Villers-sur-Mer : le charme de la Côte Fleurie
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Au début du XIXe siècle, les bains de mer à but thérapeutique commencent à devenir à la mode. Ils sont alors recommandés en France et en Angleterre pour leur effet vivifiant qui permet notamment de lutter contre les rhumatismes. Ainsi, dès la fin du Premier empire, il est d’usage d’aller prendre les eaux à Boulogne ou à Dieppe. Sous la Restauration, les bains de mer vont être de plus en plus populaires, notamment à Dieppe, grâce à l’influence de la Duchesse de Berry. C’est le développement du chemin de fer au milieu du XIXe siècle puis de l’automobile au début du XXe siècle qui vont réellement permettre l’essor des villes de bains. La côte normande étant la plus proche de Paris, c’est au bord de la Manche que vont voir le jour les premières stations balnéaires fréquentées par la noblesse et la bourgeoisie. A partir de 1830 Louis-Philippe, roi des français, encourage le développement du petit port de pêche de Trouville, sur les bords de la Touques, au détriment de Dieppe, ville réputée légitimiste. Plusieurs stations vont alors voir le jour pendant l’éphémère Seconde république comme Beuzeval, la protestante, future Houlgate. Sous le Second Empire, bien que le couple impérial semble préférer la côte basque faisant de Biarritz la villégiature à la mode, la proximité avec Paris permet à la côte normande de poursuivre son essor balnéaire : Cabourg sort de terre en 1854, les villas fleurissent à Villers à partir de 1856 et en 1859, la station de Deauville est créée ex-nihilo par le demi-frère de Napoléon III : le Duc de Morny. Parallèlement, le réseau ferroviaire se développe à toute vitesse. Depuis Paris, il devient possible de se rendre au Havre à partir de 1847. Les premiers trains arrivent à Dieppe à l’été 1848. Pour la saison 1855, il est possible de rejoindre les stations de Trouville, Cabourg et Beuzeval en descendant du train à Lisieux et en 1858, la ligne ferroviaire est prolongée jusqu’à Pont-l’Evêque. La première gare de Trouville-Deauville est finalement inaugurée en 1863 et en en 1884, la ligne permettant de relier Deauville à Caen, via Mézidon, en desservant les stations de, ce qui va être appelée à partir de 1903 la « Côte Fleurie », entre enfin en service. Par l’Express, Villers n’est alors qu’à quatre heures de Paris.
Au milieu des grandes Deauville et Cabourg, la petite station de Villers est fondée en 1856. A l’origine, Villers est un petit village de hameaux, vivant jusqu’au XIXe siècle de l’agriculture et de l’extraction du sel marin par ébullition de l’eau utilisée pour laver le sable récolté sur le bord de mer. Des traces de cette activité sont attestées à ce qui est alors Villare dès l’Antiquité romaine. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, deux personnages vont jouer un rôle capital dans la création de la station de Villers-sur-Mer : Félix Pigeory et Pierre-Michel-François Chevalier, dit Pitre-Chevalier. Le premier est architecte à Paris, ville pour laquelle il est inspecteur des travaux. Homme de lettre, il est également directeur et rédacteur en chef de la Revue des beaux-arts. Le second est novelliste et rédacteur en chef du Figaro. Fréquentant les milieux littéraires, il a pour témoin de mariage le poète et écrivain Alfred de Vigny et est le premier à publier, à partir de 1851, les premières nouvelles de Jules Verne dans la revue Le musée des familles. Ensemble, les deux hommes vont acheter les terrains autour du bourg de Villers et créer le plan d’une nouvelle cité en bord de mer. A Villers, Félix Pigeory va participer à la création du style balnéaire XIXe, fait de majestueuses villa de briques, largement ouvertes sur la mer et décorées de boiseries en pitchpin. Afin de faire acheter des propriétés aux parisiens cherchant une villégiature, la ville va rapidement se doter de deux éléments indispensables pour une station balnéaire : un casino et un établissement de bains. De plus, une nouvelle imposante église, de style néogothique, va remplacer à la fin du XIXe siècle l’ancienne église du bourg, devenue trop petite pour accueillir tous les fidèles. Afin de ne pas interrompre les célébrations, la nouvelle église, dédicacée à Saint-Martin, va être construite autour de la première qui sera par la suite démontée.
La construction de Villers va devoir s’adapter aux contraintes du terrain. Dans un premier temps, la station va se développer à l’Ouest, sur les flancs des falaises des Vaches-Noires, l’Est étant alors un vaste marécage. Les deux bâtisseurs avaient initialement prévu d’organiser leur ville là où les falaises redescendent vers la mer, bordant cette dernière d’une promenade au-dessus de laquelle trois rues (la rue de la Falaise, la rue des Foulans et la rue des Bosquets), organisées les unes au-dessus des autres, auraient dû permettre aux plus belles villas de la station de posséder une vue dégagée sur la Baie de Seine, quel que soit leur distance du front de mer. Ce beau projet devra cependant être abandonné à cause de l’instabilité des falaises des Vaches-Noires. La rue de la Falaise ne sera jamais achevée et après la Seconde guerre mondiale, une partie des rues des Foulans et des Bosquets s’effondreront, emportant avec elles des villas aux noms évocateurs : Belle vue, Florida, Les roches… Aujourd’hui encore, le quartier Belle époque reste le plus prestigieux de Villers-sur-Mer. Cependant, les mouvements de la falaise sont toujours la bête noire des propriétaires dont les villas sont devenues de véritables danseuses.
Face à l’impossibilité de s’étendre vers l’Ouest, Villers va peu à peu coloniser les marais vers l’Est, entre la route de Trouville et la voie ferrée. Alors que la villa Les Bosquets de Félix Pigeory se trouvait au cœur de la station, entre l’ancien hameau de l’église et le quartier de la falaise, c’est celle de Pitre-Chevalier, Durenne (qui héberge aujourd’hui l’office de tourisme), qui va peu à peu prendre cette place centrale alors qu’elle se situait à l’origine en bordure de la ville. Ainsi, à la veille de la Première guerre mondiale, l’expansion de Villers-sur-Mer paraît terminée, la ville étant engoncée entre la falaise et le marais. Mais durant l’entre deux guerres, l’agrandissement va reprendre vers l’Est. Des parties du marais vont être progressivement asséchées afin de construire de nouvelles maisons. A partir de 1936, les congés payés vont causer l’explosion du tourisme balnéaire. Quatre années d’occupation et la destruction de villas par les allemands afin de laisser la place aux fortifications du Mur de l’Atlantique (comme la villa Les Flots, aujourd’hui remplacée par le club de voile, détruite parce qu’elle gênait la vue d’un bunker), ne vont pas freiner le développement de la station. Les Trente glorieuses vont pleinement profiter à Villers-sur-Mer et la construction de petites résidences secondaires va peu à peu remplacer celle des grandes villas. Dans les années 1970, un vaste programme d’urbanisation va aboutir à l’assèchement d’une grande partie du marais et un nouveau quartier de barres d’immeubles, Villers 2000, va sortir de terre. Heureusement, la station va être classée et ses villas XIXe protégées, avec pour but d’éviter à Villers-sur-Mer de subir les mêmes destructions et la bétonisation de villes comme La Baule ou Les Sables d’Olonne. Les élus et les associations de propriétaires vont se battre pour que la Côte fleurie soit épargnée, finissant par obtenir gain de cause.
La victoire de l’architecture Belle époque sur l’urbanisation massive des Trente glorieuses a permis à Villers de conserver son charme authentique et son esprit familiale. Il n’est en effet pas rare de voir des villas continuer de se transmettre dans une même famille de génération en génération, voir appartenir encore aux descendants des bâtisseurs, il y a plus d’un siècle. Ces mêmes familles ont l’habitude de se retrouver dans leurs cabines de plage, blanches en forme de petites maisons, qui font depuis l’origine des bains de mer pleinement partie de la côte normande. La plage de Villers-sur-Mer est ainsi devenue, d’un lieu mondain, un espace de retrouvailles familiales et de loisirs.
Aujourd’hui, la station balnéaire de Villers-sur-Mer est devenue un lieu de villégiature prisé. Le méridien de Greenwich fait son entrée en France à Villers-sur-Mer, séparant la ville en deux : à l’Ouest, le bourg et la station XIXe ; à l’Est, les constructions du XXe siècle : deux mondes qui aujourd’hui encore ont du mal à se comprendre. Au pied de la digue promenade, la plage de sable est une des plus belles de la Côte Fleurie. Le quartier Belle époque abrite certaines curiosités comme l’ancien chalet Haret de l’Exposition universelle de 1867, reconnaissable à son chapeau indochinois, ou la villa Madagascar, remontée à Villers après l’exposition universelle de 1878. Au-delà, les falaises des Vaches-Noires sont un lieu de promenade couru, que ce soit dans les hauteurs ou en bord de mer. A marée basse, il est d’ailleurs possible de rejoindre à pied la station voisine d’Houlgate, en longeant ces gros rochers noirs qui ont donné leur nom aux falaises et sur lesquels Clopinet, le petit héros de George Sand dans Les ailes du courage, trouve refuge le temps de la marée. Les falaises sont connues pour leur richesse en fossiles de dinosaures, que la ville expose au musée du Paléospace, construit en bordure des marais qui ont été aménagés en promenade.
Venir à Villers-sur-Mer, c’est découvrir une station balnéaire authentique où le neuf côtoie l’ancien, où la tradition flirt avec la modernité. Située sur le littoral du Pays d’Auge, le visiteur ne manquera pas de se rendre dans l’arrière-pays villersois à la découverte de magnifiques villages comme Saint-Pierre-Azif, Beaumont-en-Auge, Beuvron-en-Auge… dont la route le mènera à la petite ville de Pont-l’Evêque et à la cité de Sainte Thérèse et haut lieu de pèlerinage catholique : Lisieux.
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