Vendée Globe : quand prudence et audace se disputent la victoire

Par Figaronautisme.com

La bataille en tête de course n’en finit plus. Certes, Yoann Richomme (PAPREC ARKEA, 2e) a réduit l’écart avec Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er) en passant de 190 milles hier à 155,9 milles à 7 heures ce matin. Impossible de tirer des conclusions hâtives pour autant, chacun étant tour à tour plus rapide que l’autre. Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère - Armor Lux, 14e), lui, semble réussir à semer ses camarades de jeu dans l’Atlantique Sud. À 8000 milles des leaders, Manuel Cousin (Coup de Pouce, 33e), Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise, 34e) et Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 35e) progressent patiemment au cœur du Pacifique. Ils se rapprochent du point Nemo, devront veiller aux icebergs et ne seront pas au cap Horn avant une dizaine de jours. Cela ne les empêche ni de tout donner, ni d’en profiter.


Pour les premiers, il va falloir commencer à compter en « dernier » : dernière semaine complète, dernier weekend, derniers levers de soleils… Bref, le dénouement est proche et il est tentant de tout surinterpréter, chaque fait et geste des deux leaders pour savoir ce qui fera la différence à l’arrivée. Alors, quand on s’aperçoit que Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) n’est plus qu’à 155,9 milles de Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) alors qu’il comptait 190,7 milles à 15 heures hier, c’est le choc. Mais attention au « breaking news » intempestif !

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© Arnaud Boissières / Vendée Globe

À la direction de course, on préfère jouer la prudence. « Yoann a simplement un peu plus d’air en étant légèrement plus à l'Ouest, précise Fabien Delahaye. Ça se joue au nœud près sur une demi-heure, une heure et c’est chacun leur tour. Ça fait un peu le yo-yo entre les deux ». Les deux marins progressent dans 22 à 25 nœuds de moyenne en bénéficiant des vents du front chaud liés à une perturbation qui les rattrape. Autre incongruité relevée par la direction de course : depuis leur virement au large de Rio, ils sont en tribord amure et le resteront jusqu’à atteindre Penmarch, à la pointe Bretonne en début de semaine ! Les deux hommes sont toujours attendus mardi aux Sables d’Olonne.

En Atlantique Sud, un homme est particulièrement à la fête, c’est Jean Le Cam. Moins d’une semaine après être revenu sur Romain Attanasio (Fortinet Best Western, actuel 15e) et Damien Seguin (Groupe Apicil, 17e), le « Roi Jean » est en train de se faire la malle. « Alors que l’anticyclone se décale à l’Est et ralentit ses concurrents directs, il a réussi à trouver le bon courant et à se faufiler dans un trou de souris », décrypte Claire Renou à la direction de course.

Vis ma vie dans le Pacifique

Dans le lointain Sud-Ouest, au-delà de l’Atlantique Sud d'où s’extirpent nombre de skippers et du cap Horn qui fait tant rêver, ils restent six skippers progressant patiemment dans l’océan Pacifique. Pour eux, pas de tee-shirt, de crème solaire et de coups de soleil sur le pont. Là-bas, c’est l’hiver, le vrai, les degrés qui manquent et le corps qu’on protège derrière des couches de vêtements. Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 35e), la lanterne rouge, en sourit :
«C’est sûr qu’on aimerait être un peu plus loin et un peu plus au chaud ! Là, il fait vraiment froid. Pour la première fois depuis le départ, j’ai dormi la nuit dernière avec un bonnet… Parfois le temps est un peu long mais c’est comme ça. L’objectif, c’est le point Nemo, le cap Horn… C’est motivant…» Denis Van Weynbergh,
D'IETEREN GROUP.

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© Denis Van Weynbergh / Vendée Globe



Côté température, Fabrice Amedeo (Nexans – Wewize, 34e), classe son chauffage dans les « vrais petits plaisirs » « Avec mes bottes et mon ciré, ça me change la vie ! » Tous savent que le vainqueur du Vendée Globe sera bientôt connu. « C’est fou ce qu’ils font, chapeau bas ! Ils réalisent une course incroyable, c’est une édition de folie, s’enthousiasme Manuel Cousin (Coup de Pouce, 33e). C’est fort de tenir les moyennes qu’ils ont tenu ! » Denis aussi est dithyrambique sur « le dénouement incroyable », « le niveau de performance énorme », « le record qui va être explosé » (de 74 jours ndrl). Et puis il s’offre un trait d’humour : « ça me motive parce que dès qu’ils seront arrivés, je vais enfin pouvoir réduire mon écart avec le premier ! » Fabrice reconnaît que « ça fait longtemps qu’il a décroché dans le suivi des premiers ». Il ajoute :
«Ils ont cumulé trois éléments : skippers exceptionnels, bateaux exceptionnels et météo exceptionnelle. C’est comme si quelqu’un court le marathon en 4 heures allait se comparer avec ceux qui le courent en 2 h 15. Moi je fais ma course, à mon rythme, je vais faire mon Vendée Globe en une centaine de jours en faisant tout pour aller au bout.» Fabrice Amedeo, Nexans-Wewise.

« À la fois très monotone et très rythmée »

En revanche, ils ont un peu plus de regrets de ne pas batailler avec ceux qui sont devant, à l’instar de Violette Dorange (Devenir, 29e) et Éric Bellion (Stand As One – Altavia, 27e). « Sans mes soucis, j’aurais dû être dans ce groupe-là. Mais ça fait partie du jeu », confie d’ailleurs Manuel Cousin. En attendant, ils savent que la route est encore longue. Manu assure que « ce n’est pas les 60 jours qui pèsent mais la dizaine qui nous séparent de l’Atlantique Sud » Fabrice Amedeo a une formule bien à lui pour parler de l’appréciation du temps :
«D’un côté j’ai l’impression que je suis parti il y a une éternité et en même temps les journées passent à une vitesse hallucinante. C’est à la fois très monotone et très rythmé. Et la perception du temps est toute chamboulée.» Fabrice Amedeo, Nexans-Wewise.

Quoi qu’il en soit, Denis progresse au près non loin de la ZEA et espère rapidement allonger la foulée. Le duo Cousin-Amedeo est à près de 300 milles plus à l’Est et vont bientôt atteindre le point Nemo (le point le plus éloigné de toute terre). Les deux inséparables, à l’arrière d’un anticyclone, espèrent continuer au portant avant de bénéficier de la traîne d’une dépression. En attendant, ils doivent renforcer leur vigilance à cause de la présence éventuelle d’icebergs. Quatre icebergs dont un de 400 mètres ont été repérés dans la zone par la direction de course qui est particulièrement attentive sur ce sujet. Par ailleurs, un peu avant Denis, Fabrice et Manu devraient atteindre le cap Horn dans neuf jours. À ce moment-là, trois de leurs compagnons du Vendée Globe seront déjà à terre, à plus de 7 000 milles de là. Une même aventure et une certaine idée du vertige…


Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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