Portraits de femmes : rencontre avec Sylvie Viant, navigatrice et directrice de courses de renom

Culture nautique

Nous continuons notre série « Portraits de femmes » avec une navigatrice chevronnée et une directrice de course reconnue par le monde de la course au large : Sylvie Viant, aujourd’hui adjointe à la direction de course de la Transat Jacques Vabre. L’aventure a commencé auprès de son papa en 1973 avec la Whitbread et depuis, la passion ne l’a jamais quittée. Découvrez le portrait de Sylvie Viant, entre souvenirs et admiration.

©Sylvie Viant
Nous continuons notre série « Portraits de femmes » avec une navigatrice chevronnée et une directrice de course reconnue par le monde de la course au large : Sylvie Viant, aujourd’hui adjointe à la direction de course de la Transat Jacques Vabre. L’aventure a commencé auprès de son papa en 1973 avec la Whitbread et depuis, la passion ne l’a jamais quittée. Découvrez le portrait de Sylvie Viant, entre souvenirs et admiration.

Figaro Nautisme : quand et comment l’aventure de la voile et de la course au large a-t-elle commencée ?

Sylvie Viant : « Je me suis mariée très jeune et j’ai commencé par faire du charter aux Antilles. Puis mon père (ndlr. André Viant) un jour voit une annonce pour une course autour du monde en équipage en 1973, la Whitbread (ndlr : la Volvo Ocean Race aujourd’hui) et comme il aimait naviguer avec ses enfants, il nous a demandé si cela nous intéressait et évidemment que oui ! On n’arrêtait pas de lire les récits de ceux qui passaient le Cap Horn, c’était fascinant et on avait vraiment envie de le faire. Il a donc monté un équipage avec ses enfants mais aussi Philippe Facque, Patrice Carpentier, Loïc Caradec… des hommes qui marqueront l’histoire de la voile professionnelle par la suite. Il y avait également mon frère Jimmy, un cousin… J’avais 24 ans à l’époque. Je n’étais pas la plus jeune à bord, mon frère avait 21 ans. On se lançait dans une course qui n’avait jamais eu lieu, c’était l’aventure totale ! Nous avons fait toutes les étapes ensemble, il y a eu très peu de changements d’équipage. Il y a bien sûr eu des moments difficiles, notamment dans l’océan Indien. Malgré tout, nous sommes arrivés 3e. Il y a eu plusieurs étapes dans la course : Cap Town, Sydney, Rio de Janeiro au moment du Carnaval… les escales étaient longues puisqu’il fallait attendre les derniers pour repartir, on pouvait rester un mois, un mois et demi ! C’était vraiment une année initiatique et très intéressante pour notre formation à tous.

Cette course a passionné mon père et il est reparti en 1981 à bord de Kriter XI. J’ai fait deux étapes mais cette fois-ci, c’était différent, beaucoup plus professionnel. Certaines personnes à bord étaient payées, l’ambiance n’était plus du tout la même. A notre époque c’était très « la croisière s’amuse » malgré certains moments compliqués. Je me souviens que nous avons vu des icebergs et à l’époque il n’y avait pas les images satellites donc dès qu’on en envoyait un, on se précipitait et on virait de bord pour aller le voir de plus près. Rien à voir avec aujourd’hui ! »

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Jury des Neptune d'Or 1992 : uniquement des skippers ou organisateurs de courses ayant reçu un Neptune d'Or (en 1974 pour Sylvie, pour la 1e Whitbread).

F.N. : C’est cette expérience qui vous a amenée à travailler dans le milieu de la course au large ?

S.V. : « Après cela, je venais de divorcer, je n’avais pas de métier « attitré » et il fallait que je gagne ma vie. Je suis rentrée dans l’organisation de l’Union Nationale pour la Course au Large (UNCL) aux côtés de Bernard Decré en 82 pour le Tour de France à la Voile, puis Michel Etevenon sur la Route du Rhum. J’étais présidente comité de course, à l’époque il n’y avait pas de direction de course. Juste avant j’avais participé à une course organisée par Michel justement, La Rochelle – La Nouvelle-Orléans avec un équipage 100% féminin, sous les couleurs de Kriter. J’avais d’ailleurs embauché la mère de Claire Renou (ndlr : Claire Renou dont vous retrouverez le portrait ici).  Nous étions 10 et c’était génial, une super expérience !

Après le Tour de France à la Voile, j’étais à l’organisation de la Route du Rhum la même année avec l’UNCL : je faisais les contrôles de bateaux, les suivis. J’apprenais le côté organisation et non plus le côté coureurs. On faisait le suivi en mer avec des balises Argos, très différent d’aujourd’hui.

Puis en 1983, j’ai fait une course sans escale en double , Lorient-Les Bermudes-Lorient, sur le trimaran d’Eric Loizeau. Ma première expérience en multicoque. Nous étions en double sur cette course et on a cassé un hauban, on a dû s’arrêter aux Bermudes pour le changer et repartir ensuite. Les résultats n’avaient pas été très brillants !

En 1984, j’ai fait la Québec-Saint-Malo en équipage, puis Monaco-New-York en 1985 en équipage mixte… Tous les ans j’essayais de faire une transat en parallèle de mon travail dans l’organisation ! »

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En 2011 pendant la régate des Légendes à Alicante, avant le départ de la Volvo Ocean Race : Sylvie Viant avec François Thépot (médecin à bord lors de la Whitbread 1974).© Sylvie Viant

F.N. : Mis à part une expérience en équipage féminin, vous avez surtout navigué en équipage mixte ?

S.V. : « Oui, et les équipages mixtes c’est top ! Mais le problème aujourd’hui c’est qu’il y a beaucoup moins de courses en équipage… Cela s’est très professionnalisé, et c’est plus compliqué de trouver un sponsor. Maintenant, il faut un équipage qui soit entièrement féminin, soit entièrement masculin pour intéresser les sponsors. La Volvo Ocean Race a imposé un quota pour le nombre de femmes dans chaque équipage, ce qui a permis à certaines navigatrices de montrer à quel point elles étaient douées et professionnelles, comme Marie Riou par exemple. »

F.N. : L’univers de la course au large a fortement évolué depuis vos débuts ?

S.V. : « Au début dans la course au large, les organisateurs étaient des navigateurs, comme Gérard Petipas. Ensuite, quand la Fédération Française de Voile a vu que les courses étaient de plus en plus revendues à des gens qui n’étaient pas des marins, elle a imposé un directeur de course. Pour qu’il y ait des personnes qui connaissent la mer, la régate et qu’il n’y ait pas juste le côté publicitaire et marketing. C’est grâce à cela que j’ai fait pas mal de courses en direction de course. J’ai participé au premier Vendée Globe avec Philippe Jeantot (appelé le Globe Challenge en 1989) en tant que présidente du comité de course. Ensuite, la course a été rachetée par la région et j’ai quitté l’organisation du Vendée Globe.

J’ai continué l’organisation de courses avec la Barcelona World Race (en double), la transat anglaise en solitaire avec Marc Turner, la Route du Rhum avec Jean Maurel, la Jacques Vabre avec Gérard Petipas… j’ai fait toutes les Transat Jacques Vabre sauf en 2011. J’étais à la direction de course à partir de 2013. »

F.N. : On vous retrouvera donc au départ de la Transat Jacques Vabre en octobre prochain ?

S.V. : « Aujourd’hui, j’ai passé le flambeau à Francis Le Goff pour la Jacques Vabre, je suis une de ses adjointes. Je lui ai dit qu’il n’avait pas besoin de moi avec tous les adjoints qu’il avait et il a insisté en disant que ma présence le rassurait ! C’était gentil de sa part ! Je serai là pour la prochaine au Havre en 2021 et sans doute à l’arrivée. »

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A Salvador en 2019 avec le vainqueur en Class40 Antoine Carpentier lors d'une petite sortie en baie de Bahia.© Sylvie Viant

F.N : Aujourd’hui, la course au large, c’est terminé. Vous naviguez toujours ? Monocoque ou multi ?

S.V. : « Oui mais en croisière ! C’est repos maintenant. Je navigue plutôt en monocoque sauf aux Antilles où j’opte pour le catamaran. En fait, cela dépend de la destination. »

F.N. : Les courses sont très différentes aujourd’hui de celles que vous avez connues, qu’en pensez-vous ?

S.V. : « Oui énormément ! J’espère qu’il y aura des courses en équipage qui vont se faire avec des bateaux moins professionnels car c’est une formation intéressante pour les équipiers. Par exemple le Tour de France qui se fait maintenant en Diam 24 c’est davantage un show devant les plages qu’une formation d’équipiers de course au large. Il y a la Solitaire du Figaro ou la Mini Transat, mais ce sont des courses en solitaire… c’est dommage. »

F.N. : Les marins d’aujourd’hui ne ressemblent pas aux marins d’hier ?

S.V. : « C’est un peu différent oui. Il y en a moins car il y a moins de course au large en équipage et ils sont pour la grande majorité professionnels ! Mais c’est vrai que maintenant, quand on voit que Fabrice Amedeo abandonne le Vendée Globe car il n’a plus d’ordinateur, c’est quand même dommage… »

F.N. : Qu’est-ce qui vous plaît dans l’organisation de courses ? S.V. : « Ce qui me plaît c’est le contact avec les skippers, les bateaux et le suivi, la météo et la stratégie, je trouve cela très intéressant ! C’est quelque chose sur lequel je me suis formée au fil de l’eau, car à mon époque ce n’était pas pointu comme aujourd’hui ! Les skippers ont des formations avec des météorologues, etc. On a plus d’informations sur les bateaux aussi, la stratégie est complétement différente avec les logiciels de navigation. Quand on fait de la direction de course, on suit des stages pour apprendre ce genre de choses, pour comprendre et ne pas être trop « à la ramasse » par rapport aux skippers, on continue d’apprendre ! »

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A Portsmouth en 2015 dans la Spinnaker Tower.© Sylvie Viant

F.N. : Être une femme dans un monde encore très masculin, pas trop compliqué ?

S.V. : « En 73, heureusement que j’étais la fille du patron ! Les hommes se précipitaient pour aider pendant la navigation, mais finalement c’était surtout pour prendre ma place. Donc il faut arriver à leur dire non, ici c’est chacun son rôle et chacun sa place. Après c’est la routine et tout se passe bien. Les hommes sont tout à fait aptes à comprendre cela, même s’il y a cette petite première phase où il faut s’imposer.

Je pense que c’est moins le cas maintenant, les hommes sont moins machos aujourd’hui. Il y a une nouvelle génération avec des femmes comme Samantha Davies, Isabelle Joschke, Miranda Merron… qui n’ont plus rien à prouver. C’est bien car il y a une époque où il n’y avait plus du tout de femmes dans la course au large et maintenant ça revient.

En organisation de course, ce n’était pas évident d’être une femme à l‘époque. Je me souviens avec Gérard Petipas en Hollande pour la Course de l’Europe, on tombait sur des directeurs de ports très machos qui ne voulaient pas du tout s’adresser à moi, il fallait vraiment s’imposer. Aujourd’hui c’est passé dans les mœurs.

Des directrices de course je n’en connais pas… Il faut que des femmes s’imposent dans ce domaine ! Aujourd’hui elles naviguent mais quand elles arrêteront, elles seront tout à fait à la hauteur de ce métier. »

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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