Le premier traité international pour protéger la haute mer doit être adopté lundi à l'ONU, un baptême officiel pour un accord "historique" destiné à limiter les menaces qui pèsent sur l'océan et ses écosystèmes vitaux pour l'humanité.
"C'est un moment historique", a déclaré à l'AFP Minna Epps, de l'Union internationale pour la protection de la nature (UICN). Mais "c'est absolument affligeant que cela ait pris si longtemps".
C'est en effet après plus de 15 années de discussions, dont quatre années de négociations formelles, que les Etats membres de l'ONU ont enfin réussi à se mettre d'accord sur un texte en mars dernier, à l'issue de deux nouvelles semaines de négociations marathon, troisième "dernière" session en un an.
Le texte, alors gelé sur le fond, a depuis été passé au crible des services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l'ONU.
"L'humanité compte sur l'océan. Mais est-ce que l'océan peut compter sur nous?", a lancé il y a quelques jours sur Twitter le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, appelant à agir pour protéger ce "fondement même de la vie" sur Terre.
Des mers qui ne connaissent pas de frontières. La science a ainsi prouvé l'importance de protéger tout entier l'océan foisonnant d'une biodiversité souvent microscopique, qui fournit la moitié de l'oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines.
- Aires marines et études d'impact -
La haute mer commence où s'arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n'est donc sous la juridiction d'aucun Etat.
Même si elle représente plus de 60% des océans et près de la moitié de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.
Outil phare du nouveau traité: la création d'aires marines protégées dans ces eaux internationales.
Aujourd'hui, environ 1% seulement de la haute mer fait l'objet de mesures de conservation. Mais en décembre à Montréal, l'ensemble des Etats de la planète s'est engagé à protéger, d'ici 2030, 30% des terres et des océans de la planète.
Et sans ce traité qui pourra entrer en vigueur après sa ratification par 60 Etats, "nous ne parviendrons pas à atteindre l'objectif de 30x30. C'est aussi simple que cela", a déclaré à l'AFP Jessica Battle, de WWF.
Le nouveau traité sur "la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale" introduit également l'obligation de réaliser des études d'impact sur l'environnement des activités envisagées en haute mer.
Le texte ne liste pas ces activités qui pourraient aller de la pêche à l'exploitation minière du plancher océanique, en passant par le transport maritime ou les potentielles activités controversées de géoingénierie liées à la lutte contre le réchauffement.
- Ressources génétiques -
Le traité établit également le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer, qui a cristallisé les tensions jusqu'à la dernière minute des négociations en mars.
Les pays en développement qui n'ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l'accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources - qui n'appartiennent à personne - dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.
Une fois le texte adopté, restera à savoir combien de pays décideront de monter à bord.
Les ONG estiment que le seuil de 60 ratifications pour entrer en vigueur ne devrait pas être trop difficile à atteindre, la Coalition pour une haute ambition menée par l'UE comptant déjà une cinquantaine de pays, dont le Japon, le Chili, l'Inde ou le Mexique. Mais 60 est loin de l'universalité espérée par les défenseurs de l'océan.
"Nous espérons qu'une fois que le traité entrera en vigueur, d'autres pays voudront alors le rejoindre pour participer aux décisions pour tracer son chemin", a déclaré à l'AFP Liz Karan, de l'ONG Pew Charitable Trusts.
Le texte laisse en effet ouvertes beaucoup de questions qui seront entre les mains de la future Conférence des parties (COP).