[Mots du large ] Yoann Richomme (Paprec Arkéa) a des ailes. Le leader de la flotte des Class40 passe la surmultipliée dans les alizés. Avec une belle insolence, il augmente son avance, de plus de 100 milles ce samedi matin, sur ses plus proches poursuivants. Le leader a parcouru 350 milles sur les dernières 24 heures, contre 310 pour Ambrogio Beccaria (Allagrande - Pirelli) qui progresse, lui, avec Corentin Douguet (Queguiner-Innoveo) sur ses talons. Sur l’eau, les chasseurs sont eux-mêmes chassés. Kito de Pavant (HBF-Reforest'Action) s’interroge sur ses choix de voiles, Simon Koster (Banque du Léman) carbure au chocolat suisse et Pierre-Louis Attwell (Vogue avec un Crohn) savoure enfin aux plaisirs de la glisse sous spi avec le sel de la compétition pour moteur.
Yoann Richomme (Paprec Arkéa) : “maintenant, c’est tout droit”
« Je suis bien en phase avec mon bateau. Ça glisse, les sensations sont hyper agréables. Je passe aussi du temps à regarder la mer, ce sont de beaux moments. La météo est un peu plus avantageuse que pour mes concurrents. Je continue à gagner des milles mais on sait qu’il n’y en aura jamais assez. On a fait du reaching jusqu’à la fin de la nuit avant de passer sous spi. Maintenant, c’est tout droit. Forcément, je commence à penser à l’arrivée. Mais le tour de Guadeloupe peut bouleverser les scénarios. Je vais étudier la météo, réviser les classiques, travailler toutes les subtilités de cette dernière phase. »
Simon Koster (Banque du Léman) : “Plus dur de trouver le compromis boulot-dodo”
« Là, il n’y a pas trop à se plaindre, le gris a fait place au soleil gentiment. La transition vers les alizés à l'air de se dérouler de manière moins douloureuse que prévue. La vie à bord est quand même plus simple que quand on fait du près. Le chocolat suisse va bientôt arriver à ses limites si je continue sur ce rythme à le manger à chaque occasion. Vu qu’il n’y a plus de voiles à régler, je trouve un peu plus dur de trouver le bon compromis boulot-dodo, mais c’est work in progress ! »
Kito de Pavant (HBF-Reforest’Action) : “ Une semaine de course pour la 2eme moitié du parcours”
« Si la nuit dernière a été rapide , humide et rock ‘n roll, la journée d’aujourd’hui a été plus molle et plus paisible. L’anticyclone des Açores est en pleine reconstruction. Heureusement, ça bosse un peu plus au Nord et la flotte est soumise à un régime de vent de secteur Est irrégulier, pendant encore deux jours mais qui devrait nous emmener, sinon au bout du monde, au moins jusqu’en Guadeloupe. Évidemment , il a fallu faire preuve d’imagination concernant le choix des voiles. Après la cavalcade de la nuit, le grand spi n’était plus adapté, trop grand, trop creux, bref, il a fallu le changer. Mais par quoi ? Le petit spi Reforest’Action, plus petit , plus plat ? Peut-être encore trop grand ? Le petit gennak ? un peu trop creux pour l’angle prévu 100/110°. Allez banco pour le code 0, doublé du J2 en Stay Sail. Vous n’y comprenez sans doute rien et c’est bien normal, mais le principal est que je pense que c’était le bon choix. D’ailleurs , il n’y a pas grand monde pour me contredire par ici !!! Et c’est un privilège rare, qu’il convient de ne pas bouder. À part mes changements de voiles et les longues réflexions qui m’ont poussé à les faire, ce qui m’a bien pris la matinée, j’ai profité de ces conditions maniables pour bricoler. J’ai repassé une amure de spi, car je ne suis pas certain que le code 0 me satisfasse longtemps ! Et puis surtout j’ai entrepris la consolidation de la cloison cassée en début de semaine. Je me suis donc organisé un petit coin « strat » avec tout le matos préparé par Brice. Ça devrait tenir jusqu’aux Antilles ! La nuit tombe déjà. Je prévois encore une semaine de course pour faire la 2eme moitié du parcours. »
Pierre-Louis Attwell (Vogue avec un Crohn) : “Le premier jour du reste de ma transat”
« Bonjour la terre ! Ça y est aujourd’hui, c'est le premier jour du reste de ma transat ! Tôt ce matin le vent à tourné et j'ai pu hisser le spi. À nous les grandes glissades, les surfs à n'en plus finir, les vents sont enfin portants et devraient le rester jusqu'à la Guadeloupe. Si cette nouvelle allure de navigation est plus rapide, plus confortable (le bateau est presque à plat), et plus sympa, elle n'en reste pas moins délicate ! Effectivement cette immense surface de toile volage nécessite un petit peu plus d'attention et de réglages que les voiles dites "plates" que nous utilisions jusqu'à maintenant. Et oui, ce serait trop facile si non ! Alors comme le funambule sur son fil, il faut maintenant être attentif aux moindres grains, aux moindres vagues, aux réglages les plus fins qui permettront de lier vitesse et sécurité.
À ce petit jeu, le pilote automatique ne se débrouille pas si mal, surtout en pleine nuit quand on ne peut anticiper la vague. Les dernières estimations me prédisent une arrivée dans environ 8 jours. Je ne sais pas encore dire si je trouve ça long, ayant hâte de retrouver la terre ferme, mes proches, les nuits complètes et d'enfin arrêter d'avoir peur de casser ou de faire une erreur. Ou si au contraire cela me parait court, tant je suis heureux de vivre cette magnifique aventure humaine et sportive, ce rêve de gamin, à bord d'un bateau formidable où le temps et les actes n'appartiennent qu'à moi. Ce que je peux vous dire en tout cas, c'est que mes concurrents sont toujours là, et que je suis bien déterminé à leur mener la vie dure ! »