
L’attrait du large ne se dément pas mais les plaisanciers peinent à accéder à la propriété. Des start-up au goût de sel inventent donc pour eux de nouvelles offres de navigation.
Avec 12 millions d’apprentis marins en puissance, selon la dernière étude de la fédération française de voile, et un nombre de permis bateau en progression de 30% en trois ans, le goût des Français pour la plaisance ne se dément pas. Pourtant le nombre de nouvelles immatriculations est tombé de 22.000 en 2002/2003 à un peu moins de 14.000 dix ans plus tard. En plus des obstacles liés à la situation économique générale, les plaisanciers doivent faire face aux difficultés d’entretien de leur bateau : les anneaux au port sont des denrées rares - la liste d’attente pour la seule région Provence-Alpes-Côte d’Azur est ainsi de 22.000 places – et le coût de l’entretien annuel est estimé à 10% du prix d’achat, sachant que les propriétaires n’utilisent en moyenne leur bateau que quinze jours par an. De jeunes entrepreneurs ont donc décidé de les aider à rentabiliser leur embarcation.
Un bateau en partage
C’est un nouveau mot arrivé dans le vocabulaire des plaisanciers au début des années 2010, bousculant les traditionnelles bourses aux équipiers punaisées dans les capitaineries ou sur les sites de petites annonces. La co-navigation, présentée sur des plateformes internet, permet de mettre en relation des marins qui consultaient déjà les bourses aux équipiers – pour de longues navigations à peu de frais – et des plaisanciers du dimanche qui ne se sentaient pas concernés par ces systèmes de bourses, cherchant avant tout à partager un moment de plaisir. « J’ai acheté mon bateau en partant à la retraite et je sors désormais trois fois par semaine, témoigne Pierre Marie. Je dirais que je navigue la moitié du temps avec mon réseau de co-navigation du site vogavecmoi.com, un tiers du temps tout seul et le reste avec mon épouse qui travaille à Paris pendant la semaine. » Pierre-Marie sort en général par beau temps et pour quelques heures, à la découverte du plan d’eau de La Rochelle. Il ne cherche pas des équipiers particulièrement compétents, car il manœuvre seul, mais plutôt de sympathiques compagnons de mer. « J’aime enfiler mes habits de pédagogue avec ceux qui ne connaissent pas la mer ou me livrer à des discussions techniques à n’en plus finir avec les marins chevronnés », précise-t-il. Il a ainsi rencontré Mireille, une quinquagénaire bien amarinée dont les enfants ont quitté le nid. « Je participe à des navigations plus ou moins longues, explique-t-elle. Je suis ainsi partie deux fois trois semaines. A bord, nous partageons les frais et nos compétences. » Pour Antoine Penot, créateur du site vogavemoi.com en février 2010, l’humain doit être au centre des préoccupations. « Nous ne le traitons pas comme un accessoire à la navigation », précise-t-il. L’équipe du site prépare donc pour 2014 un système d’avis pour avoir un retour d’expérience et une cartographie pour localiser les bateaux mais aussi les 18.000 membres. « Comme sur un site de rencontres amoureuses », précise Antoine Penot. Et signe que le marché est bien là, vogavecmoi.com a désormais plusieurs cousins. L’un des derniers, Boaterfly.com, se positionne à mi-chemin entre la co-navigation et la location entre particuliers. Les créateurs de la plateforme sont des adeptes de la navigation sous toutes ses formes et souhaitent donc proposer une offre très large. « On cible un peu tous les publics, assure Guillaume de Corbiac, co-fondateur du site. Ceux qui recherchent une planche pour quelques heures sur une plage, un kayak à l'autre bout du monde, ou un voilier, avec ou sans skipper. » Il est même possible de proposer son bateau sous forme d’hébergement à quai. « La location entre particuliers a pris ses marques dans le nautisme car elle permet des économies de l’ordre de 30% par rapport aux sociétés traditionnelles », assure Romain Dalongeville, l’un des fondateurs d’un site uniquement consacré à la location nautique entre particuliers, Sailsharing. « Nos clients apprécient l’éventail très complet des embarcations, neuves comme anciennes, précise-t-il. Elles ont souvent beaucoup de caractère car elles sont le fruit d’un coup de cœur de leur propriétaire. » Depuis le lancement du site, en juillet 2013, une soixantaine de bateaux ont été inscrits, de la vedette à moteur de 5.60 mètres jusqu’au voilier de 20 mètres. Pour conclure une location, les propriétaires reçoivent des CV nautiques et acceptent en moyenne 75% des demandes. Ils doivent ensuite couvrir la location avec leur propre contrat d’assurance. « Mais nous espérons proposer rapidement un pack de location », assure Romain Dalongeville. Idem pour la plateforme Boaterfly.com qui espère proposer une offre d'assurance pour le printemps. Comme un de ses concurrents shareboat.fr qui propose des locations entre particuliers, de voiliers ou bateaux à moteur 100% assurées. Les jeunes pousses du nautisme, derniers arrivés de l’économie collaborative, ont des idées plein la tête.