
Des aires marines protégées aux études d'impact sur l'environnement, le futur traité de protection de la haute mer, dont les négociations reprennent lundi, prévoit des outils pour la conservation de plus de la moitié des océans qui n'appartient à personne.
Haute mer et fonds marins
Selon le mandat donné par l'Assemblée générale de l'ONU en 2017 après plus de dix ans de discussions, le traité vise la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas d'une juridiction nationale. Une étendue gigantesque qui représente près de la moitié de la planète et plus de 60% des océans.
Le projet de texte précise qu'il s'appliquera à la haute mer, c'est-à-dire la partie des océans au delà des zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, qui s'étendent à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes; mais aussi à la "Zone", qui désigne les fonds marins et leur sous-sol.
Cela doit en principe permettre que les mesures s'appliquent aux activités de pêche et d'extraction minière.
Océan morcelé
Mais la future Conférence des parties (COP, qui rassemblera les Etats signataires) devra composer, pour faire appliquer ses décisions, avec d'autres organisations mondiales et régionales qui ont autorité aujourd'hui sur des morceaux de l'océan.
En particulier les organisations régionales de pêche et l'Autorité internationale des fonds marins qui délivre des licences d'exploration minière (et peut-être prochainement d'exploitation) dans certaines zones délimitées.
Aires marines protégées
Outil emblématique du futur traité: les aires marines protégées, qui aujourd'hui existent principalement dans les eaux territoriales.
La COP, sur proposition d'un ou plusieurs Etats, pourra créer ces sanctuaires dans des zones à caractère unique, particulièrement fragiles ou importantes pour des espèces en danger.
Mais la question cruciale du processus de décision n'est pas tranchée.
Comme dans d'autres COP, notamment les COP climat, les décisions seront en général prises par consensus, mais le projet de texte introduit la possibilité de voter, à la majorité qualifiée, pour créer une aire protégée et contourner le blocage d'un pays ou d'un petit groupe. Un point sensible qui divise encore.
Le traité ne précise pas comment assurer concrètement la mise en oeuvre de mesures de protection dans ces vastes étendues éloignées des terres. Certains experts comptent sur les satellites pour surveiller et identifier les infractions.
Le projet note que chaque Etat est responsable des activités sur lesquelles il a de toute façon juridiction même en haute mer, comme sur un navire battant pavillon de son pays.
Ressources génétiques marines
Chaque Etat, maritime ou non, et toute entité sous sa juridiction, pourra organiser en haute mer des collectes de végétaux, animaux ou microbes, dont le matériel génétique pourra ensuite être utilisé, y compris commercialement, par exemple par des entreprises pharmaceutiques qui espèrent découvrir des molécules miraculeuses.
Pour que les pays en développement, qui n'ont pas les moyens de financer ces coûteuses recherches, ne soient pas privés de leur part d'un gâteau qui n'appartient à personne, le principe d'un partage des bénéfices est prévu.
Reste à s'accorder sur les chiffres, point de tension majeur entre le Nord et le Sud.
Le projet sur la table mentionne la redistribution initiale de 2% - et à terme jusqu'à 8% - des futures ventes de produits issus de ces ressources génétiques. Mais sans accord.
De manière plus générale, le texte prévoit un soutien aux pays en développement, par le transfert de techniques marines et le renforcement de leurs capacités de recherche.
Et la création d'une "plateforme en libre accès" pour partager les informations.
Etudes d'impact
Le traité crée le principe d'obligation d'étudier, avant leur autorisation, l'impact sur l'environnement d'activités envisagées, mais les options sur la table sont nombreuses.
Les Etats doivent encore trancher des questions qui, pour les ONG, détermineront la robustesse du traité.
Quelles activités? Uniquement celles ayant lieu en haute mer ou aussi celles conduites dans des eaux nationales qui pourraient avoir un impact sur la haute mer? Etude systématique ou seulement lorsque l'impact anticipé est important? Qui décide d'autoriser ou non l'activité: la COP ou l'Etat ayant autorité sur l'entité voulant mener cette activité?
Universel?
Les défenseurs des océans soulignent que pour être efficace, le traité doit être "universel" en recueillant l'adhésion du plus grand nombre de pays.
Il pourra toutefois entrer en vigueur à partir de 30 ou 60 ratifications, un nombre sur lequel les Etats doivent se mettre d'accord.