
« On ne s’imagine pas couler lorsqu’on prend la mer ». C’est pourtant ce qui est arrivé à Jean-Paul Loncle et son fils, Yannick, au large du Cap Fréhel mardi à 10h30…
Jean-Paul Loncle et son fils Yannick, respectivement âgés de 60 et 21 ans ont fait naufrage mardi au large du Cap Fréhel. Les deux marins reviennent sur ce jour où tout aurait pu basculer à quelques milles des côtes.
« Nous nous sommes levé à 4h30 du matin pour un départ du port à 6 heures. Le temps n’était pas si mauvais et vers 8h30, nous avons commencé à draguer puis trier les coquilles Saint-Jacques sur zone. Il était 9h15 quand mon père a pris la direction du port de Saint-Cast. Tout allait très bien, on approchait du Cap Fréhel où la mer est toujours plus formée. Ce passage est le point le plus dangereux de notre itinéraire, il y fait souvent beau avant et après mais rarement pendant… », explique Yannick Loncle.
La pêche avait été bonne, le coquiller était chargé et quelques vagues ont commencé à remplir le bateau mais rien alors d’alarmant pour les deux marins qui sont habitués à cette zone de navigation difficile. « L’eau s’évacuait assez mal à cause des dragues remplies qui obstruaient les dalots (Ndlr : trous d’évacuation d’eau placés au ras du pont qui permet à l’eau embarquée de s’écouler), poursuit le jeune équipier. Soudain nous avons essuyé la force d’une vague plus puissante que les autres qui a fait glisser toutes les dragues du même côté du pont ». Le « Ti-Pierre » s’est alors mis sur la tranche en se remplissant d’eau.
La réaction du père est alors très rapide : « envoie un signal de détresse ! » lance-t-il à son fils qui presse alors le bouton « distress » de leur VHF. L’opération a pour effet d’envoyer la position du navire aux Cross Corsen et aux bateaux alentours. « J’ai ensuite reçu l’ordre de lancer le canot de sauvetage à l’eau et de m’y réfugier pendant que mon père envoyait un « Mayday » vocal à la VHF », indique Yannick Loncle. De la passerelle j’ai exécuté l’ordre et grimpé dans le radeau de survie. Mon père lui, restait encore sur le pont en espérant que notre bateau, qui venait de se stabiliser un petit moment sur la tranche, revienne dans sa position initiale ».
« J’ai vu mon père être englouti par son propre bateau et prisonnier sous l’eau »
Malheureusement il se passa exactement l’inverse. « De mon canot de survie j’ai vu mon père être englouti par son propre bateau et prisonnier sous l’eau, raconte le jeune marin. Avant ce moment critique je n’avais éprouvé aucune peur ni crainte et tout d’un coup j’ai eu très peur ». Le père réapparait finalement à une cinquantaine de mètres du radeau de survie qui dérive vite à cause du vent. Dans une eau à 7 degrés, l'espérance de vie n'est de quelques minutes.
Fort heureusement un chalutier du même port de pêche, le « Kallon Maoez » avait entendu l’appel à l’aide des deux marins et s’était dérouté très rapidement, se rendant sur zone avant la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) et l’hélicoptère Dragon 50 des secours. L’équipage composé de trois hommes a lancé une bouée de sauvetage et tiré le père de famille avant de le remonter à bord par l’échelle. Le navire a ensuite récupéré le fils toujours à bord de son radeau de survie.
« J’ai tout vu défiler, je me suis vu partir, explique Jean-Paul Loncle. Lorsque je me suis retrouvé prisonnier sous le bateau, le gilet de sauvetage m’empêchait de m’échapper par la lisse du bateau. A ce moment là c’était pire de l’avoir sur les épaules, il me remontait systématiquement contre le pont ».
«Je n’ai aucune appréhension à reprendre la mer »
Le père et le fils ont été admis à l’hôpital de Saint-Brieuc où ils ont été placés en observation avant de sortir dès mardi en fin d’après-midi.
Le « Ti-Pierre » devrait être renfloué tandis que Jean-Paul et Yannick se préparent déjà à rembarquer sur un nouveau chalutier du même armateur peut-être même dès la semaine prochaine. « Je n’ai aucune appréhension à reprendre la mer mais c’est sûr qu’on sera encore plus vigilant et qu’au moindre doute quand à l’état de la mer au Cap Fréhel, on se déroutera », affirme Yannick, précisant que « personne ne s’imagine couler lorsqu’il prend la mer ».