La ZEA, zone d'exclusion Antarctique, comment ça marche ?

Par Figaronautisme.com
carte de la course Arkea Ultim en direct

LA QUESTION DU DIMANCHE. Chaque dimanche, on vous propose un petit pas de côté. L’idée ? Offrir un nouvel éclairage, une notion à développer ou quelques secrets de fabrication à dévoiler. Aujourd’hui, découverte de tous les aspects qui composent la ZEA, zone d’exclusion Antarctique et limite à ne pas franchir pour les skippers. Une façon de se protéger des icebergs qui dérivent au cœur des océans Indien et Pacifique. Cette démarcation est fixée par la Direction de course grâce aux préconisations régulièrement mises à jour de CLS (Collecte Localisation Satellites). Alors que quatre skippers longent cette ZEA, Jimmy Viard, analyste en imagerie satellite, en explique les enjeux.

En quoi ce travail est nécessaire ?

Notre objectif, c’est de fournir à la direction de course tous les éléments pour déterminer la bonne position de la ZEA. Trois mois avant la course, on collecte des données grâce à l’altimétrie (Utilisation détournée d’une technique conçue pour mesurer finement les variations du niveau des océans), l’imagerie radar et optique. Cela nous permet de déterminer les zones à risque en matière de quantité d’icebergs. On présente ensuite nos résultats à la Direction de course. Et pendant la course, on peut affiner la ZEA grâce à l’imagerie satellite radar qui nous permet de contrôler les positions des icebergs. Nous sommes déjà à la 4e version depuis le départ.

Vous l’aviez modifié récemment… Oui, le weekend dernier au niveau des Kerguelen. Grâce à l’analyse d’images satellites, on a observé trois détections de 40 mètres. Il peut s’agir de bateaux qui n’utilisent pas l’AIS (un système anti-collision qui équipe tous les navires et qui permet d’être identifié) pour pêcher illégalement. Nous n’avons pas voulu prendre de risque et on a décidé, avec la Direction de course, de remonter la ligne.

« Des icebergs peuvent dépasser les 10 km ! »

En plus de les observer, vous les modéliser… Oui totalement, on modélise les icebergs. En déterminant leur volume et leur hauteur et en connaissant les courants, les vents, la température de l’eau, des algorithmes sont capables de les faire dériver pendant plusieurs jours. C’est fiable pendant trois jours, moins précis au-delà. Ça permet d’anticiper leur dérive et de s’assurer qu’aucun iceberg ne soit proche de la ZEA.

Quelle est la taille de ces icebergs ? On détecte des icebergs qui peuvent dépasser les 10 km, voire parfois plus de 100km. Ce sont des morceaux de glaciers de l’Antarctique rejetés à la mer qui se disloquent et qui parviennent à s’extirper de la banquise et à remonter avec le courant. Les plus gros sont renommés avec une lettre et un chiffre par le Centre national des glaces des États-Unis. En dérivant, principalement avec les courants (et dans une moindre mesure avec le vent), ils se disloquent en plus ou moins gros morceaux. De notre côté, on peut les observer jusqu’à 40 mètres. En dessous cela devient compliqué puisqu’on peut les confondre avec le déferlement des vagues.

Est-ce qu’il y en a plus ou moins que les années précédentes ? Cette année dans l’Atlantique Sud, c’est un vrai champ de mines truffé d’icebergs ! Certains ont réussi à s’extirper grâce au courant, d’autres se sont brisés avec le réchauffement de l’eau… Dans l’Atlantique, il y a un courant d’Ouest en Est qui les emmène de la péninsule Antarctique et qui viennent mourir vers les Kerguelen. Dans le Pacifique, ils viennent de la mer de Ross jusqu’au Cap Horn. Cela dépend chaque année du nombre d’icebergs qui sortent de l’Antarctique et c’est très variable. Dans le Pacifique, on observe par exemple nettement moins d’icebergs cette année que l’année dernière.

« Ils ne remontent pas plus Nord que d’habitude »

Est-ce que le réchauffement climatique a un impact en la matière ? On ne sait pas à notre niveau si cela est dû au dérèglement climatique. En revanche, ce que l’on constate, c’est que les blocs relâchés des glaciers sont de plus en plus gros. Si le bloc s’extirpe grâce au courant et parvient à sortir au Nord avant que l’hiver ne l’emprisonne, il va avancer, se fracturer et poursuivre son chemin. Parfois, il peut « vivre » une année entière voire des années dans l’Atlantique Sud. Néanmoins, ils ne remontent pas plus Nord que d’habitude, autour de 44° Sud dans l’Atlantique.

Lors de leurs tentatives de records, Thomas Coville et François Gabart étaient descendus beaucoup plus Sud qu’actuellement… Oui totalement mais ce sont deux exercices différents. La tentative de record autour du monde, c’est « no limit ». On travaille directement avec des routeurs. Là, la Direction de course engage sa responsabilité pour assurer la sécurité des skippers, d’où la nécessité d’instaurer la ZEA, et puis il faut que la ZEA reste valide pour le dernier concurrent qui pourra passer longtemps après le leader.

Qu’est-ce qui pourrait être optimiser à l’avenir en la matière ? Nous utilisons actuellement des images commerciales de 500km x 500km avec une résolution de 80 mètres en les programmant précisément où on veut. Nous utilisons aussi les données du satellite européen Sentinel sur des zones bien définies à l’avance par le programme Copernicus mais la couverture dans le Grand Sud est faible. Il faudrait une mission satellitaire qui programme des images en permanence avant et pendant la course. Les coûts sont encore conséquents. 

Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE.

 

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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