Les eaux des terres australes françaises recèlent de trésors: la légine, poisson gras très prisé en Asie, et la langouste, que seule une poignée de bateaux est autorisée à pêcher, sous un contrôle drastique qui permet de préserver cette ressource extrêmement lucrative.
"La spécificité de notre pêche, c'est la gestion raisonnée, basée sur une collaboration entre les pêcheurs, les scientifiques et l'administration, contrairement à la métropole où les heurts sont fréquents entre ces trois acteurs", se félicite Thierry Clot, chef du service Pêche des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Ce fonctionnement a été instauré dès la création des zones économiques exclusives (ZEE) en 1976, avec l'embarquement obligatoire sur les bateaux de contrôleurs des pêches, salariés des TAAF, qui vérifient le respect de la réglementation et accumulent des données scientifiques.
"C'est comme si vous rouliez avec un gendarme en passager pour vous rappeler la bonne conduite à suivre", estime Michel Albin, président du conseil d'administration de Cap Bourbon, l'un des six armements français détenteurs d'une licence de pêche.
"C'est contraignant mais ça porte ses fruits: le poisson est de bonne taille, il est présent et les bateaux rentrent de plus en plus tôt" de marées après avoir rempli leur quota, affirme Frédéric Stephan, capitaine de pêche sur le Cap Horn I, palangrier congélateur.
La quantité de poisson autorisé, appelé "total admissible de capture" (TAC), est fixé chaque année par le préfet administrateur supérieur des TAAF, après avis du Muséum d'histoire naturelle, qui suit de près l'évolution de la ressource halieutique, et des ministères de tutelle.
Ce TAC (5.800 tonnes) est ensuite réparti en quota pour chacun des sept navires, en fonction du rapport établi par le contrôleur et des précautions prises pour ne pas tuer trop d'oiseaux marins et pour limiter les "prises accessoires", ces poissons non ciblés qui ne seront pas exploités (raie, grenadier, antimore).
De fait, "la ressource est très bien gérée, alors qu'en métropole, ça a été du grand n'importe quoi", raconte Georges Le Guilcher, capitaine du Mascareignes III. Ce Breton de 50 ans, qui pêchait le requin en mers d'Irlande et d'Angleterre, a dû vendre son bateau en 1997.
"Si on avait réglementé comme ici y'a 30 ans, y'aurait encore du poisson", renchérit M. Stephan, originaire de Pont l'Abbé (Finistère). "Si je discute avec un jeune marin, je lui dirais qu'il a de l'avenir avec la légine".