Du soleil et de l'eau, une pincée de vent, de l'hydrogène : Energy Observer, premier bateau écologique propulsé aux énergies renouvelables et à l'hydrogène, espère rééditer sur les eaux le tour du monde historique de l'avion Solar Impulse.
"Nous allons être le tout premier navire doté d'une chaîne de production d'hydrogène autonome", explique le Français Victorien Erussard, l'un des deux porteurs de ce projet, qui devrait être mis à flot en février 2017. A l'heure actuelle, le multicoque attend, sur le chantier naval de Saint-Malo, dans l'ouest de la France, ses panneaux solaires, ses éoliennes et sa "chaîne de production" d'hydrogène.
Une fois équipés, "nous alimenterons nos batteries avec l'énergie solaire et éolienne si le temps le permet, et ces batteries alimenteront ensuite nos moteurs électriques", explique Victorien Erussard, 37 ans, officier de marine marchande et coureur au large. Mais, "s'il n'y a pas de vent, de soleil, ou la nuit, c'est l'hydrogène stocké et fabriqué par électrolyse de l'eau, grâce aux panneaux solaires et aux deux éoliennes, qui prendra le relais", ajoute le capitaine.
Le catamaran, une ancienne bête de course qui a remporté en 1994 le trophée Jules Verne (un tour du monde à la voile en équipe et sans escale), a été racheté 500.000 euros et rallongé de six mètres, à 30,5 mètres, pour les besoins du projet, parrainé par l'écologiste Nicolas Hulot. "C'est le premier projet de ce type vraiment accompli, ambitieux et tourné vers le futur que je soutiens", déclare à l'AFP l'ancien envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète. Pour lui, le projet est "très prometteur en matière de transport maritime, Energy Observer va faire la démonstration qu'on peut avoir une grande autonomie, qu'on peut stocker et trouver de l'énergie quand il n'y a plus de vent, plus de soleil".
L'exploit d'Energy Observer réside en effet dans la production et le stockage in situ d'hydrogène, fabriqué à partir d'énergies renouvelables et non d'énergies fossiles, comme c'est le cas aujourd'hui à 96%. "L'hydrogène n'est pas un carburant mais une manière de stocker l'énergie", précise Jérôme Delafosse, 45 ans, le second porteur du projet. "Au lieu d'avoir des batteries, nous remplissons des bouteilles d'hydrogène à haute pression et cet hydrogène pourra alimenter nos piles à combustible et produire de l'électricité", explique ce réalisateur de documentaires, également écrivain et scaphandrier professionnel.
Tour du monde en 6 ans
Conçu en partenariat avec une équipe d'architectes navals et l'institut de recherche CEA-Liten de Grenoble (centre-est), dédié aux technologies des énergies nouvelles, ce petit bijou de technologies vertes, qui a coûté 4,2 millions d'euros, sera testé en temps réel lors d'une expédition autour du monde prévue à partir de février 2017.
Alors qu'une dizaine d'ouvriers s'activent sur le chantier pour gommer les aspérités de sa coque, Energy Observer sera, à terme, "truffé de capteurs", véritable laboratoire ambulant pour le CEA-Liten.
Pour la directrice de cette institution, Florence Lambert, il s'agit d'un "super challenge". "Energy Observer est emblématique de ce que seront les réseaux énergétiques de demain, avec des solutions qui pourront même être déployées d'ici cinq ans", souligne-t-elle. "Il s'inscrit dans une nouvelle logique de stockage d'énergie. A titre d'exemple, les maisons de demain pourront intégrer un stockage d'hydrogène produit l'été et réutilisé l'hiver". Et comme le souligne le chef de projet au CEA-Liten, Didier Bouix, l'hydrogène "permet de stocker, à masse équivalente, 20 fois plus d'énergie" que les batteries, qui restent toutefois complémentaires.
Le tour du monde d'Energy Observer est prévu pour durer six ans. Après une prudente traversée de la Méditerranée, le catamaran s'aventurera sur l'Atlantique et le Pacifique. Au total, 101 escales sont programmées, de Cuba à Nouméa en passant par Goa, chacune associée à une thématique.
S'il reste à trouver des financements pour cette longue expédition, notamment pour mettre en place une exposition itinérante, l'équipe se dit "confiante". Et renvoie vers l'histoire de son mentor l'avion Solar Impulse, qui a réalisé "ce qu'on disait impossible", un tour du monde en volant jour et nuit à l'énergie solaire.