
Quatre heures d’arrêt, pas une de plus, samedi à Lanzarote. Une intervention aussi chirurgicale que réussie sur le système de quille. Depuis, Association Petits Princes - Quéguiner est reparti à bloc, de nouveau à 100% de son potentiel. A bord, ce lundi matin, Elodie Bonafous et Yann Eliès évoluent à haute vitesse dans des alizés d’école, littéralement à mi-chemin entre le Sahara occidental et le Cap Vert. Le tableau est idyllique : mer plate, lumière blanche, air chaud. Mais la course, elle, est tout sauf simple. Devant, les leaders ont bénéficié d’un peu plus de pression ces dernières heures et ont légèrement creusé l’écart. Rien n’est cependant figé. Plus de 2 000 milles restent à couvrir jusqu’à Fort-de-France. La trajectoire s’annonce subtile et exigeante et le duo, sûr de sa force, pleinement lucide, attaque sans aucun complexe.
Trajectoire d’orfèvre
Dimanche, ils ont empanné plusieurs fois pour se replacer dans la meilleure veine de vent et venir chercher l’angle optimal. Désormais, ils sont lancés pleine balle vers l’ouest : tout glisse, tout est rapide. L’IMOCA Association Petits Princes - Quéguiner paraît ivre de portance. « La mer est hyper plate. On sent que le bateau va bien, il est agréable à vivre. Il fait beau, il fait chaud, et je prends vraiment beaucoup de plaisir sur cette Transat Café L’Or », a commenté Elodie, ce matin. Mais la facilité apparente est un leurre. L’anticyclone des Açores n’est pas loin au nord. L’Atlantique impose ici de savoir viser juste. Toute la science du moment est dans la nuance : rester dans le meilleur gradient possible. Ni se faire aspirer vers le vide au nord, ni trop allonger la route au sud. « L’enjeu, à présent, ça va être de rester sur ce bord tribord amure sur lequel on est, mais en le travaillant bien. Le but reste de trouver le meilleur compromis. Et s’il faut faire un ou deux petits recalages un peu plus au sud pour optimiser, on ne se l’interdira pas. » Les prochaines heures seront moins dans la manœuvre, et plus dans la finesse, la concentration, la précision.
Le mental, arme invisible
Les transats se décident souvent sur des nuances infimes. Les grands marins n’oublient jamais cette règle. Le mental n’est jamais de l’ornement. Il est l’outil déterminant dans les moments où "le tableau de marque" ne sourit pas à l’instant T. La course au large, depuis toujours, offre ses accès de justice poétique à ceux qui tiennent le fil. Ce duo-là a cette fibre en ADN : l’endurance intérieure. « Oui, les bateaux de tête ont un peu fait le break. De notre côté, on récupère du vent, mais pas encore avec la même densité qu’eux », a précisé la Finistérienne. Et c’est précisément pour ça qu’il faut, ici, croire. Pas croire "au hasard" mais croire au mouvement. Au fait que l’océan a encore une multitude de cartes à distribuer. « Rien n’est figé. Dans ce régime, ça peut vite se ré-ouvrir. Une bascule, un grain, un décalage... et tout peut re-bouger. Il y a toujours des surprises possibles. » Alors ils avancent avec la posture d’un binôme qui se bat pour une victoire. Parce que c’est exactement ainsi que l’on devient dangereux. Et que l’on revient. « On navigue comme si on était dans la tête de flotte, avec la même intensité, les mêmes exigences, les mêmes prises de décision, et la même dynamique positive. »
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