.
« Je pense que le rôle du skipper sera justement de gérer cela, de forcer un peu les marins à se reposer et d’accepter qu’on peut réaliser une manœuvre un tout petit peu plus lentement, mais que cela permettra à l’équipage de tenir un niveau de performance élevé plus longtemps. »