Armel Le Cléac'h : « j'ai été poussé dans mes retranchements » pendant l'ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST

Par Figaronautisme.com

L’INTERVIEW DU MARDI (5). Prendre le temps, quelques minutes, même en étant lancé dans un sprint infernal. Chaque mardi, un skipper s’attache à répondre à nos questions et à revenir sur les défis du moment. Aujourd’hui, échange avec Armel Le Cléac’h, actuellement 2e de la course. Le skipper du Maxi Banque Populaire XI a connu une semaine éprouvante : un passage par le détroit de Bass, un contournement de la Nouvelle - Zélande par le Nord, une session de bricolage aussi après un souci de safran qu’il a fallu réparer... Depuis hier, Armel profite enfin d’une accalmie et s’est recalé plein Est avec le cap Horn comme horizon. Affable et souriant, le marin se reconnecte à plusieurs reprises lors de l’interview ce matin, pour finir ses phrases et dérouler son propos. Une certaine idée de l’élégance, même après 30 jours de mer.

Avant de revenir sur ta semaine de course, quel est le sentiment qui prédomine à filer enfin plein Est vers le cap Horn ?

"C’est positif bien sûr et ça change forcément des derniers jours où on était dans une autre ambiance à tenter de trouver la route la plus sécurisée possible. Là, on retrouve des conditions un peu plus classiques et le mode course. C’est ce qu’on est venu chercher : être à l’avant d’une dépression qui nous permet de faire de l’Est. Les conditions devraient se durcir dans les prochaines heures et puis on devrait arriver au cap Horn d’ici quatre jours et demi."

Est-ce que tu as eu peur ces derniers jours ?

"Non, ce n’était pas de la peur mais c’était très engagé physiquement et ça a tiré sur l’organisme. J'ai été poussé dans mes retranchements en matière de gestion des efforts et de fatigue. En plus, il y avait des endroits compliqués à passer, beaucoup de manœuvres et ça s'apparentait à un contre-la-montre : il ne fallait pas traîner pour ne pas se faire rattraper par le mauvais temps et la mer."

« Un scénario plus qu’improbable »

On parle souvent de la force du vent, un peu moins de l’effet de la mer sur les Ultim…

"L’état de la mer peut être très variable en fonction de l’orientation qu’elle prend, de la houle, du vent… C’est tout ce mélange qui a une influence : parfois, tu as 4 à 5 mètres et ça passe correctement, parfois c’est très chaotique. J’ai eu le cas en mer de Tasmanie et en sortant de Nouvelle-Zélande où le bateau avait du mal à avancer à chaque vague. C’est vraiment très inconfortable pour le bateau comme pour le marin. Là, la mer est plus facile, la houle est plus longue, plus lisse et même s’il y a toujours 3 mètres de vagues, on ne les sent pas !"

Qu’est-ce que tu ressens à l’idée d’être 2e de ce tour du monde alors que tu as considérablement rallongé la route ?

"C’est vrai que le scénario est plus qu’improbable par rapport à ce à quoi on s’attendait. On s’approche des deux tiers de la course et je crois que je suis celui qui a parcouru le plus de milles, entre le grand tour dans l’Atlantique Sud et celui autour de la Nouvelle-Zélande. J’ai fait du chemin pour arriver là mais il n’y avait pas d’autre solution. J’espère que la remontée de l’Atlantique sera plus « classique » !"

Thomas Coville disait hier « croire encore à la victoire »… Tu y penses aussi ?

"Non, pas du tout. Mon but n°1 c’est de terminer la course et il reste encore beaucoup à faire. Nous avons fait une escale, des bricoles sur le bateau, il y a l’usure… Et puis l’écart avec Charles (2 800 milles) est impossible à rattraper à part en cas de scénario incroyable ou d’escale technique, ce que je ne lui souhaite pas. Ce n’est pas n’importe qui, ce n’est pas n’importe quel bateau. Charles sait faire en matière de gestion de course et je n’ai pas de doute le concernant. Nous, on se concentre sur notre course !"

« On revient un peu à la civilisation »

Ça fait un mois que vous êtes en course… Tu sens une forme de lassitude, de fatigue intense ou pas du tout ?

"Non, même si je ne suis pas aussi frais qu’au départ ! Il y a forcément des hauts et des bas et des moments de grosse fatigue. Mais le rythme à bord est bien en place, la routine est calée, les journées passent assez vite. On est plus dans la phase d’éloignement avec nos proches mais dans l’idée de revenir. On a passé l’antiméridien, on bascule de l’Est à l’Ouest et on sait que le prochain point important, c’est le cap Horn. Le franchir à bord d’un multicoque, ça fait partie des moments que je suis venu chercher."

Est-ce qu’on arrive à prendre plaisir à bord ?

"Oui, il y en a un peu. J’ai vu des paysages très beaux en longeant l’Australie. J’ai notamment empanné à 2, 3 milles d’une plage assez magnifique. Même si j’ai contourné la Nouvelle-Zélande de nuit, j’ai pu apercevoir des îles au petit matin. Il y avait à nouveau des bateaux de commerce, de croisière… On revient un peu à la civilisation. Finalement, on remarque toujours que la présence humaine est très rare face à l’immensité de l’océan."

Est ce qu’il y a des choses qui te manquent après 30 jours en mer ?

"Je crois qu’il ne me reste que trois pamplemousses ! Hormis les fruits, je n’ai pas à me plaindre. J’ai à manger, des vêtements… Ce qui manque le plus finalement, c’est le calme. À bord, le bruit est constant. On s’y habitue… Mais ça use ! »"

Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST 

Pour suivre les évènements de la course, n'hésitez pas à consulter le dossier spécial ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...