
Figaro Nautisme : Anne-Claire, peux-tu nous raconter ton parcours, tes débuts dans la voile ?
Anne-Claire Le Berre : "Mes parents n’étaient pas du tout voile mais j’ai deux grands frères qui ont fait de la voile scolaire puis en club à Plouguerneau, où résident mes parents. Ils ont commencé à faire des compétitions, mes parents les ont suivis et moi aussi. Dès que j’ai eu l’âge, j’ai commencé l’Optimist à Brest, à 7 ans, à la SRB. J’ai intégré l’équipe du club, puis celle du Finistère et l’équipe de France. Ensuite je suis passée en 420 au Pôle de Brest avec Marie Riou. Nous avons fait trois belles saisons qui se sont conclues par un titre de championnes du monde en 1999. Suite à cela, nous avons décidé toutes les deux de nous lancer dans une préparation olympique en 470 pour les Jeux d’Athènes. Nous n’avons pas été qualifiées. J’ai enchaîné sur une seconde préparation olympique en Yngling avec Marion Deplanque et Alice Ponsar en équipe de France. Nous sommes passées tout près de la qualification aux JO de Pékin. J’ai terminé ma carrière olympique par une dernière préparation pour les JO de 2012 en match racing, toujours avec Alice Ponsar et Myrtille Ponge. Nous n’avons pas réussi à décrocher notre sélection pour les JO de Londres. Suite à cela, le match race a été supprimé des Jeux Olympiques."

Le retrait de ta discipline après les JO de Londres ont marqué la fin de ta carrière olympique ?
"En effet, c'était un peu compliqué pour moi de changer encore de discipline à 30 ans. J’ai décidé de m’arrêter là dans l’olympisme après 12 ans d'implication. J’ai réorienté ma carrière grâce à mon diplôme d’ingénieur de l’INSA de Rennes, que j’ai complété par un diplôme d’architecture navale. Je suis arrivée dans le milieu professionnel de la course au large par le cabinet Finot-Conq à Vannes, tout en continuant le match race, mais pas en olympisme.
J’ai ensuite monté ma structure et j’ai intégré l’écurie d’Intiatives-Cœur en 2015 avec Tanguy de Lamotte qui était skipper et responsable de l’équipe à l’époque. Aujourd’hui j’y suis encore !
En parallèle, je me suis lancée tout récemment dans un projet de Mini Transat, pour la prochaine édition en septembre 2021. Je ne suis pas encore qualifiée, il y a pas mal de cases à remplir mais c’est en bonne voie !"
La Mini-Transat sera ta première expérience en course au large ?
"J’avais fait un peu de course au large en parallèle de la voile olympique et de la régate, avec le Tour de France à la Voile en 2000, 2004 et 2005 mais c’était plus de l’offshore que de la vraie course au large."
Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire de la course au large ? Et de la voile en solitaire ?
"C’est une grande découverte cette année ! J’ai mis pas mal de temps à être attirée car j’étais plutôt régate et équipage, mais la transat retour de la Jacques Vabre de l’IMOCA Initiatives-Cœur entre le Brésil et Lorient m’a confortée sur le fait que j’aimais le large. La deuxième étape a été de faire du solo. C’est un autre exercice, très différent. Il faut savoir tout faire ! J’ai découvert des univers que je connaissais moins : l’électronique, la gestion du sommeil, la stratégie au large… Je suis ravie d’avoir sauté le pas, belle découverte !"
Tu as finalement majoritairement navigué en équipage féminin ?
"Oui, j’ai essentiellement navigué en équipage féminin. Sur les Tours de France, c’était des équipages mixtes, en IMOCA aussi. Récemment en Mini, quelques régates sont en double et j'ai fait du mixte également. Mais la discipline olympique à l’époque n’était que féminine."
Et as-tu une préférence ?
"Je n'ai pas de préférence pour l’un ou l’autre, c’est vraiment différent. J’apprécie les deux. En féminin j’ai plutôt fait de la régate et du large en mixte. Ce sont deux exercices différents qui apporte chacun beaucoup de satisfaction."
Quel est ton rôle au sein du team Initiatives-Cœur ?
"Je suis en charge du bureau d’études d’Initiatives-Cœur donc le développement, la conception, le suivi de chantier, l’optimisation et la performance du bateau. En ce moment, nous sommes en assistance technique pour toute la durée du Vendée Globe, avec une projection sur les projets à venir."
Ce ne fut pas trop compliqué de te faire une place en tant que femme dans un milieu encore très masculin ?
"En tant qu’ingénieur, le genre importe peu, c’est l’expérience et les capacités de chacun qui compte pour se faire une place. En mer, dans la course au large, il y a moins de femmes. Il y a peu de compétitions dédiées et surtout peu de femmes qui s’engagent dans cette voie. L’accès aux courses en équipage est souvent compliqué car il y a toujours une notion de gabarit et de force physique qui rentre en jeu mais les choses changent petit à petit avec l’arrivée des femmes sur la Volvo Ocean Race et la futur discipline double-mixte en course au large aux JO, ce qui permet à de plus en plus de femmes de se faire de l’expérience au large. Après les places embarquées sont très convoitées et c’est dur pour tout le monde même pour les hommes. Le mini en solitaire par exemple est un parfait support pour les femmes, car il ne nécessite pas tant que cela une énorme force physique et la longueur des courses permet de faire la différence sur autre chose que ce point là."
Quels sont tes projets pour la suite ?
"D’un point de vue sportif, je prépare la Mini 2021. Mon objectif est en effet de me qualifier et de préparer la Mini Transat. D’un point vue professionnel, je continue mon rôle au sein du team Initiatives-Cœur. Pour l’instant, les programmes et les objectifs sont en cours de réflexion."