Transat Café L'Or : de l’Or pour les braves
Ce sont des sensations étranges qui n’ont rien à voir avec les caprices du ciel du moment, ces averses qui ont balayé le port dans la matinée. Chez les skippers de la TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie, il y a l’impression d’être déjà projeté sur le lendemain, sur le large, tout en gardant les pieds ici, à compter les heures sous la pluie, à dérouler le fil, à jongler entre enthousiasme et appréhension. Bientôt les marins partiront, les fichiers météos deviendront une réalité brutale et veiller à son bateau une priorité de chaque instant. En attendant, la nuit dernière a forcément été un peu plus courte ou un peu plus hachée que les autres. À l’arrivée au briefing ce samedi matin, il y a quelques cernes creusés, des teints un peu blafards et surtout des regards soucieux. « Je me suis réveillé vers 6 heures, je me suis fait le déroulé de la course dans la tête et je n’ai pas réussi à me rendormir », confie Benjamin Schwartz (Sodebo).
« On coupera la ligne à plus de 40 nœuds »
Pour tous les skippers, l’étude de la météo a occupé une bonne partie de l’emploi du temps de ces derniers jours. Et un constat s’impose : le départ et la première nuit s’annoncent particulièrement musclés. Les modèles sont calés, ce qu'en jargon de prévionniste on appelle "un scénario robuste". « Il y aura 18-20 noeuds sur la ligne de départ, le vent va progressivement se renforcer avec 30 nœuds moyen et des rafales qui pourraient tutoyer les 50 nœuds selon les modèles anglais et allemands », explique cartes à l’appui Pierre-Yves Guillerm de Météo France, le météorologue de la course. Un phénomène assez concentré sur « l’Ouest du Cotentin et l’Est de la Manche ».
Conséquence ? Le départ, diffusé en direct sur France 3 de 13 h 30 et 15 h 20, s’annonce spectaculaire. « Nous allons partir à pleine vitesse, on sera rapidement à 40 nœuds », assure Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI). « Avec le ressac en fond de la baie de Saint-Adresse, les images seront belles poursuit Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) mais cette esthétique de la course nous oblige à être très concentrés ». Un constat partagé par les trois classes qui s’élanceront toutes les 20 minutes (ULTIME à 14 h 10, IMOCA à 14 h 30 et Class40 à 14 h 50).
« Ça va être dur pour tout le monde »
« L’essentiel, c’est d’assurer le début, de ne pas faire d’erreur, de réussir la sortie de Manche » confie Szabolcs Weores (New Europe). « Même si nous avons des bateaux qui sont sensés pouvoir le faire, ça reste des conditions difficiles, reconnaît Élodie Bonafous (Association Petits Prince - Queguiner). « Ça va être dur pour tout le monde, il ne faut pas se voiler la face », abonde Corentin Douguet (SNSM Faites un don !). « Ça va être difficile de trouver le bon curseur entre aller vite, attaquer et en même temps ne pas prendre trop de risques », poursuit Benjamin Dutreux (4Cad - La Mie Câline).
Après cette entame particulièrement harassante, pas question de relâcher la pression. « Il y a un flux perturbé dans l’Atlantique Nord qui va entraîner la formation d’une dépression qui gagnera le golfe de Gascogne entre jeudi et vendredi », confie Pierre-Yves Guillerm. Tous surveillent le creusement d’une dépression entre les Açores et le Portugal qui pourrait barrer la route des skippers jeudi ou vendredi prochain. Pour les ULTIM cela implique « 48 heures assez physiques au niveau du Portugal avant de dérouler notre route vers le Sud », confie Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI).
Du côté des IMOCA, le passage de cette dépression devrait entraîner des choix stratégiques intéressants. « Pour l’instant, les fichiers divergent sur la façon dont la dépression s’évacue au large du Portugal, décrypte ainsi Violette Dorange (Initiatives Cœur) Soit elle part vers l’Espagne et on passera dans son Nord, soit elle va monter vers le Nord et on passera dans son Sud. Ça peut impliquer de grands changements de route mais ça peut encore évoluer ! » Après ce premier front, les Class40 pourraient avoir à en traverser un deuxième le week-end prochain. « À la place de l’anticyclone des Açores, on a un convoi de dépressions qui débarque, sourit Michel Desjoyeaux. Elles sont nombreuses, prennent pas mal de place et nous obligent à nous adapter ». Quoi qu’il en soit, un constat s’impose : à écouter les conversations des marins et à les voir presser le pas pour rejoindre leur équipe technique, il y a la vague impression que la course a déjà commencé.
Pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine.