Transat Café L'Or : IMOCA, y’a de la joie
Le bonheur selon Beyou
Le classement des ULTIM avait été bouclé quelques heures plus tôt par l’arrivée du Maxi Banque Populaire XI et le dénouement des Ocean Fifty était connu depuis la veille. Place désormais aux IMOCA et à leur bagarre si intense. Il y a eu les conditions dures du départ, le regroupement aux Canaries, une bataille digne de Figaristes jusqu’aux côtes africaines puis le sprint à haute intensité dans les alizés. Et pour ouvrir le bal de ces arrivées, un revanchard (Jérémie Beyou) et un habitué (Morgan Lagravière). Au franchissement de ligne, le premier a l’air d’un gamin : hilare, il congratule son co-skipper. Jérémie sait que l’instant est précieux, lui qui a multiplié les places d’honneur depuis sa dernière victoire majeure il y a cinq ans.
À leur arrivée à Fort-de-France, une averse virulente s’abat sur la marina. Sur le ponton d’honneur, on se couvre comme on peut, on baisse la tête, on se protège. À quelques mètres de là, depuis le pont du bateau, Jérémie et Morgan observent la scène sans sourciller. Ils ont les tee-shirts trempés mais qu’importe : ça ne doit pas atténuer leur plaisir du moment. Jérémie plaisante sur la montée des arbitres à bord, s’amuse que son micro ne fonctionne pas et invite même un journaliste à faire une course avec Morgan (« avec lui-même toi aussi tu gagnes »).
Dans leur attitude et leurs mots, ce n’est pas une affaire de soulagement, de délivrance ou une décharge d’émotion, juste le bonheur simple d’avoir atteint leur objectif, de constater que « les planètes étaient alignées ». Jérémie l’assure : « je savais que c’était en moi, en l’équipe et on n’a jamais renoncé ». On se dit que la chance a tourné ; eux ont la certitude qu’ils n’ont fait que la provoquer. Morgan dit qu’ils ont profité de « la belle dynamique au sein de l’équipe ». Jérémie n’a pas vraiment envie d’évoquer les temps d’avant, les scénarios rageants et les doutes. « Ceux qui savent, savent, confie Jérémie. Il y a des moments qui sont moins faciles, des moments de doute, des moments de reconstruction ». Et il y a enfin des moments plus rares et plus heureux, comme ceux qu’ils viennent de vivre ce matin.
La joie et la fraîcheur de Will et Francesca
En fin de matinée, il y a un esprit festif sur les pontons, malgré les grains et le vent qui se lève. C’est l’heure du girl power : Anne-Claire Le Berre et Elodie-Jane Mettraux (Upwind by MerConcept) est arrivée et leur copine Francesca Clapcich est attendue. « Franchement respect, Francesca a fait une super course » assure Anne-Claire. « C’est génial de la voir à ce niveau », poursuit Elodie-Jane. L’effervescence des pontons des arrivées a fini par faire oublier le dernier coup de maître de Francesca et Will : avoir dépassé Macif Santé Prévoyance (Sam Goodchild et Lois Berrehar) dans les dernières heures de course.
Voici donc un duo 100% international, portant les couleurs d’une fondation américaine qui défend des valeurs progressistes, et deux visages méconnus du grand public. Une mère de famille italienne, géniale touche-à-tout de la course au large (Franscesca Clapsich) et un Britannique ultra-talentueux, premier bizuth à la Solitaire du Figaro, rouage essentiel du Team Malizia avec Boris Herrmann. Leur TRANSAT CAFÉ L’OR aura été d’une incroyable audace et d’une sacrée maîtrise. 11th Hour a été parfois en tête - au cap Finisterre, aux Canaries - et surtout toujours dans le coup.
Le franchissement de ligne à 11 h 02 est sacrée ironie pour un bateau appelé 11th Hour Racing. Au ponton, la joie de Francesca est communicative. Elle tombe dans les bras d’Anne-Claire et Elodie-Jane, demande s’il y a de la viande à la place des fruits proposés et répète, en français dans le texte, que tout est « incroyable ». « Cette course, ça ressemblait à une Solitaire du Figaro », confie-t-elle. « Finir sur le podium, c’est un rêve », poursuit Will. En plus de leur audace et de leur ténacité, c’est un certain esprit qu’ils sont parvenus à insuffler à bord et dans leur communication. « On a toujours pris beaucoup de plaisir même quand c’était difficile », assure Will qui évoque les sourires et « le bon café ». Ce podium au tout début du projet permet de voir grand. Will en est convaincu : « Francesca a les capacité et le bateau pour remporter une grande course au large avec ce projet ». Vivement la suite !
Au petit bonheur de Sam et Loïs
Le vent s’amusait toujours à faire valser les vêtements en ce début d’après-midi. Sam Goodchild et Loïs Berrehar se sont rapprochés du ponton d’honneur sous les airs d’une chanson de Nathan Evans. Du folk écossais, suffisant pour que les personnes présentes battent la cadence, que Sam hoche la tête en rythme et que Lois esquisse quelques pas de danse. Eux aussi sont heureux. Leur duo s’est forgé cette saison, il a fallu prendre en main le monocoque vainqueur du Vendée Globe et être à la hauteur de son héritage. Ils l’ont été et ont fait partie des grands animateurs de la course. À l’arrivée, Sam poursuit sa collection de podium en IMOCA lui qui a déjà terminé 2e de The Ocean Race, 3e de la Transat Jacques-Vabre, 3e de Retour la Base (2023).
De son côté, Loïs Berrehar poursuit son apprentissage dans la classe avec un incroyable talent, lui qui signe son premier podium sur une transatlantique en IMOCA. Ensemble, ils ont des mots simples - « c’était dingue », « chouette », « hyper sympa » - pour traduire l’intensité de la bataille. Bientôt, ils seront adversaires dans la discipline, Loïs récupérant le projet IMOCA de Banque Populaire dont les membres de l’équipe étaient présents sur le ponton. « Bien sûr, il nous est arrivé parfois de penser à nos futurs bateaux de notre côté, sourit Sam, mais ça ne nous a pas empêché de tout donner ». Quoi qu’il en soit, comme pour Jérémie Beyou, Morgan Lagravière, Fransesca Clapcich et Will Harris, il y a l’impression tenace qu’ils ont toutes les qualités pour continuer à briller dans les mois et les années à venir...


