
L’escale de Matosinhos-Porto a à peine duré le temps de reprendre son souffle. Trois heures après avoir amarré, la flotte IMOCA reprenait déjà la mer, filant plein sud dans des conditions dont rêvent tous les skippers de course au large.
Paprec Arkéa, deuxième à s’arrêter hier, avec 42 minutes de retard sur Biotherm au redémarrage, n’a pas perdu de temps pour appuyer sa position de chasseur. Le skipper Yoann Richomme a décrit la reprise comme « super rapide. Nous avions un super angle, un bon réglage de voiles, et nous avons profité de quatre à cinq heures magiques. »
Son équipage partageait son enthousiasme. « Nous avons eu un vent qui n’était pas prévu, et, maintenant, on envoie à 25 nœuds », racontait Mariana Lobato alors qu’ils dévalaient la côte de Cascais. « Biotherm est parti à gauche, nous à droite, et nous arrivons à nous échapper. C’est parfait ! »
Biotherm, qui avait mené jusqu’à Porto et engrangé le maximum de points à la porte de score intermédiaire, a alors vu son avance menacée. Son skipper Paul Meilhat avait prévenu que son bateau était moins à l’aise au portant, et la météo lui a vite donné raison. « C’est bien d’entamer la deuxième partie avec un petit avantage, expliquait-il, car les douze heures qui suivent immédiatement le cap Saint-Vincent seront difficiles. La première partie a été très ventée, au portant, très rapide. »

Ces conditions se sont révélées décisives. Tandis que la flotte dépassait Cascais et s’enfonçait dans la nuit, Paprec Arkéa revenait à hauteur, puis passait devant au cap Saint-Vincent. Les images embarquées montraient l’écran clignoter à 30 nœuds, preuve d’un équipage qui donnait tout dans ce mano a mano.
Ce qui frappait, c’était l’approche : à travers la flotte, les équipages ont préféré barrer à la main plutôt que de s’en remettre à leurs pilotes automatiques sophistiqués. Chez Paprec, les marins se relayaient sans cesse à la barre - Richomme, Lobato et Pascal Bidégorry en quarts de 45 minutes, surgissant brièvement dans les embruns avant de replonger à l’abri.
À bord de Biotherm, Jack Bouttell décrivait une « matinée difficile ». « Nous avons dû traverser une petite zone de transition, et Paprec s’en est sorti bien mieux. On était très proches, ils ont pris un peu d’avance. Maintenant, on a retrouvé du vent et ça repart assez vite. »
Au moment crucial, Biotherm n’avait pas la voile idéale à disposition, manquant le petit gennaker fractionné qui aurait été parfait dans 25-30 nœuds au portant. Ils ont dû se contenter d’un plus grand spi de tête, gardant le bateau sous contrôle mais sans pouvoir égaler la vitesse de Paprec. « Il y a eu pas mal d’enfournements, on essayait surtout de gérer le bateau, mais on s’en est sortis », ajoutait Jack Bouttell.

À 11h00 UTC, Paprec Arkéa comptait neuf milles d’avance, avec Biotherm et Holcim-PRB côte à côte dans son sillage. Alan Roberts, de Holcim, soulignait les progrès de son équipe : « Nous avons vu des améliorations significatives sur la première partie de l’étape, mais il y a encore du chemin à faire. C’est bien d’avoir marqué des points, mais il reste encore trois ou quatre jours de course avant Carthagène. »
Derrière le trio de tête, Team Malizia tient la quatrième place, tandis qu’Allagrande Mapei Racing et Canada Ocean Racing - Be Water Positive poussent fort vers Gibraltar. « On a dû manœuvrer pas mal entre le DST (Dispositif de Séparation de Traffic) et la côte, et on l’a payé », reconnaissait Manon Peyre (Mapei) après avoir perdu du terrain face à Team Malizia.
En queue de flotte, Team Amaala continue de se battre malgré son décrochage dans les petits airs à l’approche de Porto. Le skipper Alan Roura gardait le moral, plaisantant : « On adore le petit temps, parce que ça nous permet de passer plus de temps ensemble ! » Ce matin au redémarrage, Amaala accusait un retard de 400 milles sur les leaders, un écart énorme mais qu’ils restent déterminés à réduire.
Pour Paprec Arkéa, la journée fait figure de consécration. Leur bateau est depuis longtemps considéré comme le plus rapide au portant dans la brise, et ils ont enfin eu l’occasion de le prouver. « Ce sont vraiment les conditions de Paprec Arkéa », reconnaissait Jack Bouttell. « On fait de notre mieux pour rester au contact. Après, ce sera à nouveau nos conditions en Méditerranée, avec un peu moins de vent, ou au près, ou au reaching. »
Les leaders doivent franchir Gibraltar cet après-midi, longeant la côte au nord de la zone d’exclusion pour gagner quelques milles. Au-delà du détroit, la météo a changé : les conditions s’annoncent plus légères que prévu, avec une transition rapide des vents d’ouest actuels vers un flux d’est qui portera la flotte vers Carthagène. Une situation qui pourrait avantager les poursuivants, et compliquer la tâche de Paprec Arkéa pour défendre son avance.