
Un duel de géants au cœur des Caraïbes
Le décor est planté : 600 milles autour de 11 îles, des passages tactiques redoutables, des surfs interminables dans l’alizé, des zones d’ombre autour de la Guadeloupe et des rafales imprévisibles entre Marie-Galante et Barbuda.
Dans ce labyrinthe tropical, deux machines légendaires vont s’affronter : la Farr 100 Leopard 3, menée par Joost Schuijff avec Chris Sherlock en chef d’orchestre, et la Reichel/Pugh Black Jack 100, skippée par Tristan LeBrun.
D’un côté, l’expérience absolue : Leopard connaît cette course comme aucune autre écurie, avec une longue liste de victoires et un triplé historique en 2024 (Line Honours, IRC Zero et IRC overall).
De l’autre, l’outsider redoutable : Black Jack, récente double détentrice des Line Honours sur le Rolex Fastnet Race et le Rolex Middle Sea Race 2025, prête à exporter son écrasante vitesse dans les eaux caribéennes.
Leopard 3 : l’expertise d’un vétéran affûté
Leopard n’est pas seulement un ancien champion ; c’est l’un des piliers du Caribbean 600 depuis sa création. Première détentrice du record monocoque en 2009, puis à nouveau Line Honours en 2013 et en 2024, la machine noire et argentée a été repensée pour 2026 :
o nouveaux safrans,
o surface de grand-voile réoptimisée,
o package aérodynamique taillé pour les allures débridées.
L’objectif est clair : maximiser la puissance dans le médium et atteindre des vitesses moyennes toujours plus élevées. Pour Sherlock, qui connaît chaque recoin du parcours, la clé sera dans la constance : "Si l’alizé souffle fort, nous pourrons tenir plus de toile que Black Jack. C’est un jeu d’équilibre : dès que ça dépower, notre largeur aide vraiment."
Black Jack 100 : une grande dame réinventée
Son histoire est un roman nautique : née Alfa Romeo II, victorieuse à Hobart et en Méditerranée, recordwoman sur le Transpac ; puis métamorphosée en Esimit Europa II, dominatrice du Rolex Middle Sea Race et gagnante de la Fastnet 2013 devant... Leopard.
Rebaptisée Black Jack 100, elle a encore changé de peau :
o plan de voilure revisité,
o têtes de voiles sur enrouleurs pour des manœuvres ultrarapides,
o rééquilibrage général pour optimiser VMG et vitesse par vent léger.
Tristan LeBrun, impressionné mais pas intimidé par l’aura de Leopard, assume son statut de challenger : "C’est l’un des rares événements d’hiver où des 100 pieds peuvent vraiment s’exprimer. Le parcours est magnifique mais sans pitié. On vient pour apprendre vite, et pour jouer la gagne."

Deux styles, deux stratégies
Leopard aime le vent médium à fort, le reaching, les longues pressions continues où son gabarit fait merveille.
Black Jack préfère les transitions, les relances, les phases légères ou les bords VMG où sa finesse et son poids plume s’expriment. Sherlock le dit sans détour : "S’il y a peu de vent, ils risquent de partir. Mais dans l’air fort, on pourra maintenir notre puissance plus longtemps."
LeBrun, lui, connaît le terrain et ses pièges : "Guadeloupe peut tout changer. Barbuda aussi. Et les grains qui balayent Marie-Galante arrivent sans prévenir. C’est un parcours où personne n’avance en ligne droite."
Le facteur humain : l’arme cachée
Leopard aligne un groupe qui navigue ensemble depuis des années. La cohésion est leur carburant : un équipage qui ne s’explique plus rien, qui sait. Black Jack, à l’inverse, mise sur un collectif jeune, motivé, structuré autour d’un fonctionnement souple : un système de binôme plutôt que des quarts traditionnels, pour rester réactifs sur les transitions rapides.
Pour LeBrun : "Nous n’avons pas que des stars, mais une équipe soudée qui apprend ensemble et progresse à chaque course. C’est un projet jusqu’en 2028, on construit quelque chose."
01 jour 13 h 41 min 45 s. Un temps stratosphérique signé Rambler en 2018.
Et pourtant, ni Sherlock ni LeBrun ne le considèrent hors de portée. Avec des alizés réguliers à 18-22 nœuds, les deux Maxis pourraient naviguer pleine balle quasiment tout le tour. LeBrun l’imagine déjà : "Terminer bord à bord et battre tous les deux le record... ce serait une arrivée incroyable."
Une édition qui s’annonce historique
Au-delà de l’affrontement, c’est un duel générationnel :
o l’expérience patinée de Leopard ;
o l’élan et la fraîcheur de Black Jack.
La 17e édition de la RORC Caribbean 600 promet un scénario serré, rapide, spectaculaire et peut-être décisif pour la nouvelle ère des Maxis offshore. Comme le résume LeBrun : "Courir ici, c’est un privilège. Ces bateaux méritent les plus beaux parcours du monde. Et celui-ci est la cerise sur le gâteau."
Les hostilités commenceront officiellement le 23 février 2026, après la RORC Nelson’s Cup Series (17-20 février).
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