Le phare du cap Fréhel : sentinelle granitique et étoile des navigateurs

Sur la côte nord de la Bretagne, il n’est pas un marin qui ignore la silhouette massive du phare du cap Fréhel. Dressé face aux vents dominants d’ouest et aux houles du large, ce géant de granit guide depuis des siècles les navigateurs qui longent l’une des portions les plus exposées du littoral français. Admiré des plaisanciers, respecté des professionnels, il est à la fois un repère visuel, un abri symbolique et l’un des phares les plus emblématiques de la façade Manche–Atlantique.

Un promontoire redouté par les marins

Le cap Fréhel n’a rien d’une côte paisible. Ses falaises abruptes, hautes de plus de 70 mètres, plongent dans une mer souvent agitée. Ici, le vent peut virer au grain en quelques minutes, et les courants se resserrent entre Fréhel et la pointe du Grouin. Naviguer à proximité exige d’avoir l’œil sur la météo, les bancs de brume et la visibilité, souvent capricieuse dans cette zone où la Manche joue avec les nuages et les rafales.

C’est précisément pour répondre à ces dangers qu’un phare a été érigé dès le XVIIe siècle. Mais l’édifice que nous connaissons aujourd’hui est l’aboutissement de trois siècles de constructions, reconstructions... et d’obstination humaine.

Premier phare
Premier phare© Sophie Savant-Ros

Un premier phare signé Vauban

Le premier signal lumineux du cap Fréhel voit le jour en 1685, sous l’impulsion de Vauban, qui souhaite sécuriser le couloir maritime stratégique entre Saint-Malo et la mer du Nord. L’ouvrage prend la forme d’une tour modeste, éclairée au charbon de bois. La flamme est capricieuse, la portée faible - mais pour les navires de l’époque, c’est une bénédiction.

Ce premier phare fonctionnera près de 50 ans avant d’être remplacé par un édifice plus fiable.

1836 : un phare moderne face à une mer qui ne pardonne pas

Au début du XIXe siècle, l’intensification des échanges maritimes et la multiplication des naufrages poussent l’État à moderniser le site. En 1836, un second phare en granit est mis en service. Haut de 22 mètres, équipé d’une lampe à huile puis d’un feu à lentille de Fresnel, il devient rapidement un repère incontournable pour les caboteurs et les pêcheurs.

Sa portée atteint alors près de 20 milles. Pour les marins longeant la côte, ce feu fixe blanc est la garantie de pouvoir contourner les écueils du cap avec une marge de sécurité suffisante.

Ce phare du XIXe siècle existe toujours : il trône juste à côté du phare actuel, solidement accroché à son promontoire, mais hors service.

1944-1950 : la destruction, puis la renaissance

Comme beaucoup d’ouvrages stratégiques de la côte, le phare de 1836 n’échappe pas à la Seconde Guerre mondiale. En 1944, les troupes allemandes, en retraite, détruisent la lanterne et une partie de la structure pour ne pas laisser d’aide à la navigation aux Alliés.

Dès la Libération, l’administration des Phares et Balises entreprend la construction d’un nouvel édifice, plus haut, plus puissant, et capable de résister aux assauts du vent et du sel. Le chantier débute en 1946 ; il faudra quatre années pour ériger le phare actuel, inauguré en 1950.

Phare actuel
Phare actuel© Sophie Savant-Ros

Le phare d’aujourd’hui : un géant de granit taillé pour le large

Le phare moderne est impressionnant.

Hauteur : 33 mètres (70 mètres au-dessus du niveau de la mer).

Matériau : granit massif du pays.

Portée du feu : jusqu’à 29 milles nautiques (environ 54 km).

Signal : 2 éclats blancs toutes les 10 secondes.

Pour plus d'informations de navigation, se référer au Bloc Marine.

La lanterne, automatisée, fonctionne aujourd’hui sans gardien. Elle demeure cependant sous surveillance constante des équipes des Phares et Balises, qui interviennent régulièrement pour l’entretien - non une mince affaire dans cet environnement extrême, où le sel, l’humidité et le vent mettent à l’épreuve chaque boulon, chaque joint, chaque pas de vis.

Vue depuis la plateforme du pahre
Vue depuis la plateforme du pahre© Sophie Savant-Ros

Un phare posé face à l’immensité

Incontournable silhouette du littoral breton, le phare du cap Fréhel impose immédiatement le respect. Il guide aujourd’hui encore les navigateurs qui longent la côte sauvage entre Saint-Malo et Bréhat. Depuis sa plateforme, le panorama est saisissant : la mer à perte de vue, l’archipel des Sept-Îles au loin par temps clair, et, en contrebas, le ballet incessant des vagues qui sculptent les falaises.

La visite permet de comprendre le rôle stratégique du site, l’un des points les plus exposés du littoral nord-breton. Les gardiens d’autrefois racontaient que, certains jours d’hiver, le vent pouvait y renverser un homme. Aujourd’hui, les visiteurs viennent surtout y chercher la beauté brute du paysage - et repartent convaincus qu’elle vaut bien l’effort de grimper les marches menant au sommet.

Premier phare et phare actuel
Premier phare et phare actuel© Sophie Savant-Ros

Un repère essentiel pour les navigateurs

Pour les plaisanciers, le phare du cap Fréhel est un allié précieux. Parmi ses usages nautiques les plus courants :

Franchir la zone de Fréhel : son éclat permet, de nuit comme par mauvaise visibilité, de longer les falaises avec une distance de sécurité suffisante.

S’aligner pour contourner la pointe : combiné aux cartes et au GPS, le feu est un repère utile pour planifier son cap vers Saint-Malo, Saint-Cast, Bréhat ou Erquy.

Naviguer par brume : dans cette région sujette aux brouillards matinaux, la portée lumineuse fait souvent la différence entre un passage serein et une navigation hésitante.

Le phare est également un repère psychologique : pour les marins de retour du large, apercevoir l’éclat de Fréhel, c’est souvent sentir le goût du retour, de la terre proche.

Un monument, mais surtout une mémoire maritime

Au-delà de sa fonction de signalisation, le phare du cap Fréhel est un symbole. Celui de trois siècles d’ingéniosité humaine face à une côte exigeante. Celui d’une tradition maritime où l’on dépendait, avant les GPS et AIS, d’un simple cercle de lumière tournant dans la nuit. Celui, aussi, d’une Bretagne qui a toujours vécu tournée vers la mer.

Pour les navigateurs, il reste une sentinelle familière. Pour les visiteurs, une vigie majestueuse posée au bord de l’infini. Et pour l’histoire maritime française, un phare essentiel - l’un de ceux qui, depuis plus de 300 ans, éclairent les routes de la Manche.

© Google map

Diaporama
Vue depuis la plateforme du phare © Sophie Savant-Ros
Vue depuis la plateforme du phare © Sophie Savant-Ros
Vue depuis la plateforme du phare © Sophie Savant-Ros
Vue depuis la plateforme du phare © Sophie Savant-Ros
Phare du cap Fréhel © Sophie Savant-Ros
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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.