Les Antilles, toujours asphyxiées par les sargasses
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Depuis février les sargasses, ces algues brunes dont l'origine reste incertaine, s'amoncellent sur les rivages, salissent plages et ports, mais surtout dégagent, en séchant, de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniac, qui peuvent provoquer maux de tête, nausées et vomissements. Pour les plaisanciers, c'est également un véritable danger : elles bloquent l'entrée des ports et se coincent dans les hélices des bateaux. Les îles de la Guadeloupe sont fortement touchées (la Désirade, Marie-Galante et les Saintes), ainsi que la Martinique, et la Guyane.
Ce n'est pas la première fois que ces algues envahissent le littoral antillais, notamment en 2011. Mais le phénomène n'a "jamais été aussi important que cette année", selon Annick Girardin, ministre des Outre-mer. Les mesures annoncées lundi concernent "la Guadeloupe, les îles du Nord, la Martinique et la Guyane", précise un communiqué conjoint des deux ministères. Elles "seront financées à hauteur de 10 millions d'euros par l'Etat et permettront d'accompagner les investissements et les opérations de ramassage des collectivités territoriales concernées", explique le communiqué.
Les sargasses, un fléau antillais ?
Lors de l'échouage massif de ces algues en 2011 dans toute la Caraïbe, l'hypothèse de leur origine laissait penser qu'elles provenaient du Golfe du Mexique, ou de la Mer des Sargasses au nord des Antilles (large de 1 100 km et longue de 3 200 km, où ces algues stagnent en surface).
Il est donc parfaitement naturel que les sargasses viennent s'échouer sur les côtes des Bermudes et sur les côtes américaines, mais pas aux Antilles. La zone semble se déplacer vers le sud, créant une deuxième Mer des Sargasses en Atlantique. Pourquoi ? D'après les scientifiques, ces sargasses proviendraient du nord de l'embouchure de l'Amazone, au large du Brésil. La déforestation massive entraine un "lessivage" des sols et donc des apports organiques plus riches et inhabituels, directement dans l'Amazone, favorisant ainsi la prolifération. Cette hypothèse est la plus probable puisqu'elle expliquerait l'échouage massif sur les plages des Caraïbes. Or ce problème ne concerne pas que cette partie de la planète puisqu'il y a quelques années, les côtes africaines (Guinée, Sierra Leone) ont été confrontées à la même problématique. Le problème semble donc se poser au niveau de l'Atlantique, et pas seulement de la zone Antilles.
Quelles conséquences ?
Ces algues ne sont pas toxiques. C'est leur putréfaction qui est dangereuse. En pourrissant, elles dégagent des gaz, et notamment du sulfure d'hydrogène, provoquant des nuisances olfactives et surtout des troubles sanitaires : irritation des yeux, impact sur les voies respiratoires... les femmes enceintes et les jeunes enfants sont des populations particulièrement à risque. D'un point de vue économique, c'est une véritable catastrophe puisque les touristes fuient les plages, les restaurants de bord de mer...
Pour contenir l'invasion, les différentes municipalités de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane mettent en place des opérations de nettoyage autour des zones d'habitation et des plages les plus fréquentées. Des actions qui, malheureusement ne sont que temporaires. Le plan Hulot a pour objectif de financier les collectivités pour pouvoir ramasser les algues dans les 48 heures après leur échouage, avant leur décomposition. Pendant ce temps, de nombreuses entreprises privées testent diverses solutions comme des filets ou des bateaux "aspirateur" de sargasses. Mais pour le moment, la situation reste bloquée et les Antilles continuent leur lutte contre les algues brunes.