Les leaders affolent les compteurs

Course au large
Par Figaro Nautisme

Vendredi après-midi, les cinq leaders du Vendée Globe continuaient d’imprimer un rythme très soutenu dans la fin de la descente de L’Atlantique Sud, en maintenant des vitesses élevées comprises entre 20 et 22 nœuds.

Vendredi après-midi, les cinq leaders du Vendée Globe continuaient d’imprimer un rythme très soutenu dans la fin de la descente de L’Atlantique Sud, en maintenant des vitesses élevées comprises entre 20 et 22 nœuds.

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) et François Gabart (Macif) grappillent encore des milles et ne pointent plus respectivement qu’à 38 et 59 milles d’Armel Le Cléac’h (Banque Populaire). Dans un vent de secteur nord-nord-ouest bien établis, Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat), quatrième de la hiérarchie, réalise aussi une belle opération en réduisant à 113 milles la distance qui le sépare du tableau arrière de Banque Populaire. De surcroit, le skipper helvète rappelle à ses compagnons de route que son monocoque 60 pieds est l’un des plus véloce en étant actuellement le plus rapide (21,9 noeuds) de la flotte. Ça fume donc à l’orée des quarantièmes rugissants dans une mer encore convenablement rangée vers la porte des Aiguilles, premier point de passage obligé sur la route des glaces.

 

Dick est vigilant

 

La prudence est toutefois de mise dans ces longs surfs endiablés, comme le souligne avec sagesse Jean-Pierre Dick. « Les conditions sont musclées avec le front qui va bientôt passer. Le vent a constamment gonflé depuis ce matin. Avec les nuages qui arrivent, ça donne des choses assez étonnantes. Je vais à une vingtaine de nœuds. On va se retrouver avec Armel (Le Cléac’h), François (Gabart) et ma pomme. Ça va être une belle bagarre mais relativisons, il ne faut pas casser le matériel. Ce n’est pas sur les deux ou trois milles qu’on va prendre là qu’on va gagner la course, il faut raison garder ». Derrière Alex Thomson (Hugo Boss) cinquième, Jean Le Cam (SynerCiel), Mike Golding (Gamesa) et Dominique Wavre (Mirabaud) peinent un peu à suivre la cadence imposée devant par des machines de dernière génération.

 

Compliqué à l’arrière

 

En fin de peloton, Javier Sanso peut encore espérer échapper aux calmes de l’anticyclone de Sainte-Hélène en train de se reconstituer, mais la situation semble bien compromise pour le trio Arnaud Boissières (Akéna Vérandas), Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) et Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets). Seul Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) voit la situation plutôt d’un bon œil, espérant recoller au petit groupe qui le précède.

Porte des glaces : de Kerguelen à Crozet

 

Onze degrés de latitude, soit plus de 400 milles (environ 700 km), c’est l’écart entre l’ancienne porte des glaces dite de Kerguelen, et la nouvelle appelée porte de Crozet. La raison de ce chambardement tient à la détection d’une concentration d’icebergs de petites tailles sur la route des navigateurs. CLS, l’organisme de surveillance des glaces par satellite, a pu bénéficier d’images complémentaires fournies par le CROSS Réunion. Le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage de l’île a en effet pour mission de surveiller aux abords des terres australes françaises, la présence de navires de pêche et de vérifier qu’il ne s’agit pas de navires en situation illégale. Ils disposent, dans une zone restreinte, d’informations beaucoup plus précises sur la présence de glaces, pouvant détecter des icebergs de vingt mètres de diamètre. Cette nouvelle porte modifie sensiblement la donne, rallongeant notamment le parcours de plus de 300 milles. Mais, c’est aujourd’hui un choix assumé de protéger les navigateurs de la tentation d’aller flirter avec les latitudes extrêmes, apparentant parfois la course au large au jeu de la roulette russe. Quand on sait que plusieurs dizaines de milliers de morceaux de glace dérivent dans les mers du sud, on se dit que le jeu du sans limite n’en vaut peut-être pas la chandelle.

 

LES VOIX DU LARGE

 

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « Tout va bien à bord de Banque Populaire. On a 20-25 nœuds de vent, ça glisse bien depuis ce matin. On a un ciel assez dégagé, un beau soleil, mais on voit les prémices du front avec un ciel voilé au large qui se rapproche. Ça accélère doucement. Les écarts se resserrent comme prévu avec mes petits camarades. L’option de Jean-Pierre (Dick) était un peu meilleure je pense, mais le bilan n’est pas non plus mauvais. On va devoir négocier une nouvelle stratégie avec la porte Kerguelen qui a été remontée. Il va y avoir des moments délicats à gérer. Une nouvelle course va commencer. Les vérifications sont faites. Je les ai faites sur les dernières 48 heures, j’ai eu des conditions assez clémentes pour faire un tour du bateau, du rangement, du nettoyage. Je ne suis pas monté au mât mais j’ai vérifié la grand-voile, les drisses. On n’a pas encore les polaires mais on a enlevé les t-shirts et les shorts pour les ranger dans le sac. On va attaquer un mois intense au niveau du rythme. Ça va être assez élevé, il va falloir être vigilant sur le matériel, placer le curseur au bon endroit entre aller vite sans trop tirer dessus et ne pas se faire décrocher. Mon expérience me permet d’adapter mieux mes voiles, mes changements de voiles. Mais François (Gabart) est bien préparé et bien entraîné. Il gère sa course de manière intelligente ».

Mike Golding (Gamesa) : « Nous sommes juste devant le front, nous avançons à peu près à la même vitesse et le vent change légèrement mais je suis globalement satisfait de mon choix de voiles d’hier soir. Après ça, il suffisait de laisser le bateau avancer tout seul, ce qui est toujours agréable. Ça bouge beaucoup, mais au moins on avance vite. Ce qui est intéressant c’est que quand on atteint ces vitesses-là, 200 milles, ce n’est vraiment pas énorme, ça peut être fait en une dizaine d’heures et comme la flotte n’arrête pas de se resserrer et de s’étendre, rien n’est irrattrapable. C’est un changement qui a été apporté à la porte des glaces des Kerguelen qui a été remontée de dix degrés nord. Cela va rallonger la distance totale de la course et j’ai l’impression que ce sera une zone compliquée, le tout avec de hautes pressions. Mais au final, je trouve que c’est bien comme ça, c’est toujours mieux que d’avoir à slalomer entre les icebergs ».

 

Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) : « C’est toujours la lutte ici. Cette nuit, je n’ai pas pu maintenir le rythme de ceux de devant car j’avais moins de vent, et en plus il avait tourné dans une autre direction. Dans quelques heures, je vais devoir passer un front et il va falloir empanner. Je pourrai ainsi faire route vers le sud avec des vents d’ouest et plus tard, dans le sud, je pourrai augmenter ma VMG. Je garde le moral, je suis conscient que si j’avais été 100 milles plus bas, je serai avec les leaders mais ça ne fait rien, je suis content de tout ce qui se passe depuis le début. La course est encore longue. J’imagine que les nouveaux leaders seront Virbac et MACIF….. A partir d’aujourd’hui, je vais commencer à perdre des milles sur eux mais ma mission dans les jours à venir, c’est d’éviter d’être pris par la haute pression qui se forme au sud-ouest. Je pense la prendre par le haut, on verra bien... Selon les fichiers, je passe de justesse, mais parfois la réalité change ».

 

Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « La nuit a été agitée mais tout est revenu dans l’ordre et ça va doucement. Ça a sérieusement ralenti. Tout va bien à bord. La mer est assez agitée parce qu’il y a un front qui est passé cette nuit. Il y a pas mal de mer, entre 10 et 15 nœuds et ça a tendance à plutôt mollir. Mais grâce aux vagues j’arrive à faire des petits surfs et heureusement parce que devant, ils vont très vite et l’élastique a tendance à se tendre. Mes journées sont rythmées par les vacations qui sont très excitantes et la météo le matin. Je me fais un petit-déjeuner au moment de la météo à moins qu’il y ait des manœuvres à faire en même temps. J’ai un repas le midi et le soir, et des collations l’après-midi et pour la nuit. Je n’ai plus de cannelés, j’ai fini tous ceux que ma maman m’avait préparés ! Il faudra attendre l’arrivée pour en avoir d’autres. Ce que j’aime surtout, c’est naviguer en course même si je me rends compte depuis 24 heures que l’élastique est en train de se tendre. Mais je me dis que tous les jours où je suis sur mon bateau, c’est du bonheur. Moralement c’est parfois compliqué mais je n’oublie jamais que c’est une chance d’être là, ça me fait plaisir d’être encore en course. On fait un sacré métier, on a du bol. Je ne suis pas à plaindre, je me régale tous les jours ».

 

Jean Le Cam (FRA, SynerCiel) : « Ça va carrément. Ça mouille de partout mais il n’y en a plus que pour trois heures. Ça marche bien, j’aimerais bien pouvoir barrer mais là c’est impossible, c’est la guerre dehors. On se met à l’abri. Dans trois-quatre heures, le front sera passé. Là c’est un peu la guerre, j’aimerais bien pouvoir barrer, c’est chiant. Je vois des oiseaux derrière, une dizaine d’oiseaux noirs. Il y a de la mer. Le pilote automatique a du mal à prendre les vagues, à barrer droit. Il fait des surfs à 24 nœuds de temps en temps ».

 

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « La course a été très intense mais la journée d’hier a été très belle avec un beau soleil et des belles conditions de vagues. Je n’ai pas encore vu nos amis les albatros mais c’est pour bientôt. Je suis en train de passer l’île Gough - ce n’est pas simple à prononcer - et là il y en a beaucoup. Et on va bientôt voir d’autres poissons, ils seront plus dans l’eau et moins volants. C’était une belle option mais j’ai manqué un peu de réussite parce que j’étais complètement « empétolé » pendant quasiment 12 heures au moment où je devais commencer à partir et ça a permis aux autres de recoller. Mais le plus important c’est qu’on soit un peu tous ensemble, la course va faire les écarts ».
Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur) : « En général, je mange entre 3500 et 5000 calories par jour, ça dépend principalement de la température extérieure. Et il y a beaucoup de variété dans ce que je mange : des conserves, du lyophilisé et même un peu de frais. Certains plats que je vais consommer ont été cuisinés par mon oncle. Tout est rangé dans des sacs, un sac par jour. J’ai aussi quelques bouteilles qui contiennent des boissons autres que de l’eau, comme par exemple du jus de fruit. J’ai prévu de la nourriture pour 100 jours, mais j’ai en plus l’équivalent de dix jours de plats lyophilisés. Les conditions actuelles me donnent l’opportunité de vérifier que tout est en bon état à bord. J’ai bien évidemment procédé à des contrôles visuels, mais aussi des choses un peu plus techniques, comme l’électronique. Et j’ai la chance de pouvoir dire que jusqu’ici, tout va bien. J’ai prévu de me raser aujourd’hui, et je vous montrerai évidemment le résultat ».

 

CLASSEMENT

Positions du 30/11 à 16 heures : 1.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 19 039 milles de la ligne d’arrivée; 2.Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 38,7 milles du leader; 3.François Gabart (Macif) à 59,5 m; 4.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 113,8 m: 5.Alex Thomson (Hugo Boss) à 121,5 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 201,3 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 263,1 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 274,8 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 513,5 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 796,5 m; 11.Tanguy de Lamotte (Initiatives-coeur) à 879,5 m; 12.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 1 004,9 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 1 353,0 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa);Vincent Riou (PRB).
 

L'équipe
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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