Le phare du cap Fréhel : sentinelle granitique et étoile des navigateurs
Un promontoire redouté par les marins
Le cap Fréhel n’a rien d’une côte paisible. Ses falaises abruptes, hautes de plus de 70 mètres, plongent dans une mer souvent agitée. Ici, le vent peut virer au grain en quelques minutes, et les courants se resserrent entre Fréhel et la pointe du Grouin. Naviguer à proximité exige d’avoir l’œil sur la météo, les bancs de brume et la visibilité, souvent capricieuse dans cette zone où la Manche joue avec les nuages et les rafales.
C’est précisément pour répondre à ces dangers qu’un phare a été érigé dès le XVIIe siècle. Mais l’édifice que nous connaissons aujourd’hui est l’aboutissement de trois siècles de constructions, reconstructions... et d’obstination humaine.
Un premier phare signé Vauban
Le premier signal lumineux du cap Fréhel voit le jour en 1685, sous l’impulsion de Vauban, qui souhaite sécuriser le couloir maritime stratégique entre Saint-Malo et la mer du Nord. L’ouvrage prend la forme d’une tour modeste, éclairée au charbon de bois. La flamme est capricieuse, la portée faible - mais pour les navires de l’époque, c’est une bénédiction.
Ce premier phare fonctionnera près de 50 ans avant d’être remplacé par un édifice plus fiable.
1836 : un phare moderne face à une mer qui ne pardonne pas
Au début du XIXe siècle, l’intensification des échanges maritimes et la multiplication des naufrages poussent l’État à moderniser le site. En 1836, un second phare en granit est mis en service. Haut de 22 mètres, équipé d’une lampe à huile puis d’un feu à lentille de Fresnel, il devient rapidement un repère incontournable pour les caboteurs et les pêcheurs.
Sa portée atteint alors près de 20 milles. Pour les marins longeant la côte, ce feu fixe blanc est la garantie de pouvoir contourner les écueils du cap avec une marge de sécurité suffisante.
Ce phare du XIXe siècle existe toujours : il trône juste à côté du phare actuel, solidement accroché à son promontoire, mais hors service.
1944-1950 : la destruction, puis la renaissance
Comme beaucoup d’ouvrages stratégiques de la côte, le phare de 1836 n’échappe pas à la Seconde Guerre mondiale. En 1944, les troupes allemandes, en retraite, détruisent la lanterne et une partie de la structure pour ne pas laisser d’aide à la navigation aux Alliés.
Dès la Libération, l’administration des Phares et Balises entreprend la construction d’un nouvel édifice, plus haut, plus puissant, et capable de résister aux assauts du vent et du sel. Le chantier débute en 1946 ; il faudra quatre années pour ériger le phare actuel, inauguré en 1950.
Le phare d’aujourd’hui : un géant de granit taillé pour le large
Le phare moderne est impressionnant.
Hauteur : 33 mètres (70 mètres au-dessus du niveau de la mer).
Matériau : granit massif du pays.
Portée du feu : jusqu’à 29 milles nautiques (environ 54 km).
Signal : 2 éclats blancs toutes les 10 secondes.
Pour plus d'informations de navigation, se référer au Bloc Marine.
La lanterne, automatisée, fonctionne aujourd’hui sans gardien. Elle demeure cependant sous surveillance constante des équipes des Phares et Balises, qui interviennent régulièrement pour l’entretien - non une mince affaire dans cet environnement extrême, où le sel, l’humidité et le vent mettent à l’épreuve chaque boulon, chaque joint, chaque pas de vis.
Un phare posé face à l’immensité
Incontournable silhouette du littoral breton, le phare du cap Fréhel impose immédiatement le respect. Il guide aujourd’hui encore les navigateurs qui longent la côte sauvage entre Saint-Malo et Bréhat. Depuis sa plateforme, le panorama est saisissant : la mer à perte de vue, l’archipel des Sept-Îles au loin par temps clair, et, en contrebas, le ballet incessant des vagues qui sculptent les falaises.
La visite permet de comprendre le rôle stratégique du site, l’un des points les plus exposés du littoral nord-breton. Les gardiens d’autrefois racontaient que, certains jours d’hiver, le vent pouvait y renverser un homme. Aujourd’hui, les visiteurs viennent surtout y chercher la beauté brute du paysage - et repartent convaincus qu’elle vaut bien l’effort de grimper les marches menant au sommet.
Un repère essentiel pour les navigateurs
Pour les plaisanciers, le phare du cap Fréhel est un allié précieux. Parmi ses usages nautiques les plus courants :
Franchir la zone de Fréhel : son éclat permet, de nuit comme par mauvaise visibilité, de longer les falaises avec une distance de sécurité suffisante.
S’aligner pour contourner la pointe : combiné aux cartes et au GPS, le feu est un repère utile pour planifier son cap vers Saint-Malo, Saint-Cast, Bréhat ou Erquy.
Naviguer par brume : dans cette région sujette aux brouillards matinaux, la portée lumineuse fait souvent la différence entre un passage serein et une navigation hésitante.
Le phare est également un repère psychologique : pour les marins de retour du large, apercevoir l’éclat de Fréhel, c’est souvent sentir le goût du retour, de la terre proche.
Un monument, mais surtout une mémoire maritime
Au-delà de sa fonction de signalisation, le phare du cap Fréhel est un symbole. Celui de trois siècles d’ingéniosité humaine face à une côte exigeante. Celui d’une tradition maritime où l’on dépendait, avant les GPS et AIS, d’un simple cercle de lumière tournant dans la nuit. Celui, aussi, d’une Bretagne qui a toujours vécu tournée vers la mer.
Pour les navigateurs, il reste une sentinelle familière. Pour les visiteurs, une vigie majestueuse posée au bord de l’infini. Et pour l’histoire maritime française, un phare essentiel - l’un de ceux qui, depuis plus de 300 ans, éclairent les routes de la Manche.




