Abandon de Tom Laperche ? Toutes les options sont à l'étude !

Par Figaronautisme.com / SVR-Lazartigue
carte de la course Arkea Ultim en direct

Arrivés en début de semaine au Cap (Afrique du Sud), après une avarie majeure alors qu’il occupait la deuxième place de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE, première course autour du monde en solitaire pour les Ultim, Tom Laperche et le Trimaran SVR - Lazartigue sont désormais en sécurité. Toute l’équipe du Trimaran présente sur place se donne du temps pour étudier toutes les options possibles pour les prochains jours. Une semaine après avoir heurté un objet ou un animal non identifié (OANI), dans la nuit de mercredi à jeudi, à 1300 milles du cap de Bonne Espérance, le Trimaran SVR-Lazartigue a pu rejoindre Le Cap. Un premier soulagement au regard de l’avarie majeure au niveau de la dérive qui a occasionné une importante voie d’eau au niveau du puits de dérive.

Les quatre jours de mer pour rejoindre Le Cap furent particulièrement musclés avec 30 nœuds de vent et une mer formée. Une fois à proximité du port, il a fallu encore patienter. Trop de vent, trop de mer pour approcher du bateau.

Après une longue attente, cinq membres de l’équipe de MerConcept ont pu embarquer sur un semi-rigide et monter sur le Trimaran pour retrouver Tom Laperche. Grandes accolades, forte émotion. Peu de mots, mais des mots forts. « Tu nous as fait rêver Tom », lâche l’un des membres de l’équipe au skipper, longtemps en tête de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE et encore aux avant-postes au moment de la collision. Mardi matin, les conditions ont enfin permis à l’équipe de ramener le trimaran pour l’amarrer en toute sécurité dans un port de commerce du Cap. Place au constat de l’étendue et de la gravité des dégâts et à l’étude des différentes options.

Tom comment allez-vous ?

Ce n’est pas le top top, mais ça va. Ça va mieux que quand j’ai tapé et les 24 heures suivantes qui ont été compliquées moralement. Au fur et à mesure, ça a été un peu mieux, j’ai essayé de penser à autre chose, de me remémorer les bons moments du début de course. Me projeter sur la suite m’a aussi aidé. Même si c’est dur d’en sortir, on ne peut pas rester éternellement à ruminer et à se lamenter. Au fil des quatre jours pour rejoindre Le Cap, j’ai repris confiance car je voyais que ça ne se détériorait pas et que j’allais y arriver. L’enjeu vital a été assez vite réduit car même si la coque centrale était éventrée et pleine d’eau, il restait deux flotteurs de chaque côté et le bateau n’allait pas couler. J’étais surtout angoissé pour ne pas abîmer davantage le bateau. C’était quand même angoissant car les mouvements du bateau étaient très particuliers. Il y avait entre 5 et 8 m3 d’eau soit entre 5 et 8 tonnes d’eau ! La zone abîmée est en carbone et avec toutes les parties qui n’étaient plus bien tenues, ça faisait des craquements vraiment bizarres dès qu’il y avait un peu de vent et des vagues. Le risque était de ne plus avoir d’énergie ce qui aurait rendu les manœuvres plus compliquées. J’ai réussi à le préserver jusqu’au bout.

Nous sommes aujourd’hui dans le concret, avec le diagnostic du bateau, la préparation de la sortie d’eau, la réflexion sur ce qu’on peut faire. Je suis bien entouré avec une bonne équipe. Nous avons tous un lien d’amitié entre nous. Il y a forcément de la déception, mais nous sommes dans un bon esprit.

Avez-vous une idée de la nature de ce choc ?

C’est toujours dur de savoir car ça va vite et on ne voit pas ce que l’on tape. En plus, il faisait nuit et à nos vitesses, on s’éloigne vite de la zone. Le choc était plutôt brutal et dur. Il a fait beaucoup de dégâts. J’imagine plutôt un container. Je n’ai pas la sensation que c’était un animal, même si on ne peut pas en être certain à 100%. Évidemment, si c’est le cas, ça fait de la peine. En tant que marins, nous sommes sensibles à l’environnement qui nous entoure. Cette année, l’organisateur a même défini des zones d’exclusion que nous ne pouvons pas traverser car beaucoup de cétacés y étaient recensés. KRESK, le propriétaire du Trimaran a aussi créé un fonds de dotation Kresk4Oceans qui agit pour la protection des océans. Je suis forcément très sensible à cette cause. Je n’avais jamais été confronté à un choc qui détruit mon bateau. C’est super dur pour soi et pour son bateau. On dit souvent que le bateau a une âme. C’est un peu vrai. Tu vibres pour lui, tu ressens des choses pour lui, tu parles même avec lui de temps en temps. On doit progresser sur les systèmes de détection des animaux et des objets dans l’eau. Ce n’est pas simple mais c’est indispensable. D’autant plus que nous avons des bateaux de plus en plus rapides et l’énergie des chocs est forcément plus importante et plus destructrice.

Vous avez déclaré que c’était le moment le plus dur de votre vie…

On peut certes toujours relativiser sur les choses de la vie. Mais à titre personnel, dans tout ce que j’ai entrepris, c’est clairement le moment le plus dur. Je n’ai que 26 ans mais j’ai déjà fait beaucoup de choses. Ces dernières années, tout s’est super bien enchaîné et dans tous les domaines. Que ce soit dans les relations familiales, amicales, dans le projet sportif, dans les études, tout ça déroulait super bien. C’est un premier échec. J’espère bien sûr qu’il n’y en aura pas d’autres mais je me doute bien que ça arrivera à nouveau. J’ai reçu beaucoup de messages. Beaucoup me disaient que ça me rendrait plus fort. Ça construit pour plus tard, c’est sûr. Mais ça ne peut pas m’aider pour le moment à faire passer la déception.

Avez-vous un sentiment d’injustice ?

Il y a un petit sentiment d’injustice car si tu passes deux centimètres à côté, tu poursuis ta route. Un Tour du monde, c’est beaucoup de choses à aligner et les avaries font partie de la course au large. Et plus généralement les choses qu’on ne maîtrise pas comme la météo, la mécanique et là, ce choc. Cette part d'inconnu, c’est aussi ce qui est attirant et nous donne envie de faire quelque chose qui fait rêver. Et je crois qu’on a réussi à faire rêver pas mal de gens.

La suite justement ?

On a envie d’aller au bout de la démarche. Continuer est une mini possibilité. Mais ce n’est pas simple. Quand j’ai vu les dégâts, j’ai tout de suite compris que ça allait être compliqué. Je ne voulais pas y croire. Plusieurs fois pendant les 24 heures qui ont suivi le choc, je me disais que j’allais trouver une solution pour continuer cette course. Je voulais me battre. Je retournais voir, j’ouvrais toutes les trappes, je me penchais pour observer ce puits de dérive, mais je voyais bien que c’était colossal et que je devais déjà essayer de rejoindre Le Cap. Et pourtant j’y retournais régulièrement pour essayer de trouver une solution. J’ai fini par me rendre à l’évidence.

Il faut bien comprendre qu’au Cap, rien n’est facile. On a un Ultim pour lequel il est dur de trouver de la place. Il faut trouver la bonne grue, avoir les autorisations, la logistique, rien n’est simple. On bosse beaucoup avec nos connaissances locales mais ce n’est pas simple. Ça ne va pas aussi vite que nous espérerions mais on se bat et on y met beaucoup d’énergie.

Quelles sont les hypothèses ?

Il y a la mini possibilité de continuer. Sinon, soit un retour du bateau par cargo ou bien réparer de façon rapide avec une sorte de pansement pour rendre le bateau étanche et le ramener par la mer à vitesse réduite sans dérive.

Dans tous les cas, je suis fier de ce qu’on a réussi à faire. Nous avons réussi à mettre le bateau à l’eau deux jours avant le départ du tour du monde, et être au top niveau de sa performance dès le début de la course. Nous avons toujours été aux avant-postes et dix jours en tête de la flotte. Toute l’équipe peut être fière. Cet accident est arrivé mais personne n’a fait une erreur ou a mal travaillé. On a fait quelque chose d’exceptionnel et on doit s’en rappeler pour rebondir.

L’organisation sur place

Le Trimaran a accosté mardi au petit matin. Depuis, trois équipes travaillent en parallèle. La première a investigué les dégâts au niveau du puit de dérive et du fond de coque et en a profité pour faire une inspection générale du bateau. Un plongeur a été faire des images sous-marines. Une deuxième équipe est occupée à la préparation de la sortie de l’eau. Il faut pour ça enlever la dérive, le safran coque centrale, retirer les voiles, les capteurs, débrancher les vérins qui tiennent le mât etc. la troisième équipe logistique a géré les autorisations auprès des autorités douanières et portuaires, etc. puis a cherché une place sur le ponton, une grue etc. La largeur du bateau rend les choses compliquées. Il faut aussi rentrer dans l’écosystème local pour que notre gros bateau ne vienne pas trop perturber la vie des gens ici. Mais tout le monde est hyper accueillant. Une importante communauté française est ici et passe nous saluer.

Les options

La première question est de savoir si nous avons la capacité de continuer la course. C’est ce que l’on souhaite tous, Tom et toute l’équipe, au plus profond de nous. On a tellement donné depuis des semaines pour permettre au bateau d’être au départ. Il y a une énergie extraordinaire au sein de l’équipe depuis novembre. On creusera toutes les pistes pour essayer de repartir. Cela implique de sortir le bateau et de faire un chantier d’au minimum deux ou trois semaines. Cela veut dire reconstruire un puit de dérive, faire venir la dérive de secours et fermer tout le fond de coque. Ce sont des travaux majeurs. C’est un temps difficile à accepter mais il faut être lucide. Ce n’est pas une décision binaire, noir ou blanc. On se pose des questions, on se donne du temps.

Si l’on acte que les travaux sont trop importants et que l’on ne prend pas le risque de repartir dans la course, il y a deux options : soit on fait une réparation de fortune, on ferme le trou et on rentre sans dérive, soit on met le bateau sur un cargo pour rentrer à Concarneau.

L’état d’esprit de l’équipe

L’équipe est très soudée depuis toujours mais encore plus depuis ces dernières semaines. Le début de course de Tom a été extraordinaire. On l’a tous pris comme un cadeau énorme. C’est génial de se donner à fond pour préparer un bateau et de le confier à quelqu’un qui a un potentiel extraordinaire et une grande humanité avec l’envie de partager le bonheur qu’il a sur l’eau. Tout ça a participé à la volonté de tous de l’accueillir du mieux possible malgré sa douleur et sa tristesse qu’on partage tous puis maintenant pour trouver une solution. Il faut maintenant organiser toutes les rotations avec des équipes aux compétences diverses et trouver des solutions pour être efficaces dans la durée. Toutes ces personnes ont déjà beaucoup donné ces dernières semaines et on leur demande de remettre encore un peu de charbon dans la machine. Mais tout le monde a levé la main quand il a fallu répondre présent.

Retrouvez le portrait de Tom Laperche !

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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