Le port artificiel d'Arromanches-les-Bains (Calvados), ce vestige du Débarquement construit en 1944 par les Britanniques, sombre au fil des tempêtes. A sept mois du 70e anniversaire du Jour J, mairie et Région espèrent trouver à temps des fonds pour retarder sa disparition.
"En gros, chaque année on perd un caisson", ces morceaux de digue artificielle en béton hauts comme un immeuble de six étages qui jalonnent l'horizon jusqu'à 2 km au large, résume Frédéric Sommier, directeur du musée du Débarquement. Il précise qu'il en reste "une vingtaine visibles à marée haute comme à marée basse", quasi tous fissurés, sur 115 à l'origine. "A chaque tempête, on en voit un petit bout disparaître. Si on ne fait rien, dans 10 ans, il n'y a plus rien. De ces caissons encore monstrueux, on verra juste quelques traits à marée basse", s'alarme Patrick Jardin, le maire d'Arromanches.
Les 115 caissons "Phoenix" acheminés d'Angleterre et mis bout à bout avec des navires coulés formaient une digue de 8 km, délimitant un port de 500 hectares, soit 1.000 terrains de football, explique Erick Leplanquais, guide du musée. Pas moins de 255 remorqueurs avaient été utilisés pour les transporter ainsi que les quais flottants à l'intérieur du port artificiel "Mulberry" que 45.000 hommes et femmes avaient fabriqués en Angleterre.
Véritable exploit de logistique militaire, le port artificiel mis en place en quelques jours après le "D Day" permit aux alliés de débarquer quotidiennement des milliers d'homme et des milliers de tonnes de matériel en attendant de pouvoir utiliser le port de Cherbourg à partir de la mi-juillet 1944.
Mais 70 ans après, la mer est en passe de détruire ce port artificiel construit pour durer 15 à 16 mois. Or, il est le seul vestige qui rappelle le Jour J lorsque l'on regarde la mer depuis les plages du Débarquement, où bien souvent il faut faire appel à l'imagination pour visualiser l'événement.
"Il faut les faire tenir encore 20, 30 ou 40 ans. Après, on aura sans doute d'autres technologies pour garder la mémoire de tout ça", pense le maire. L'idée serait a priori de "briser les vagues venues du large avant qu'elles ne touchent les Phoenix, en faisant une barrière d'enrochement", explique-t-il.
Des travaux qui se monteraient à plusieurs dizaines de millions d'euros, selon l'élu de cette commune de 600 habitants. À Arromanches, il faudra ainsi encore plusieurs années avant de trouver une solution technique puis les financements. Mais le maire qui, depuis son arrivée à la mairie en 1995, a eu longtemps l'impression que les différents ministères se renvoyaient la balle dans ce dossier, pense que la Région est désormais "vraiment consciente" qu'il faut mobiliser collectivités, Etat et Europe et peut fédérer les bonnes volontés.
Le président du conseil régional de Basse-Normandie, Laurent Beauvais, parle d'un "vrai consensus". Le port d'Arromanches est l'une des raisons pour lesquelles la collectivité se bat pour que la France demande à l'ONU de classer les plages au patrimoine mondial de l'Unesco, dit-il. Un souhait que la Région exprime depuis 2006. Un dossier vient d'être remis mi-décembre au gouvernement afin que les plages soient inscrites sur la liste des sites français candidats à l'Unesco. Le président François Hollande avait dit en juin 2012 qu'il apportait "tout le soutien de l'État" à cette initiative.