
Figaro Nautisme : Comment devient-on le directeur d’une marque comme Excess ? Thibaut de Montvalon : J’ai un parcours un peu atypique. Je fais de la voile depuis tout petit. Avec mon grand-père et avec mon père… On naviguait « à l’ancienne » : pas question de mettre le moteur même s’il n’y avait pas de vent. Il nous est arrivé de « faire le bouchon » pendant des heures avant de pouvoir rentrer au port ! La suite logique a été l’école de voile et comme j’adorais vraiment ça, j’ai fini par devenir moniteur de voile à Groix. A 15 ans, j’ai décidé d’arrêter mes études pour mon consacrer à la voile. Evidemment, mes parents n’ont pas apprécié. Nous avons passé un accord : à savoir, passer d’abord mon Bac. Une fois réussi, j’achète un bateau en alu de 6,70 m pour partir autour du monde. Vous imaginez son état : il demande pas mal de travail avant d’appareiller et je me rends compte que je ne suis absolument pas bricoleur. En tout cas, pas au niveau. Cette année-là, je découvre à l’occasion du salon nautique de Paris l’INB et ses formations. Je me lance alors dans une formation en alternance d’agent de maintenance des industries nautiques. Je suis sur les pontons et j’entretiens les bateaux d’une flotte de location en Bretagne tout en habitant sur mon bateau. Cette expérience me fait réaliser que je ne suis pas un excellent technicien et que je n’ai pas le niveau pour me lancer dans la course au large. Je reprends mes études et me fais embaucher pour mes stages chez Stardust puis Sunsail et enfin Moorings après la fusion entre les deux entités. J’y reste et enchaine les postes en Angleterre, à Nice puis en Floride. Au salon nautique 2007, je rencontre celle qui va devenir ma femme. Je démissionne pour la rejoindre à Nice. J’y monte l’antenne française de Peters and May (spécialiste du transport de bateaux) puis en Asie. En 2012, j’intègre le Groupe Beneteau en Asie. Après 8 ans, nous voulons rentrer en France. Le groupe me propose un poste chez CNB comme directeur commercial Europe pour Lagoon. Mais avant de changer – à nouveau – de vie, et comme nous rêvons toujours d’un grand voyage en bateau, je demande à Beneteau six mois avant de rejoindre mon nouveau poste. En famille, avec nos deux enfants de 5 et 7 ans, nous partons dans le Pacifique avec notre Lagoon 380 acheté pour l’occasion. Ma première vraie expérience en catamaran de croisière… Qui va totalement transformer ma vision du voyage en bateau et également mon avenir professionnel !
Figaro Nautisme : Le catamaran de croisière est-il le bateau idéal pour un voyage en famille ?Thibaut de Montvalon : Oui, bien sûr, mais…non, pas forcément ! La plateforme du catamaran est idéale pour profiter de la vie à bord. Volume, espaces, intimité, navigation à plat – et avec des enfants c’est un vrai plus en termes de sécurité. Les performances sont aussi tout à fait correctes pour un bateau de croisière. Alors oui, le catamaran est vraiment conçu pour vivre en famille en voyage. Notre navigation de six mois en famille m’a convaincu et j’ai adoré l’expérience. Mais, si je suis honnête, j’ai ressenti un manque de sensations, de plaisir à la barre, d’embruns, de gîte… Les moyennes de vitesse sous voile étaient parfaitement comparables à celles que nous aurions obtenues avec un monocoque, mais, à mon sens, il me manquait quelque chose. Ce petit quelque chose qui rendrait l'expérience vraiment complète et encore plus fabuleuse !
Figaro Nautisme : D’où la naissance de la marque Excess ?Thibaut de Montvalon : Je travaillais pour Lagoon quand le groupe Beneteau a décidé de lancer une nouvelle marque de catamarans dont le concept était : des bateaux vivants à la barre, générateurs de sensations tout en alliant confort en navigation et au mouillage. Une proposition qui m’a tout de suite séduit. Quand on m’a proposé de m’occuper de la marque Excess en 2020, je n’ai pas hésité longtemps. C’était un vrai challenge à tous les niveaux, mais on parlait alors aussi, finalement, du bateau dont je rêvais donc…

Figaro Nautisme : Après 5 ans, le chantier a présenté 4 bateaux et en annonce un 5e ? Thibaut de Montvalon : Oui, nous allons présenter au salon international du multicoque de La Grande Motte le dernier né de la gamme : l’Excess 13. C’est en effet le 5° Excess après les 11, 12, 14 et 15. Un tout nouveau bateau et une nouvelle collaboration architecturale avec Marc Lombard Yacht Design Group. Nous avons aussi demandé à Jean-Marc Piaton de réimaginer le design intérieur pour être en parfaite adéquation avec nos bateaux. Et il a fait un travail remarquable ! Nous gardons bien sûr l’ADN de la marque. Vous allez retrouver les postes de barre à l’arrière des flotteurs, barres qui sont toujours équipées de drosses textiles pour, là encore vraiment sentir le bateau. L’Excess 13 est aussi plus léger – on demande aux architectes un rapport de surface de voile / déplacement qui soit autour de 5. Un catamaran de croisière de grande série a un rapport compris entre 4 et 4,5. Un bateau rapide est au-dessus de 5. Notre challenge est de rester dans une gamme de prix proche des bateaux de grande série. Donc faire mieux avec moins. C’est d’ailleurs notre slogan : « Less is more » !
Figaro Nautisme : Les bateaux d’aujourd’hui sont de plus en plus complexes pour amener du confort et de la facilité de manœuvres. La technologie est-elle en train de prendre le pas sur notre manière de naviguer ? Thibaut de Montvalon : Les Excess sont conçus pour répondre à une demande : celle de marins qui cherchent un bateau vivant, amusant tout en restant confortable. Le propriétaire d’un Excess est souvent un navigateur qui vient du monocoque. Il veut continuer à naviguer et à s’offrir des sensations tout en gagnant en confort à bord. La technique peut permettre de simplifier certaines manœuvres. On peut imaginer que le système électronique Garmin qui équipe nos catamarans puisse dans le futur, régler les voiles et choisir la meilleure route en fonction des conditions, tout en laissant, évidemment, la possibilité à l’équipage de reprendre la main, si l’envie de s’amuser se fait ressentir à bord ! Je suis convaincu vraiment qu’Excess est le chainon manquant entre le monocoque et le catamaran de croisière. Un bateau accessible pour le néophyte et qui peut aussi répondre aux attentes du marin qui vient du monocoque et qui veut du plaisir en navigation. C'est pour cela que nous avons opté pour des quillons très fins et profonds, tout comme nos safrans adaptés, plutôt que des dérives.La technologie doit avant tout être un atout, simplifiant la vie à bord sans jamais la compliquer ni limiter aux performances du bateau. C’est notre philosophie chez Excess !

Figaro Nautisme : Dernière question : Excess en chiffres et quel a été votre dernière navigation et quelle sera la prochaine ?Thibaut de Montvalon : Nous produisons aujourd’hui 150 catamarans par an. Fin 2025, nous aurons 500 Excess qui naviguent de par le monde après seulement 5 ans d’activité. Ma dernière navigation personnelle était en famille, le week-end dernier sur mon Pogo 8,50. Ma dernière grande navigation a eu lieu aux Tuamotus, où j'ai passé trois semaines à bord d'un Excess 11. Quant à la prochaine, il s'agira du convoyage du tout nouvel Excess 13 après le salon de La Grande Motte, en compagnie d'une partie de l'équipe Excess. Je vais emmener un maximum de personnes pour leur faire découvrir le bateau et profiter de cette expérience tous ensemble. Un bon moment que nous attendons tous avec impatience.