LA TRENTIÈME NUIT – Les océans Pacifique et Indien offrent aux skippers des conditions propices à la vitesse. L’Atlantique sud, lui, en propose un peu trop au leader, qui a le luxe de pouvoir choisir ses conditions de navigation.
Sur une mer plutôt ordonnée, Armel Le Cléac’h et Thomas Coville traversent l’océan Pacifique sur bon tempo. Les skippers du Maxi Banque Populaire XI et de Sodebo Ultim 3 compilent les milles. Depuis jeudi après-midi, Armel Le Cléac’h affiche des moyennes sur 24 heures supérieures à 800 milles, dont un 823 milles fort coquet. Juché sur la même dépression qui traverse d’ouest en est, positionné 400 milles en retrait, Thomas Coville avance la plupart du temps sur une moyenne journalière supérieure à 770 milles. Tout ceci sans chercher à pousser leurs machines outre-mesure. Calés au-dessus de la dépression, ils n'endurent pas la houle et choisissent leurs vents, et aucun des deux marins, pas plus que leurs équipes de routage, n’envisagent d’aller chercher des conditions plus engagées qui, peut-être, pourraient leur permettre de faire des gains légèrement supérieurs.
Calés très haut dans le Pacifique, par rapport à la zone des glaces avec laquelle les marins aiment jouer pour parcourir moins de distance, le Maxi Banque Populaire XI et Sodebo Ultim 3 naviguaient ce matin à 7h30 à respectivement 320 et 490 milles plus au nord que Charles Caudrelier, servi par un schéma météo différent. Qu’auraient-ils à gagner en descendant vers le sud ?
Les routages faits par la direction de course, décrits ce matin par Guillaume Evrard, éclairent ce parti-pris, même s’il convient de souligner qu’ils sont moins précis que ceux faits par les équipes, puisque nourris d’informations moins riches – les vraies vitesses polaires des bateaux tiennent du secret industriel. Qu’auraient-ils à gagner en descendant vers le sud, donc ? Eh bien une quinzaine d’heures sur la route qui les mène au cap Horn. Soit un gain notable s’il s’agissait de se battre pour la victoire. Or le Maxi Edmond de Rothschild est bien loin, à 2600 milles environ, et le vrai match, pour l’instant, se joue pour la deuxième place. Retourner dans des vents forts sur une mer un peu cabossée pour gagner un nœud ou deux de vitesse paraît avoir aussi peu de sens que de chercher à pousser les curseurs dans la position que le deuxième et le troisième occupent actuellement. Puisque Armel Le Cléac’h et Thomas Coville seront propulsés jusqu’à la sortie du Pacifique par la dépression qu’ils exploitent actuellement, la stratégie ne devrait pas évoluer.
Anthony Marchand ne manque pas d’air non plus. Bien calé à l’avant de la dépression qu’il est allé chercher après l’avoir attendue pendant plusieurs jours, le skipper de Actual Ultim 3 avance à plus de trente nœuds depuis cette nuit. C’est l’embellie. Collé à la zone des glaces, Anthony Marchand a pour mission de profiter tant qu’il peut de cette dépression qui va l’emmener jusqu’au milieu du Pacifique. Dans son viseur, la Tasmanie et un changement d’océan, 650 milles droit devant. Les routages l’y voient en fin de nuit prochaine.
Aux prises avec une veine anticyclonique qui a décidé de faire route avec lui, Éric Péron travaille sur un sujet essentiel : se positionner au mieux, et au plus vite, pour échapper à cette zone de hautes pressions pour aller chercher une dépression qui s’enroule sur les îles Kerguelen. D’ici peu, elle sera le moteur à propulsion d’Adagio, tiendra ce rôle un bon moment. L’air arrive !
Point trop n'en faut !
Et le patron ? Eh bien il patiente, de l’autre côté du cap Horn. Dans les eaux atlantiques, dans une zone de vents faibles, Charles Caudrelier avance à petit train, et il y a fort à parier qu’il ne soit pas particulièrement impatient à l’idée d’accélérer. Sur sa route en effet se présente une forte dépression qui vient de l’ouest et va générer des vents en rotation en son centre, puis des vents forts de sud-ouest accompagnés d’une mer forte. L’intérêt du skipper du Maxi Edmond de Rotshchild est de laisser passer la dépression pour, ensuite, glisser le long du continent sud-américain. Sa marge sur la concurrence est plus que confortable, et l’essentiel de sa stratégie est de ménager sa monture pour s’épargner les problèmes techniques, seul vrai obstacle qui pourrait s’immiscer sur la route qui le mène au triomphe.
Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST
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