
Ce dimanche, à 13 heures, 38 solitaires affamés s'élanceront de Deauville pour La Solitaire du Figaro - Eric Bompard Cachemire
Trente-huit skippers dont deux femmes, Claire Pruvot (Port de Caen-Ouistreham) et Isabelle Joschke (Generali Horizon Mixité), quittent Deauville, dimanche à 13 heures (France 3), pour s'élancer sur la première étape de la 45e édition de la Solitaire du Figaro Éric Bompard Cachemire. Comme chaque année, difficile de faire des prédictions quant au nom du futur vainqueur à l'issue des périples menant la flotte vers Cherbourg-Octeville, via Plymouth, Roscoff et Les Sables-d'Olonne.
Le double tenant du titre, Yann Éliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) est plus que motivé pour refaire tinter la timbale une troisième fois de suite. Le champion 2012 et 2013 espère en effet prendre le bon wagon comme à son habitude: «Sur mes huit victoires d'étape, j'en ai gagné cinq sur le premier parcours. Je démarre donc souvent fort. Avec un petit mou au milieu que j'arrive plus ou moins bien à gérer. Ces deux dernières années, cela s'est bien passé. Avec en 2013 cette fortune de mer où je casse mon étai sur la troisième étape et je réussis à limiter les délais. Ensuite, au pied du mur, je me suis transcendé.»
La raison doit surtout l'emporter: «Depuis le mois de décembre, je me prépare pour remporter cette troisième victoire d'affilée. Mais il faut que je me retire ça de la tête dès ce samedi. Les chances sont minces et cela serait un miracle. C'est paradoxal, mais cela m'éloignerait trop de ce qu'il faut faire pour y arriver. Pour empocher la gagne, je dois me focaliser sur ma propre course. Penser à la stratégie, à ce qu'il va se passer dans les 2, 4 ou 24 heures qui suivent, à faire avancer le bateau. J'ai déjà connu des désillusions alors que le succès était à bout de bras.» Il sait aussi que la machine a ses limites. Le cerveau ne peut pas tout commander. «Chacun a ses propres voyants. Moi, c'est quand je commence à trébucher, à devenir un peu irascible, à m'énerver tout simplement. Le vrai voyant rouge, c'est l'hallucination, mais là c'est déjà trop tard», conclut Yann Éliès.
Comme son ami originaire de Bretagne Nord, Jérémie Beyou a rongé son frein, fracassé de rage quelques manivelles avant de toucher pour la première fois le Graal. Il a fallu en effet neuf participations pour qu'il gagne sa première Solitaire. Le skipper de Maître CoQ ne peut éviter le poncif. La patience est mère de félicité. Depuis son triomphe en 2005, l'eau a coulé sous les étraves de ses différents bateaux. Des 60-pieds pour lesquels il a donné toute son âme et toute son énergie pour entrer dans la légende du Vendée Globe. Las! Les cieux ne lui ont jamais été favorables sur ses deux tentatives. Son retour en 2011 sur la Solitaire, entre ses deux déconvenues, avait été en revanche magistral. Trois étapes sur quatre dans la besace. «La Solitaire a toujours été pour moi un rêve, pas un marchepied pour ma carrière. J'en suis toujours amoureux. Si tu essayes de bomber le torse, de montrer que tu es le meilleur, tu sais malgré tout qu'il peut t'arriver mille choses. L'ordre naturel des qualités, du palmarès, peut être bousculé par les conditions que tu vas rencontrer. Cela rend humble», explique le marin du pays de Morlaix.
Le parcours 2014 est plus qu'alambiqué. Il faudra être un véritable champion pour en tirer le meilleur esprit. Avec pour la première étape de 484 milles, trois traversées de Manche avant de rejoindre Plymouth. Jérémie Beyou ne semble guère effrayé par cette configuration: «C'est quand même des coins que je connais bien. Je connais les effets de site pour les vents, comment gérer les renverses de courant à certains endroits. Une chose est certaine, il faudra aller vite.»
La carte postale proposée pour ce premier parcours à tout pour annoncer une étape déterminante. Les deux caciques le savent, les dents longues des autres concurrents, dont Alain Gautier (Generali), 52 ans et 15e participation, feront en sorte de perturber leurs espérances jusqu'au bout.