
Avec cette ultime arrivée, la 25ème édition de La Boulangère Mini Transat se referme. Elle restera marquée par l’annulation de la première étape, entre Les Sables d’Olonne et La Palma. L’ouragan Gabrielle, l’un des plus puissants de l’année, terminait alors sa course sur les côtes portugaises, prêt à percuter la flotte des 90 solitaires. Pour Denis Hugues, directeur de course, la décision ne souffrait aucune hésitation : « On voyait que ça allait être un carnage. Tous les fichiers météo nous donnaient 7 à 8 mètres de creux, avec des rafales à 55 nœuds. Pour moi, ce n’était pas possible d’envoyer les skippers là-dedans. »
Après cette annulation, la seconde étape, entre La Palma et Saint-François, s’est révélée déterminante.
Sur le plan sportif, cette édition consacre de grands marins. Le Suisse Mathis Bourgnon (934 - ASSOMAST), 28 ans, s’impose in extremis en prototype. Romain Bigot, président de la Classe Mini 6.50, salue cette performance : « La victoire de Mathis a été assez incroyable. Il a fait une course de dingue avec un vieux bateau. Il avait un seul grand spi. Je pense qu’il a été sous pression pendant deux semaines. Il a mis un rythme fou. »

Mathis prend en effet la tête à quelques heures de l’arrivée en Guadeloupe, alors que Benoît Marie (1067 - Nicomatic - Petit Bateau), leader depuis le Cap-Vert, accumule les avaries sur un proto qui marquera l’histoire de la course : un bateau ultra-innovant, auteur de pointes de vitesse inédites, avec notamment 350 milles parcourus en 24 heures, une performance jamais vue sur la Mini Transat.
Le podium est complété par Alexandre Demange (1048 - DMG MORI SAILING ACADEMY 2), longtemps englué dans les bancs de sargasses après son option sud.
En série, la victoire revient au Normand Paul Cousin (981 - AFP - Groupe Biocombustibles), qui transforme une première étape contrariée en une seconde manche parfaitement maîtrisée. « Il ne faut pas lâcher le morceau (...) J’ai fait de vraies boulettes lors de la première étape - notamment au portant - que j’ai pu corriger entre La Palma et Saint-François », explique-t-il à son arrivée. Romain Bigot admire sa performance : « Il a mis une intensité phénoménale, et ceux qui ont réussi à monter sur le podium derrière lui ont également dû cravacher. Paul a énormément bossé pour ça. La Mini, c’est pour lui un beau tremplin. » Annoncés parmi les favoris, Quentin Mocudet (986 - Saveurs et Délices) et Amaury Guérin (996 - Groupe Satov) complètent un podium à la fois dense et exigeant.

Au-delà des performances, cette édition est marquée par un taux d’abandon exceptionnellement faible : 87 bateaux sur 90 ont rallié Saint-François en course. Le Japonais Hajime Kokumai (1046 - DMG MORI SAILING ACADEMY 1) a dû abandonner son voilier au large du Portugal en raison d’une voie d’eau. Lors de la seconde étape, Foucauld Malard (621 - l'arche lille & Mare e Vela) a lui aussi été contraint de quitter son Mini 6.50, devenu impossible à diriger en l’absence de safran.
Le troisième abandon est celui du Slovène Uros Krasevac (759 - Ashika II), contraint de stopper sa course après une escale au Cap-Vert pour changer un vérin de safran, livré trop tard pour lui permettre de rester dans le classement. Il a tout de même rejoint la Guadeloupe et boucle donc sa deuxième Transat, hors couse cette fois-ci.
Enfin, deux concurrents ont réussi à rallier Saint-François sous gréement de fortune, Victor David (1017 - Ich bin en solitaire) et Thiemo Huuk (1003 - Europe), offrant un final à l’image de La Boulangère Mini Transat : engagé, exigeant, profondément humain.
Une aventure humaine incomparable
Au fil des arrivées, une évidence s’impose : chaque skipper porte sa propre histoire. Certains coupent la ligne avec le sourire, d’autres arrivent épuisés, mais tous repartent avec une tranche de vie inoubliable. Cette diversité de récits compose la richesse humaine de La Boulangère Mini Transat. À 50 ans, l’Autrichien Roland Welzig (1079 - PLATYPUS) célèbre son anniversaire en même temps que cette course qui l’a toujours fait rêver « Quand j’ai entendu parler de cette course - en solitaire, à travers l’Atlantique, loin de tout - c’est devenu le plus grand défi possible. Le lac d’Achensee est devenu trop petit. Je voulais une aventure. » L’Espagnol Hugo Ramon (1054 - CRISTALMINA MAJORICA) rappelle, lui, la puissance introspective de l’épreuve : « Cette course me fait devenir la personne que je suis en dehors de la société. Quinze jours sans téléphone... c’est incroyable. Il faut une Mini dans la vie des gens, que tu la fasses ou que tu la suives. » À Saint-François, le Guadeloupéen Robinson Pozzoli (1026 - UOUM), 5e en proto, laisse éclater son émotion : « Cette course, c’est beaucoup d’abnégation, beaucoup de sacrifices. Il y a deux ans, je ne voulais pas repartir, et finalement je l’ai fait. Que l’arrivée soit ici, chez moi, c’est incroyable. Demain, je retrouve ma famille, je vais aller à la Soufrière... retrouver mes repères d’enfance. C’est ce qui me manque aujourd’hui. »

La dernière pour Denis Hugues
Denis Hugues, directeur de course historique de la Mini Transat tire cette année sa révérence. « Je passe la main. Je vais avoir 67 ans et la Mini, c’est quand même aussi une épreuve usante physiquement et moralement » explique Denis qui prévoit tout de même d’exercer sur d’autres épreuves. Pour la communauté Mini, c’est une figure emblématique qui se retire. Exigeant, Denis a veillé sur la sécurité de centaines de marins au fil des ans. Son handicap - il est en fauteuil roulant depuis ses 20 ans - ne l’a pas arrêté lorsqu’il a décidé de prendre le départ en 1987, 1989 et 1991. Il a ensuite contribué à créer la classe et rédigé la jauge qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Romain Bigot, actuel président, salue son prédécesseur : « C’est lui qui a réuni le premier comité d’experts pour écrire la toute première, et actuelle jauge ! Il comprend les enjeux liés à la sécurité des marins en mer, et je pense que ça a toujours été sa ligne de conduite. Denis c’est le devoir d’histoire. Toujours à rappeler le contexte, transmettre les histoires passées pour comprendre le présent. Les coureurs d’aujourd’hui ne savent pas à quel point il a été dévoué, et est toujours amoureux de la Classe Mini. Il suffit de voir son regard aux arrivées en Guadeloupe pour comprendre. » Emmanuel Versace, organisateur de ces deux dernières éditions conclut en soulignant la place tenue par Denis dans la course comme "l’un des gardiens du temple de la Mini Transat". "Il l’a courue, dirigée, organisée. Il a connu les plus belles heures comme les plus difficiles. Je ne pense pas qu’il y ait une autre personne qui fut autant impliquée dans l’histoire de la Mini. Je pense qu’au-delà des coureurs et de la Classe, c’est le monde de la voile en général qui peut le remercier pour son engagement et son dévouement. »
Bruno de Bourmont, Directeur général de La Boulangère & CO :
« Cette 25e édition a révélé tout ce que La Boulangère Mini Transat sait offrir de plus inspirant : une promesse d'évasion sans moyens de communication, des prouesses techniques qui repoussent les limites et une organisation capable de toujours protéger chaque skipper malgré l’immensité de l’Atlantique. Mathis Bourgnon, stratège remarquable et vainqueur de cette édition, a brillamment dompté la course, tandis que Benoît Marie, avec son foiler fulgurant, a confirmé toute la puissance de l’innovation en mer. Leur détermination, tout comme celle des 88 autres marins engagés, nourrit notre admiration et notre enthousiasme. Rendez-vous le samedi 10 janvier aux Sables d’Olonne pour célébrer ensemble cette grande fête qu’est la Remise des Prix de La Boulangère Mini Transat ! »
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