
Il précède de 3 heures, non pas un concurrent, mais la violente tempête Gabriel qui soufflera à plus de 50 nœuds sur les Sables d’Olonne, interdisant alors toute entrée. De la chance, il en faut pour gagner une telle course, mais cette arrivée illustre bien que c’est surtout l’obligation d’être en phase avec la météo qui impose son rythme. Etre au bon endroit. Mais quand il devient vraiment impossible d’éviter le pire, il faut être capable de surmonter des situations qui peuvent se révéler incroyablement cruelles.
Seul l’humain est capable de se créer une telle motivation, de se mettre dans des conditions aussi extrêmes. Pourquoi ? Pour y apaiser sa soif de vivre ? Pour que cette recherche d’idéal soit pure, les concurrents du Golden Globe Race ont choisi d’effectuer ce tour du monde dans des conditions de navigation spartiates, celles de la première et dernière édition de cette course en 1968.
En remportant la victoire sur cette course de légende, le vieux loup de mer VDH nous offre une belle leçon : on peut, à 73 ans, accomplir et gagner un tour du monde sur un petit bateau de série, le Rustler 36. On peut, pendant 212 jours, vivre en totale autonomie, se passer de GPS, de pilote-automatique, et de moyens de communication par satellite, naviguer sur un bateau qui ne dépasse pas 7 nœuds et prouver que l’on peut régater à l’échelle de la planète avec très peu de moyens….
Bien sûr ce n’est pas sans une préparation irréprochable que VDH aurait pu terminer sans trop d’encombre (il a quand même failli perdre son mât qu’il avait coupé plus court que les autres), une si forte aventure. Il y fallait son expérience, il boucle son sixième tour du monde, et son talent de régatier.
VDH nous rappelle ce qu’est l’authenticité et pourquoi elle est gage de réussite. Se préparer avec ambition, y aller avec humilité. Se risquer, ne pas tricher. S’imaginer d’abord, braver ensuite, braver une mer qui ne vous fait pas toujours de cadeaux. Jongler avec les situations météo pour trouver une route gagnante, mais être prêt à se faire petit, car avec une faible vitesse de déplacement, il n’est pas toujours possible d’esquiver les caprices du temps.
Rester humble, n’empêche pas d’être stratège. Pour un voilier en course, la stratégie consiste à utiliser au mieux les évènements météo. Quand on ne peut pas se positionner rapidement pour jouer avec les petites variations du vent, il faut savoir prendre des risques et s’investir dans des options de relativement long terme.
La prise de risque et le bon sens marin ont amené VDH à ne jamais trop s’éloigner de la route directe. C’est en passant le Pot-au-Noir le plus près des côtes africaines et en jouant au plus serré avec les calmes de l’anticyclone de Sainte-Hélène que VDH a pu parcourir moins de distance que ses concurrents et entrer dans l’océan indien avec une large avance. C’est dans la descente de l’Atlantique qu’il pouvait prendre des options aussi tranchées. Il n’a pas tremblé pour tenter sa chance. Il n’a pas tremblé pour maintenir ensuite une cadence aussi élevée que possible.
C’est sans trembler que le grand VDH est allé chercher la victoire sur son Petit Escargot*.
* Jean-Luc avait surnommé les voiliers de la GGR « Petits Escargots » lors de son inscription à la course en 2015.