Transat Café l’Or : Sasha Lanièce « Alderan et moi partageons la même vision : avancer avec sens et engagement »

Le Figaro Nautisme : Sasha, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Sasha Lanièce : "Je viens à l’origine du monde scientifique. J’ai fait des études d’ingénieure, un doctorat en physique, puis j’ai travaillé dans la recherche et la data science. J’ai toujours été passionnée par la mécanique, le code et le numérique, mais aussi par la mer. Il y a cinq ans, j’ai décidé de tout quitter pour découvrir la voile. Au départ, c’était un essai, et je m’y suis totalement prise au jeu. J’ai adoré, au point d’en faire mon métier.
J’ai couru la Mini Transat 2023, une traversée de l’Atlantique en solitaire, après deux ans de préparation. Ensuite, j’ai eu envie d’aller plus loin, de passer en Class40, un bateau plus grand, et surtout de ne pas le faire seule. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer Les Déferlantes, la première écurie 100 % féminine de course au large, avec deux bateaux : mon Class40 et mon ancien Mini. Nous avons recruté Karen Menuet, qui skippait déjà en Mini. L’idée, c’est de parcourir les océans pour parler d’audace, de résilience et de leadership au féminin. Le projet a vraiment pris forme en mars, quand Alderan est devenu notre partenaire principal."
Le Figaro Nautisme : Rémy, pouvez-vous nous parler de votre parcours et nous présenter Alderan ?
Rémy Bourgeon : "Je suis entrepreneur dans l’âme, et j’ai fondé Alderan il y a dix ans. C’est une société de gestion de portefeuilles immobiliers agréée par l’Autorité des marchés financiers. Nous créons et gérons des fonds d’investissement, en particulier des SCPI, la "pierre-papier", qui permettent à chacun de placer son épargne et de recevoir des revenus issus de biens immobiliers.
Notre activité a beaucoup grandi ces dernières années. Nous restons une marque discrète dans un univers de niche, celui de la gestion immobilière, et c’est pour cela que nous avons voulu, à partir de 2025, accroître notre notoriété et faire connaître nos valeurs.
Quand nous avons découvert la présentation de Sacha et des Déferlantes, cela a immédiatement fait écho. Elle avait une démarche d’entrepreneuse, une vision claire, une envie de créer. Ce n’était pas un simple sponsoring, mais une aventure commune autour de valeurs partagées : solidarité, humilité, résilience, agilité... Des mots qui parlent autant à la voile qu’à la finance."
Le Figaro Nautisme : Comment est née la collaboration entre Alderan et Les Déferlantes Sailing Team ?
Sasha Lanièce : "On nous a présentés par une connaissance commune, à une période où je cherchais des partenaires pour financer le projet. On m’a dit : "Je connais une entreprise avec un esprit qui te ressemble." Et effectivement, ça a matché tout de suite. Alderan partage ce goût du défi, de la rigueur et de la transmission. Dès le départ, on a raconté la même histoire. Et au fil du temps, le partenariat s’est renforcé : j’ai accueilli leurs équipes sur le bateau, on a fait naviguer certains collaborateurs, et à chaque fois, la connexion humaine s’est confirmée.
Il y a aussi un parallèle entre nos deux mondes : dans la voile comme dans la finance, les femmes sont encore minoritaires. Beaucoup épargnent mais hésitent à investir, par méconnaissance ou par peur du risque. Pour moi, la mer et l’investissement se rejoignent : dans les deux cas, on apprend à prendre des risques mesurés, à se faire confiance, et à gagner en autonomie."
Rémy Bourgeon : "Ce parallèle, c’est ce qui nous a tout de suite séduits. Dans les deux univers, il faut du courage, de la préparation, et de la lucidité. L’un comme l’autre, on évolue dans des environnements où l’on apprend en permanence. Ce projet est donc bien plus qu’un partenariat financier : c’est une collaboration humaine, durable et inspirante."
Le Figaro Nautisme : Sasha, vous partez sur la Transat Café L’Or avec Sanni Beucke. Comment s’est formé votre duo ?
Sasha Lanièce : "Sanni est une championne olympique allemande, médaillée d’argent aux Jeux de Tokyo en 49erFX. Après son parcours olympique, elle a décidé de se tourner vers la course au large et a navigué trois ans en Figaro à Lorient. C’est là que nous nous sommes rencontrées : voisines d’ateliers, on bricolait nos bateaux côte à côte.
De fil en aiguille, une amitié est née. Quand j’ai lancé Les Déferlantes, j’ai pensé à elle immédiatement. Nos profils sont très complémentaires : moi, je viens du large, j’aime la mécanique et les longues traversées ; elle, c’est la précision, la tactique, l’analyse. Et surtout, nous partageons la même rigueur et la même envie de bien faire. À bord, on rit beaucoup, même quand c’est dur. On s’est fait une promesse : profiter de l’aventure tout en donnant le meilleur. C’est cette énergie-là qui fait notre force."
Le Figaro Nautisme : À quelques jours du départ, comment vous sentez-vous ?
Sasha Lanièce : "Le bateau est prêt, l’équipe est incroyable, et la préparation a été très sérieuse. Tout est en place, du matériel à la météo. C’est ma première grande transat sur ce bateau, donc forcément il y a un peu d’appréhension, mais surtout beaucoup de fierté. Hier encore, j’étais en conférence de presse aux côtés de skippers du Vendée Globe : je mesure le chemin parcouru.
Je suis aussi impatiente d’accueillir l’équipe d’Alderan sur le village. On communique depuis des mois, et là, ils vont enfin voir le bateau, rencontrer l’équipe, vivre le projet. C’est une belle boucle qui se referme avant le départ."
Le Figaro Nautisme : Le monde de la course au large s’ouvre de plus en plus aux femmes, mais vous êtes la première écurie 100 % féminine. Que cela change-t-il selon vous ?
Sasha Lanièce : "Il y a effectivement de plus en plus de projets féminins, souvent sur des durées courtes. Mais avec Les Déferlantes, on veut inscrire les choses dans le temps, construire une écurie solide, avec des projets sportifs et entrepreneuriaux sérieux.
Notre but est de montrer que les femmes ont toute leur place dans la compétition, qu’elles peuvent mener de gros projets et performer au plus haut niveau. Les résultats sont déjà là : nous avons signé de belles performances cette année, et Karen Menuet vient de réussir sa qualification pour la Mini Transat 2027. C’est une vraie fierté de la voir progresser à ce rythme."
Le Figaro Nautisme : Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes femmes qui rêvent de course au large ?
Sasha Lanièce : "De se lancer, sans attendre d’être "prêtes". Il y a cinq ans, je n’avais jamais couru, et personne n’y croyait. On m’a dit que c’était impossible, que ce n’était pas un milieu pour les femmes... Aujourd’hui, je suis là. Les plus grandes barrières sont souvent celles qu’on se met soi-même. Tant qu’on a envie, il faut avancer. J’aime beaucoup cette phrase de Saint-Exupéry : "L’impossible recule toujours quand on marche vers lui." C’est exactement ce que j’expérimente depuis cinq ans."
Le Figaro Nautisme : Rémy, Alderan s’engage pour trois ans avec Les Déferlantes, sur vingt courses dont quatre transats. Quels sont vos objectifs à travers ce sponsoring ?
Rémy Bourgeon : "L’idée, c’est d’accompagner un projet dans la durée, de partager une aventure humaine et de faire rayonner Alderan différemment. Oui, il y a une logique de visibilité, mais ce n’est pas qu’une question de notoriété : c’est un engagement sincère.
Nous suivons le projet au quotidien, avec une vraie proximité avec Sacha et son équipe. Nous avons envoyé notre community manager tourner des vidéos à bord cet été, et tout cela nourrit une communication commune. Les Déferlantes et Alderan, c’est une même histoire racontée à deux voix.
Et puis, il y a une fierté personnelle : voir Sacha et Karen progresser, performer, inspirer. C’est une belle aventure humaine et collective. Je serai d’ailleurs présent à l’arrivée en Martinique, pour accueillir l’équipage. Mais je leur ai déjà dit : pas de risques inutiles, le but, c’est d’aller loin et de durer."
Le Figaro Nautisme : Concrètement, comment accompagnez-vous l’équipe ?
Rémy Bourgeon : "Alderan est le sponsor titre, nous couvrons environ 80 % du budget, mais notre implication dépasse largement le cadre financier. Nos équipes sont très proches de l’écurie, notamment de Thomas Cornu, le relais entre mer et terre. On partage les contenus, les vidéos, les moments de navigation.
On organise aussi des expériences pour nos partenaires : certains ont eu la chance de monter à bord avec Sacha, de naviguer depuis Saint-Malo ou de visiter le bateau sur le village. C’est un vrai projet collectif, où tout le monde se sent impliqué. Et c’est aussi ce qui rend cette aventure si unique."
Le Figaro Nautisme : Quelles sont les prochaines échéances après la Transat Café L’Or ?
Sasha Lanièce : "L’année prochaine, je prendrai le départ de la Normandy Channel Race, puis de la Dream Cup en juillet. L’objectif majeur sera la Route du Rhum 2026, en solitaire sur le même bateau. Karen, de son côté, disputera la Plastimo Mini, le Mini Fastnet et surtout Les Sables-Les Açores-Les Sables, une grande étape qualificative avant sa Mini Transat. C’est une course exigeante, quinze jours seule en mer. Elle se prépare avec beaucoup d’engagement, et je suis très fière de son parcours."