Déjà précurseur de la rencontre d'un bateau classique avec un bateau moderne, l'affrontement de départ est aujourd'hui commémoré par près de 300 des plus beaux bateaux au monde, chaque année en fin de saison estivale, dans le golfe de Saint-Tropez. En rapportant l'histoire des bateaux, c'est l'histoire des hommes que l'on écrit, au carrefour entre l'évolution de la science et de la technologie, toujours poussée par la passion, incontournable point de départ de la découverte de nouvelles performances et de nouveaux rivages.
Des bateaux et des hommes
Si la mythologie de l'America's Cup est fondée sur l'idée "qu'il n'y a pas de second", celle de la Nioulargue est passée à la postérité avec une étonnante absence de vainqueur. Quand la mémoire collective a bien retenu le défi de marin lancé entre le 12 m JI en bois de 1964 Ikra et l'équipage affuté du Swan 44 Pride sorti de chantier pratiquement 10 ans plus tard, grâce à la complicité de Patrice de Colmont en 1981, personne ne cherche vraiment à savoir qui l'a emporté. Tout juste a-t-on retenu que le parcours, entamé par le travers de la Tour du Portalet, comportait un passage à la bouée de la Nioulargue, ce haut fond situé en face de la baie de Pampelonne, ainsi nommé "nid du large" en provençal en raison des nombreux poissons qui viennent y nicher, et se termina par un banquet au Club 55, avant de devenir une compétition mythique qui remplit le port de Saint-Tropez et les alentours depuis plus de 35 ans.
Question d'échelle
Dans son atelier parisien, Yves Gaignet garde un souvenir fort des années Nioulargue "époque enchantée, poétique et drôle où l'on s'amusait beaucoup". En 2015, le célèbre maquettiste répond donc avec bonheur à l'invitation d'André Beaufils, lui-même ancien de la Nioulargue, actuel président de la Société Nautique de Saint-Tropez, de venir exposer son travail pendant les Voiles. "Je décide alors de présenter côte à côte, enfin réunis sur une même ligne d'arrivée, une maquette de Pride et d'Ikra" Le contraste est saisissant. Non seulement la couleur de leurs coques – l'une noire, celle du Swan et l'autre blanche, celle du 12 m JI – oppose les deux bateaux, mais leur conception même incarne une formidable évolution dans l'art de la régate. Représentés à la même échelle de 1/28e, à la même hauteur de flottaison, la comparaison est vraiment instructive : alors que le bateau moderne mesure 13 mètres 40, son rival en fait 21, et lorsque l'on compare les surfaces de voile et le poids, c'est plus du simple au double : 81m2 pour Pride contre 175m2 pour Ikra, et 10 tonnes pour le premier contre… 27 pour le second ! C'est Patrice de Colmont lui-même qui prendra l'initiative d'acquérir les superbes maquettes, et d'en faire cadeau au musée de la Citadelle.
Un musée maritime tropézien
"Plusieurs axes cardinaux qui ont réellement été redécouverts dans les 20 dernières années par Gilbert Buti, professeur des universités émérite, sont les piliers du musée" explicite Laurent Pavlidis, l'historien de la Ville qui en est le conservateur "Comme par exemple le rôle majeur qu'a joué la flotte tropézienne au XVII et XVIIIe siècle en Turquie – Empire Ottoman – privée de marine de guerre par les Chevaliers de Malte et qui a fait appel aux Français avec lesquels ils étaient en paix. Un autre exemple est celui de l'école d'hydrographie de Saint-Tropez qui a formé plus de 1000 capitaines au cabotage et au long court entre le XIX et le XXe siècle. Ou encore la pêche au corail entre le XVIe et le XVIIe qui y fera prochainement son entrée." Si la vocation du musée n'est pas de traiter in extenso tous les sujets abordés, l'idée est plutôt de proposer au visiteur des pistes et des éléments de réflexion ouvrant à autant de découvertes. Aujourd'hui, le Musée d'Histoire de la Marine de Saint-Tropez qui accueille 100 000 visiteurs par an est le deuxième musée du Var et participe à l'offre muséale de la Ville qui la place en tête du département, loin de l'image superficielle que l'on prête parfois un peu vite à la cité du Bailli de Suffren.