Sept « ballades » dans le Golfe de Venise : la tempesta, chapitre 2
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Fulgurance de l’éclair qui déchire la toile de Giorgione : « La tempesta ». Le tableau de Giorgione (le grand Georges) est un mystère. Il était, autrefois, présenté à l’Accademia de Venise dans une pièce sombre. Solitaire et magique. Passé la première surprise, l’œil s’habituait. Et puis, dans le silence et l’obscurité, d’un coup, tout s’illuminait. L’orage éclairait la scène que de nombreux exégètes avaient, sans succès, tenté de déchiffrer. La violente lumière subitement mettait en relief le village au fond, découvrait la femme offrant son sein à l’enfant à droite, faisait apparaitre l’homme en rouge en bas à gauche. Quelle est la signification de tout cela ? Peu importe ! Giorgione, né à Villafranca, en « terre ferme » comme disent les vénitiens, est, comme l’éclair qu’il a si bien rendu, une fulgurance dans le ciel de la peinture vénitienne au tournant du quattrocento. Il forme avec Giovanni Bellini et Vittore Carpaccio, la trilogie merveilleuse et audacieuse qui enchante la vie. Celle, qui, définitivement, a plongé la peinture vénitienne dans la couleur. La couleur, la couleur, les couleurs. Les florentins se contenteraient du trait…
« Hélas ses craintes n’étaient que trop fondées ! Le ciel tonne et fulmine et lance sa grêle… ». Antonio Vivaldi, autre célèbre vénitien, a écrit un poème harmonique, en musique bien sûr, mais aussi en paroles. Celles que nous rapportons plus haut, tirées du « Soneto dismotrativo », illustrent le troisième et dernier mouvement de « l’Eté ». On aura reconnu les incomparables « Quatre saisons ». Dans ces trois mouvements consacrés à l’été, dans le texte comme en musique, toutes se rapportent à l’orage. Le premier mouvement passe vite sur la tourterelle et le chardonnet car déjà le berger craint la nuée, le deuxième mouvement décrit les insectes qui annoncent la « horde furieuse », et le troisième éclate en éclairs monstrueux.
L’éclair foudroie le campanile de San Marco en pleine nuit, il illumine « a giorno » le palais des doges. C’est en juillet 2007, notre ami Franco nous a invité à bord de Mozart ex Brava, fameux one tonner des années 80, le dernier admiraler’s en bois moulé. Nous sommes à quai à San Giorgio, à la « Compagnia della vella », Le club nautique de Venise. Toute la soirée l’orage a grondé pour, enfin, exploser dans la nuit et offrir un spectacle terrifiant, magnifique et grandiose. En face de nous, un peu plus sur la droite sur le quai des Schiavoni, l’église de La Piéta où le prêtre roux enseignait et donnait à entendre ses œuvres. D’accord la façade actuelle n’existait pas au temps d’Antonio. N’empêche.
J’entendais Vivaldi.
Pourquoi tant d’éclairs : Un peu de géographie après la peinture et la musique?
Au nord : les Dolomites ; à l’est une autre chaine montagneuse : les Alpes Juliennes ; à l’ouest : la vaste plaine du Pô. Marécageuse cette cote ouest, forme trois lagunes : celle de Venise, celle de Grado et celle de Marano dans lesquelles les fleuves et la mer adriatique se marient. Quant à l’Adriatique elle-même, la sonde des 20 mètres se situe par endroits à presque 30 milles de ce cordon lagunaire. Cette faible profondeur explique la température élevée de l’eau de mer en été, et aussi son rapide refroidissement en hiver. L’arrière-pays aussi participe au même phénomène : intense évaporation en été, vif refroidissement à l’époque de la chasse au canard dans les marais. Tout est en place pour que, en régime un tant soit peu instable, l’air humide et chaud se condense en s’élevant, les montagnes font le reste. L’énergie se libère avec violence. La pluie recouvre avec rage de boue rouge le pont
La vigilance à terre comme en mer ou au mouillage ou à terre est la première des vertus. Dans ces situations instables,l’observation des nuages et de leur déplacement doit être constante. Les orages se forment très rapidement, parfois aussi vite que les grains tropicaux.
Le radar peut être utile pour juger objectivement de l’évolution du système orageux et slalomer entre les grains.
Par prudence on pourra se rappeler cet adage, appris dans la Chesapeake, autre magnifique plan d’eau pour lequel l’expression « il pleut des grenouilles », n’est pas qu’une expression…: « A cinq heures : Au Mouillage ! ». Le dicton est en heure solaire, on fera la correction de longitude et d’heure légale !
« La tempesta » est un vrai faux ami. Sa traduction exacte n’est pas « la tempête » mais l’Orage… Il faut s’y faire. La tempête en italien se dit « Burrasca ». « Aviso di burrasca » sur le canal 16 n’est pas bon signe... Toujours est–il que, en peinture comme en musique ou en poésie les vénitiens ont « célébré » l’orage. Et ce n’est pas pour rien. A suivre !
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