Elles ont été touchées de plein fouet par la pandémie. À l’heure d’un retour vers une vie plus normale, les compagnies lèvent l’ancre. Avec optimisme et vigilance.
Un navire, quelque part sur l’océan. Face au large, le bonheur de retrouver la magie d’un univers unique. De découvrir chaque jour, sans hâte ni bagages à refaire, de nouveaux horizons. D’habiter un navire autant qu’il va, bientôt, vous habiter. De vivre, enfin, une parenthèse rare, où rêver plus librement qu’à terre… C’est tout cela qui séduit des croiséristes toujours plus nombreux dans le monde : près de 30 millions en 2019, dont plus de 520.000 en France, selon les chiffres de la Clia (Cruise Line International Association).
Le printemps 2020 a cloué toutes les flottes à quai. Confortées par une reprise partielle en été, les compagnies ont mis à profit un nouvel arrêt pour renforcer leurs protocoles sanitaires. Planifier des itinéraires au fil d’exigences à géométrie variable. Gérer l’actualité et ses incertitudes… Une résilience qui rencontre, côté clientèle, un irrépressible désir de liberté, d’échanges et de mer, vécu par les armateurs comme un formidable encouragement. Déploiements réduits, mais tarifs séduisants… Les passagers - souvent de dernière minute - sont aujourd’hui au rendez-vous.
L’ouverture officielle des ports français au 30 juin était attendue avec impatience. Comme par les quelque 1900 clients qui ont embarqué le 4 juillet à Marseille. Simultanément à quai, deux géants de plus de 5000 voyageurs: le très réussi Costa Smeralda, navire amiral «green», car propulsé au gaz naturel liquéfié (lire ci-dessous), de la compagnie Costa Croisières, et le MSC Seaside, design audacieux et immenses ponts ouverts. Le premier port de croisières français les accueillera d’ailleurs chaque semaine jusqu’à l’automne. Voir la France autrement, tel est le choix de navires plus «intimes» (de 120 à 350 passagers).
Depuis Nice, cap sur la Corse. Siglés Ponant, seule compagnie battant pavillon français, Le Bougainville et Le Bellot, deux luxueux yachts, en explorent la beauté sauvage. CroisiEurope lui dédie sa Belle des Océans. Le Club Med 2 y déploie ses cinq mâts, cabotant aussi entre Côte d’Azur et Occitanie. Autres décors en Bretagne. De Saint-Malo, Le Jacques-Cartier (Ponant) en dévoile les merveilles naturelles. Et avec Rivages du Monde, en septembre, ce sont les joyaux de son patrimoine culturel qui jalonnent l’itinéraire d’un World Explorer raffiné.
Plus loin, on embarque pour une semaine, voire davantage, à Gênes, Savone, Civitavecchia, Syracuse, Venise ou Trieste, Barcelone, La Valette, Dubrovnik. Ou encore Athènes (même pour quelques jours en mer Égée avec Celestyal Cruises). En Europe du Nord, l’Islande dévoile, depuis Reykjavik, les plus beaux paysages de sa côte ouest (Ponant). Et, en Norvège, le mythique Express Côtier (Hurtigruten) a repris sa navigation à la carte au fil de ses rives et de ses fjords, entre Bergen, l’ancienne capitale hanséatique, et Kirkenes, au-delà du cercle arctique.
Repartir… «C’est comme une renaissance…», lâche une croisiériste, émue. Pour les équipages aussi, qui ont tant attendu ce moment. En premier, franchir test et contrôles, pass sanitaire européen à l’appui. Les contraintes sont allégées avec un nombre moindre de personnes à bord (la jauge officielle de 70 % étant souvent réduite à une demi-capacité du navire). Distanciation physique, port du masque à l’intérieur, prises de température, test à mi-croisière… Elles sont vite intégrées. Mesures d’hygiène strictes, équipements innovants… Tout est fait pour croiser en sérénité. «Les orchestres jouent, on danse, les théâtres, bars, salles de sport, spas, buffets - avec service à l’assiette - transats sur les ponts… Tout est là. Les commentaires sont d’ailleurs excellents», se satisfait Patrick Pourbaix, directeur général de MSC Croisières France.
Si les excursions se font aussi en «bulle» très encadrée - 35 personnes au plus - chez Costa et MSC, les petites unités autorisent les visites libres à terre, «mais réfléchies», précise Hervé Bellaïche, directeur général adjoint de Ponant. «L’atout que représentent le format restreint de nos navires, des installations médicales de pointe et un personnel totalement vacciné permet d’avoir un niveau de contrôle et de filtre idéal. Mais aussi de garder l’esprit de vacances et d’ouverture aux autres, qui nous est cher.»
Itinéraires publiés jusqu’en 2023, réservations prometteuses: les compagnies se projettent avec confiance. Pour Raffaele D’Ambrosio, directeur général France et vice-président Costa Croisières: «Notre protocole sanitaire fonctionne et rassure nos passagers. Ces restrictions seront levées au fur et à mesure que la situation s’adoucirat, pour aller aussi vers une programmation plus normale.» Avec, parmi les prises de conscience qu’aura encore aiguisées la crise, celle de l’absolue fragilité d’une nature à préserver et l’urgence à laisser une empreinte environnementale minime. Pour un vrai tourisme «d’après»…
Des paquebots plus verts
Ils ont été pointés du doigt par un «cruise bashing» tenace. Même si, sur 50.000 navires à vocation commerciale dans le monde, seuls 300 concernent la croisière. Et même si les acteurs du secteur ont déjà, depuis plusieurs années, placé au cœur de leurs programmes des valeurs respectant l’avenir de la planète. Nombre de bateaux ont ainsi doté leurs cheminées de «scrubbers» (épurateurs), pour lutter contre la pollution de l’air. Voie prometteuse pour alimenter les navires: le gaz naturel liquéfié (GNL), carburant actuellement réputé plus propre . Si Costa a pratiquement innové en la matière, MSC recevra l’an prochain le premier navire ainsi conçu jamais réalisé en France et commandé, avec deux autres, aux Chantiers de l’Atlantique.
À la pointe de la recherche, le chantier naval de Saint-Nazaire développe aussi, avec le concept Solid Sail, des projets de paquebots en partie propulsés à la voile et a réussi à améliorer la performance énergétique de leurs navires de 30 % sur les dix dernières années. Ponant, qui a opté pour des navires éco-conçus et des technologies avancées primées en matière de développement durable, accueillera très prochainement le Commandant Charcot, premier navire de «haute exploration polaire» au monde, à motorisation hybride (GNL et électricité).
Autre volonté des compagnies: la sauvegarde des écosystèmes marins. Costa soutient le Fond mondial pour la nature (WWF). MSC a lancé la MSC Foundation pour faire avancer ses engagements en la matière et investira, entre autres, dans la protection des herbiers de posidonies, poumons de la Méditerranée. Fondation aussi pour Ponant, afin de promouvoir un tourisme plus responsable en faveur de la préservation des océans, des pôles et des peuples…