En pirogue, en planche de surf ou en équipe de sauveteurs en mer, des militaires blessés sur des théâtres de conflit, Afghanistan ou Mali, tentent au travers d'un stage original dans les fortes vagues de l'Atlantique de surmonter leur handicap et leurs peurs.
La température est fraîche, le ciel chargé de nuages, les vagues mouchetées de surfeurs: en ce dimanche matin sur la plage de Bidart (Pyrénées-Atlantiques), l'heure est au défi pour 14 jeunes gens, dont une femme, qui glissent tant bien que mal leur corps meurtri dans une combinaison de surf. Parmi eux, trois sont amputés d'une partie d'une jambe, un de plusieurs doigts, d'autres fragilisés par des fractures multiples. Et chez la plupart, le pire sont les blessures invisibles à l'oeil nu : les fractures psychologiques.
Aidés par deux moniteurs vêtus de gilets fluorescents de différentes couleurs, les stagiaires s'essaient à deux heures de pirogue hawaïenne "pour la cohésion d'équipe" puis au surf "pour retrouver de la confiance en soi et de l'équilibre".
"Je souffre mais j'ai l'impression de me réapproprier des sensations. C'est la vie simple qui reprend", explique Raphaël, un caporal, qui après sa convalescence entend réintégrer son régiment d'infanterie de Marine au Mans, dans l'administratif. "Le terrain, c'est ce qui va me manquer le plus", lâche-t-il.
"Le sport est une vertu primordiale dans le processus de reconstruction des blessés militaires", explique Éric Lapeyre, médecin en chef de l'Hôpital d'instruction des Armées de Clamart, organisateur de ce stage d'une semaine baptisé "SMB" (Sport, Mer, Blessure). C'est le Dr Lapeyre, originaire du Pays basque, qui a choisi les trois activités complémentaires, pirogue, surf et sauvetage en mer, au double impact physique et psychique. "Elles correspondent à une population militaire jeune, active et sportive, qui est de nouveau confrontée au danger, avec un travail d'équipe, un entrainement physique et une technique spécifique", explique-t-il. En réalisant ce défi, ils se disent "je peux surmonter cette épreuve, et sauver ma vie et celle de mes camarades".
"L'an dernier avec huit stagiaires, les résultats ont été excellents sur le plan psychologique", explique le lieutenant-colonel Thierry Maloux, chef de la Cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (CABAT), qui rappelle que l'enjeu dépasse un simple stage de sports nautiques. "Nous n'avons pas droit à l'erreur. Il faut leur apprendre à ne pas cultiver leur syndrome", explique-t-il.