LA QUESTION DU DIMANCHE. Chaque dimanche, on vous propose un petit pas de côté. L’idée ? Offrir un nouvel éclairage, une notion à développer ou quelques secrets de fabrication à dévoiler. Aujourd’hui, place à un aspect que les marins doivent intégrer en permanence : le bruit. Les vagues qui tapent contre l’Ultim, la structure qui siffle, le vent qui hurle dans les voiles, les alarmes qui se déclenchent… Vivre à bord de ces trimarans de géants, c’est accepter ce tapis sonore en permanence, utile pour bien faire fonctionner son bateau certes, mais harassant et épuisant après plusieurs semaines de compétition. Ils racontent.
La mesure a de quoi surprendre. Chez Sodebo, on a chiffré le bruit à bord et la donnée est étonnante : il a atteint les 100 décibels, soit le son, au choix, d’une tronçonneuse ou des enceintes d’une discothèque ! Pour bien comprendre, il convient avant tout d’analyser d’où proviennent tous ces sons. « Le bruit varie selon les allures et la vitesse, explique Éric Péron (ULTIM ADAGIO). Les foils sifflent, la dérive vibre, les vagues tapent contre la coque et les bras de liaisons. Parfois le bateau rebondit, les écoutes et les bouts tapent sur la structure… C’est un vacarme permanent ! »
« Nous ne pouvons pas nous battre contre le son »
« Le bruit à bord ? C’est juste infernal, confiait mardi dernier Anthony Marchand (Actual Ultim 3). Mais il ne faut pas se dire que c’est infernal, sinon tu ne tiens jamais deux mois ! On n’a pas d’autres choix que de s’adapter… Et on se rend compte justement que le corps humain est capable de s’adapter à beaucoup de choses, bien plus qu’on peut le penser».
Il n’empêche, le corps souffre et les oreilles ne sont pas en reste. Armel Le Cléac’h porte régulièrement un casque antibruit. « Quand je l’enlève et que je retrouve le volume normal, j’ai l’impression d’être sur une piste d’aéroport, explique le skipper du Maxi Banque Populaire XI. J’entends un peu moins d’une oreille à force de naviguer avec des bateaux bruyants ».
« C’est presque dangereux pour la santé, souligne Thomas Coville. Ça finit par irriter à l’intérieur du tympan, c’est presque gênant ». Pourtant, malgré tout, impossible de se couper de tous ces sons. « On a besoin de les percevoir, de les écouter pour savoir si tout va bien à bord », abonde Éric Péron. « Nous ne pouvons pas nous battre contre le son, reconnaît Thomas Coville. Les cliquetis, les alarmes, les chocs sur la coque : tout nous oblige à être encore plus en éveil, encore plus attentif. La moindre vibration a une signification, elle m’alerte, elle me rassure ». Pour le skipper de Sodebo Ultim 3, c’est une nécessité : «la multiplicité des sons qu’on entend en permanence a fini par développer notre oreille. Elle nous permet de bien régler le bateau et donc contribue à être un bon marin ».
Par ailleurs, cela fait aussi partie des motivations à retrouver la terre au plus vite pour goûter au silence comme à une récompense à part entière. « C’est une vie de bagnard parce que dès que tu reposes le pied à terre, en escale ou à l’arrivée, tu t’habitues très vite à tous les conforts et le calme comme le silence en font partie », sourit Anthony Marchand. Et Thomas Coville de conclure : « le silence, avec les odeurs et le fait d’être immobile, c’est clairement ce qui me manque le plus sur un bateau, ce dont j’ai le plus besoin ».
Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST
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