Yannick Bestaven, en tête du Vendée Globe : « C'est une belle histoire »

Par Figaronautisme.com

Alors qu’il vient tout juste d’entrer dans l’océan Pacifique, Yannick Bestaven occupe la première place de la neuvième édition du Vendée Globe. Une performance remarquable pour le skipper de Maître CoQ qui a appris mercredi que le jury international de la course lui avait attribué 10 heures et 15 minutes de bonification pour sa participation au sauvetage de Kevin Escoffier. Joint ce jeudi matin, le Rochelais s’est confié.

Tu es premier au moment d’entrer dans le Pacifique, comment vis-tu ce qui t’arrive ?

C’est un beau conte de fées, une belle histoire. C’est sûr que je n’en reviens pas moi-même. Je suis super content de cette position, c’est au-delà des espoirs que j’avais fondés en partant des Sables d’Olonne. Je voulais faire les mers du Sud dans le Top 5, je me retrouve en tête. Après, ça ne veut pas dire grand-chose car la route est longue, mais c’est mieux d’être là que derrière. Je sais aussi que derrière moi, il y a deux bateaux rapides qui ont été un peu amoindris ces dernières heures (LinkedOut de Thomas Ruyant et Apivia de Charlie Dalin), il y a des chances que l'on se revoie.

Peux-tu nous raconter comment tu t’y es pris dans la seconde partie de l’océan Indien pour revenir au contact ?

La mer a été mieux rangée, ce qui m’a permis d’attaquer, me séparer du groupe avec lequel j’étais et rejoindre les deux bateaux de tête. J’ai pu cravacher car les conditions s’y prêtaient et mon bateau était en parfait état pour le faire. Cette deuxième partie a été un peu mieux, pas forcément plus agréable car aux vitesses élevées, le bateau n’est jamais très confortable, mais c’était bien.

Ça veut dire quoi cravacher à bord de Maître CoQ IV ?

Comme j’avais un souci sur mon J2 (voile d’avant intermédiaire) qui m’a beaucoup manqué, j’avais le choix entre mettre une voile plus petite, mais je n’avançais pas, ou plus grande, un petit gennaker, c’est ce que j'ai fait. Par moments, c’était un peu limite, mais j’ai réussi à tenir avec et il m’a amené loin, puisque je suis parvenu à rattraper les premiers qui avaient aussi un peu moins de vent et des soucis techniques. Il y a eu plusieurs causes qui expliquent que j’ai pu revenir.

Tu as dû monter dans le mât pour réparer ce J2, il le fallait?

Oui, c’est une voile que l’on ne peut pas faire tomber sur le pont car ça risque d’abîmer le bateau, donc le seul moyen de le réparer était de grimper au mât pour aller coller un patch sur la chute, qui était découpée. Ça me prenait la tête, parce que ce n’est vraiment pas quelque chose que j’aime faire, mais je ne voulais pas laisser ce dossier en suspens. Donc mardi, quand il y a eu une météo un peu plus cool, je me suis dit que c’était le moment d’y aller, c’était sportif, mais c’était un grand plaisir d’avoir réussi à régler ce dossier.

Le fait d’être passé de chasseur à chassé change-t-il quelque chose pour toi ?

Je ne me soucie pas de ça, ça ne va rien changer. Ça fait forcément plaisir d’être en tête, mais point à la ligne. Comme je te l’ai dit, le chemin est encore très long, donc je vais essayer de continuer à naviguer du mieux possible, comme je l’ai fait depuis le début, et on verra ce que ça donnera à la fin.

A la fin, il y aura 10 heures et 15 minutes qui seront retirées de ton temps de course, suite à l’annonce du jury mercredi, qu’est-ce que cela t’inspire ?

Ça me paraît logique. On avait perdu du temps sur cette opération de sauvetage, j’avais dû me dérouter en montant plein nord pour aider pour les secours, on avait passé la nuit à chercher Kevin, donc je trouve ça normal. Après, ces 10 heures et 15 minutes ne seront retirées de mon temps de course que si je passe la ligne d’arrivée, donc pour l’instant, je n’y pense pas, je ne me prends pas la tête avec ça. On ne fera des calculs que si je coupe la ligne aux Sables.

Tu sors d’une journée à plus de 19 nœuds de moyenne, quelles conditions as-tu ?

J’ai eu des bonnes conditions pour aller vite, mais très fraîches. Là, la température de l’eau est remontée un peu, à 6°C, mais hier, elle était à 3°C. C’était dur, il faisait gris, froid, j’avais les pieds dans des bottes gelées, mais c’est vrai que j’ai bien avancé. Là, le vent commence à mollir, ça devient un souci car j’ai l’impression que ça va tamponner, c’est pour ça que je pense que les bateaux de derrière vont revenir. Du coup, ce matin, j’ai manœuvré, j’ai envoyé des voiles plus grandes pour contenir les assauts de mes poursuivants, j’essaie de trouver la bonne voile pour continuer à avancer.

Comment vois-tu les prochains jours ?

Ça va être compliqué, car on a beaucoup de « molle » à venir pour le week-end. J’ose espérer que je ne vais pas me faire rattraper par le groupe que j’ai quitté la semaine dernière, celui de Jean (Le Cam, Yes We Cam !), Damien (Seguin, Groupe Apicil), Boris (Herrmann, Seaxplorer-Yacht Club de Monaco), Louis (Burton, Bureau Vallée) et Benjamin (Dutreux, Omia-Water Family). Ces conditions météo sont un peu bizarres, mais il faut s’adapter.

Tu as désormais dépassé la mi-course, comment te sens-tu physiquement et mentalement après presque 40 jours de mer ?

Physiquement, ça va, j’ai réussi à envoyer une grosse manœuvre ce matin. Maintenant, je rouille un peu du dos, c’est compliqué de ne pas bouger dans le bateau et l’humidité n’est pas agréable. Je t’avoue que je rêve de remonter dans des latitudes plus tempérées, mais ce n’est pas pour demain. Et moralement, ça va aussi, je déroule ma course. Je fais mon petit bout de chemin, les jours se suivent sans trop se ressembler.

As-tu déjà calculé le temps que tu vas passer dans le Pacifique jusqu’au Cap Horn ?

J’ai regardé, oui, ça fait peur, parce que je pense qu’on ne passera pas le Cap Horn avant le Réveillon, c’est encore loin ! Je crois qu’Armel (Le Cléac’h, vainqueur de l’édition 2016) l’avait franchi le 23 décembre…

Tu vas prochainement passer sous la Nouvelle-Zélande, ça te fait penser à quoi ?

La Coupe de l’America et les All Blacks !

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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