
Dans le Golfe de Gascogne, la tension monte entre filets et flots. Depuis la publication d’un arrêté fin 2024, une centaine de bateaux de pêche devront désormais embarquer des caméras à bord pour documenter les captures accidentelles de dauphins. Une obligation qui suscite autant d’espoirs chez les défenseurs de l’environnement que de crispations dans les ports de Charente-Maritime et du Pays basque.
Une décision dictée par l’urgence écologique
Chaque hiver, des centaines de carcasses de dauphins s’échouent sur les plages de l’Atlantique. En cause : les prises involontaires dans les engins de pêche. Face à la pression des scientifiques et des ONG, l’État a tranché. Les caméras, installées sur environ 100 fileyeurs et 15 chalutiers, doivent permettre de comprendre précisément quand et comment les cétacés sont piégés, afin d’adapter les pratiques.
« Il ne s’agit pas d’espionner, mais de mieux connaître les interactions entre la pêche et les mammifères marins », rappelle le ministère de la Mer.
L’enjeu est de taille : selon l’Observatoire Pelagis, plus de 6 000 dauphins communs pourraient mourir chaque année dans le Golfe de Gascogne, une mortalité jugée « insoutenable » pour la population.
À bord, la colère gronde
Mais sur les quais de La Rochelle, de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ou de Capbreton, la décision passe mal. « C’est du flicage », souffle un patron-pêcheur interrogé par France 3 Nouvelle-Aquitaine. Beaucoup dénoncent une mesure « infantilisante » et « injuste », appliquée sans concertation suffisante.
Les marins redoutent aussi le coût d’installation des systèmes vidéo, la complexité technique et la gestion des données enregistrées.
Pourtant, certains professionnels reconnaissent que ces caméras pourraient aussi rétablir la confiance. « Si les images prouvent que nous faisons déjà attention, ce sera une bonne chose », admet un pêcheur de Royan.
Techniquement, les caméras ne filmeront pas les équipages, mais les zones de manœuvre : le pont arrière, les chaluts ou les filets remontés à bord. Les enregistrements seront analysés par des observateurs indépendants afin d’identifier les situations à risque.
Un outil scientifique, donc, mais aussi une épreuve de transparence. Les chercheurs espèrent que ces données permettront de mieux cibler les périodes et zones de fermeture de la pêche, et de tester de nouvelles solutions comme les répulsifs acoustiques.
Entre mer et éthique, une ligne de crête
Cette mesure intervient après plusieurs hivers marqués par des interdictions temporaires de pêche, très contestées mais jugées efficaces par le Conseil d’État. L’installation des caméras apparaît comme une alternative plus durable, moins brutale que les arrêts d’activité.
Reste à savoir si la confiance reviendra entre institutions et marins. Sur le terrain, beaucoup craignent que ces images servent à alimenter un débat politique plus qu’à sauver des dauphins.
vous recommande