Transat Jacques Vabre 2023 : aux détours des Açores et des Canaries

« C’est magnifique, on est dans l’accélération des Canaries, il y a beaucoup de vent, le bateau va très vite. » La voix joviale qui nous répond ce dimanche matin, c’est celle de l’Italien, Ambrogio Beccaria, au français chantant impeccable. À bord d’Alla Grande Pirelli, tous les indicateurs sont au vert. Sur une route au sud, il profite des bonnes risées qui font la réputation de l’archipel espagnol, notamment entre Fuerteventura et Gran Canaria. En deuxième position, il progresse sur une route qui lui permet d’allonger la foulée et de reprendre des milles et du terrain sur les leaders de la flotte, Amarris, qui ont, eux, privilégié une route plus occidentale, du côté Tenerife. « On avait un peu peur de sa position, et finalement on est sur la bonne route pour bientôt rentrer dans les alizés. Donc, on est super contents. Et on a nos petits copains à côté, on n’est pas trop seuls », ajoute le marin transalpin qui progresse très proche des autres Sudistes de tête : Café Joyeux, Groupe SNEF, IBSA, affichant tous quelques nœuds de vitesse de plus que les premiers au classement. Mais la route est longue, alors qu’il reste encore 2600 milles devant les étraves arrondies de ces premiers “scows”, qui n’ont pas fini de se tenir en respect sur des trajectoires divergentes.
Idem du côté des IMOCA, dont la flotte se divise en deux groupes suivant deux options radicalement différentes. Si les Sudistes, en nombre, très éloignés de la route directe, concèdent de gros écarts sur les leaders, ils se félicitent d’avoir laissé, depuis hier soir, les calmes anticycloniques dans les sillages. Eux aussi progressent déjà à travers les Canaries, théâtre d’une belle foire d’empoigne entre les plus récents foilers. À bord de For People, Morgan Lagravière, plante le décor dans une note vocale envoyée en fin de nuit. « On a des bouchons d’oreilles pour nous protéger des sifflements des foils dans les aigus. Avec Toto, on arrive à peine à se parler. Mais sinon le bateau est au top. Il nous régale dans des conditions de vent portants, il a comportement hyper marin, hyper sain On fait des super moyennes de vitesse. C’est un bonheur permanent », raconte le vainqueur en titre avec Thomas Ruyant, aux côtés duquel il récidive sur cette Route du café. Ce matin, il se félicite de cette route sud qui lui garantit de régater avec les plus récentes unités de sa catégorie.
Mais gare aux partisans du nord, qui bénéficient toujours de la faveur des routages, et qui ont aussi le privilège de progresser dans le bon tempo. « On est à 150 milles dans l’est des Açores, on a un ciel un peu couvert, la mer est bien rangée, avec un clapot qui fait que ça tape. On a 20-22 nœuds de vent. On a le scénario prévu et maintenant faut faire avancer le bateau », rassure Julien Villon, premier de cordée sur cette route escarpée. À bord de Teamwork.net, le co-skipper de Justine Mettraux progresse très proche du duo de Groupe Dubreuil qui met aussi du charbon dans la machine sur cette route exigeante. Seule une poignée de milles sépare ces deux bateaux, qui se préparent à traverser un premier front, pas très actif lundi matin.
Les choses devraient ensuite se corser un peu plus à l’horizon de la journée de mercredi, avec l’arrivée d’une dépression plus creuse. Il s’agira alors de basculer derrière ce système plus costaud pour enfin plonger au sud vers les latitudes plus tropicales qu’auront déjà rejoint les Ocean Fifty. Après avoir doublé le Cap Vert, le trio progresse à belle allure sur la route des alizés. Mais la navigation n’en reste pas moins engagée pour les équipages de ces trimarans, à bord desquels boucler une transatlantique reste un beau tour de force.