La ZEA, zone d'exclusion Antarctique, comment ça marche ?

En quoi ce travail est nécessaire ?
Notre objectif, c’est de fournir à la direction de course tous les éléments pour déterminer la bonne position de la ZEA. Trois mois avant la course, on collecte des données grâce à l’altimétrie (Utilisation détournée d’une technique conçue pour mesurer finement les variations du niveau des océans), l’imagerie radar et optique. Cela nous permet de déterminer les zones à risque en matière de quantité d’icebergs. On présente ensuite nos résultats à la Direction de course. Et pendant la course, on peut affiner la ZEA grâce à l’imagerie satellite radar qui nous permet de contrôler les positions des icebergs. Nous sommes déjà à la 4e version depuis le départ.
Vous l’aviez modifié récemment… Oui, le weekend dernier au niveau des Kerguelen. Grâce à l’analyse d’images satellites, on a observé trois détections de 40 mètres. Il peut s’agir de bateaux qui n’utilisent pas l’AIS (un système anti-collision qui équipe tous les navires et qui permet d’être identifié) pour pêcher illégalement. Nous n’avons pas voulu prendre de risque et on a décidé, avec la Direction de course, de remonter la ligne.
« Des icebergs peuvent dépasser les 10 km ! »
En plus de les observer, vous les modéliser… Oui totalement, on modélise les icebergs. En déterminant leur volume et leur hauteur et en connaissant les courants, les vents, la température de l’eau, des algorithmes sont capables de les faire dériver pendant plusieurs jours. C’est fiable pendant trois jours, moins précis au-delà. Ça permet d’anticiper leur dérive et de s’assurer qu’aucun iceberg ne soit proche de la ZEA.
Quelle est la taille de ces icebergs ? On détecte des icebergs qui peuvent dépasser les 10 km, voire parfois plus de 100km. Ce sont des morceaux de glaciers de l’Antarctique rejetés à la mer qui se disloquent et qui parviennent à s’extirper de la banquise et à remonter avec le courant. Les plus gros sont renommés avec une lettre et un chiffre par le Centre national des glaces des États-Unis. En dérivant, principalement avec les courants (et dans une moindre mesure avec le vent), ils se disloquent en plus ou moins gros morceaux. De notre côté, on peut les observer jusqu’à 40 mètres. En dessous cela devient compliqué puisqu’on peut les confondre avec le déferlement des vagues.
Est-ce qu’il y en a plus ou moins que les années précédentes ? Cette année dans l’Atlantique Sud, c’est un vrai champ de mines truffé d’icebergs ! Certains ont réussi à s’extirper grâce au courant, d’autres se sont brisés avec le réchauffement de l’eau… Dans l’Atlantique, il y a un courant d’Ouest en Est qui les emmène de la péninsule Antarctique et qui viennent mourir vers les Kerguelen. Dans le Pacifique, ils viennent de la mer de Ross jusqu’au Cap Horn. Cela dépend chaque année du nombre d’icebergs qui sortent de l’Antarctique et c’est très variable. Dans le Pacifique, on observe par exemple nettement moins d’icebergs cette année que l’année dernière.
« Ils ne remontent pas plus Nord que d’habitude »
Est-ce que le réchauffement climatique a un impact en la matière ? On ne sait pas à notre niveau si cela est dû au dérèglement climatique. En revanche, ce que l’on constate, c’est que les blocs relâchés des glaciers sont de plus en plus gros. Si le bloc s’extirpe grâce au courant et parvient à sortir au Nord avant que l’hiver ne l’emprisonne, il va avancer, se fracturer et poursuivre son chemin. Parfois, il peut « vivre » une année entière voire des années dans l’Atlantique Sud. Néanmoins, ils ne remontent pas plus Nord que d’habitude, autour de 44° Sud dans l’Atlantique.
Lors de leurs tentatives de records, Thomas Coville et François Gabart étaient descendus beaucoup plus Sud qu’actuellement… Oui totalement mais ce sont deux exercices différents. La tentative de record autour du monde, c’est « no limit ». On travaille directement avec des routeurs. Là, la Direction de course engage sa responsabilité pour assurer la sécurité des skippers, d’où la nécessité d’instaurer la ZEA, et puis il faut que la ZEA reste valide pour le dernier concurrent qui pourra passer longtemps après le leader.
Qu’est-ce qui pourrait être optimiser à l’avenir en la matière ? Nous utilisons actuellement des images commerciales de 500km x 500km avec une résolution de 80 mètres en les programmant précisément où on veut. Nous utilisons aussi les données du satellite européen Sentinel sur des zones bien définies à l’avance par le programme Copernicus mais la couverture dans le Grand Sud est faible. Il faudrait une mission satellitaire qui programme des images en permanence avant et pendant la course. Les coûts sont encore conséquents.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE.