Éric Péron : « Il y a eu des moments durs, intenses, pénibles, sympas et beaux aussi »

Par Figaronautisme.com

Prendre le temps, quelques minutes, même en étant lancé dans un sprint infernal. Chaque mardi, un skipper s’attache à répondre à nos questions et à revenir sur les défis du moment. Aujourd’hui, place à Éric Péron, unique concurrent à bord d’un non-foiler qui continue à progresser dans le Pacifique à la 5e place. Il y a chez le skipper de l’ULTIM ADAGIO l’idée d’une force tranquille, d’une capacité de résistance, d’un émerveillement aussi. Tout n’a pas été facile, loin de là, la fatigue se fait sentir et les repères tendent parfois à disparaître. Mais qu’importe, Éric est lancé autour du monde, il bataille avec son ami ‘Antho’ Marchand et trace sa route, surtout, au fil d’une sacrée aventure. Il s’est confié longuement à la veille d’aborder le passage du cap Horn.

Tu as été plusieurs jours porté par ce long bord à l’avant d’un front… Qu’est-ce qu’on ressent quand on glisse comme ça sur le Pacifique ?

« C’est toujours à prendre avec des pincettes. Forcément, c’est agréable mais ça reste un bateau archimédien. À une moyenne de 30 nœuds de vent, ce n’est pas facile de vivre à bord. C’est bruyant, ça tape dans les vagues, c’est engagé… Mon Pacifique aura été tout le temps comme ça : engagé mais complice avec la météo. Ça avance bien mais ce n’est pas sans peine !

« On reste toujours impressionné »

Depuis le départ, est-ce que tu as eu la sensation de t’être dépassé, d’être allé au-delà de la limite ?

« Oui, je crois que le 3e jour dans le Pacifique, je suis allé un peu plus loin physiquement et j’ai mis un peu de temps à m’en remettre. Je voulais trop bien faire, j’étais trop exigeant sur mes configurations de voile et ça m’a fait perdre de l’énergie. J’ai compris que ça ne servait à rien d’essayer d’aller plus vite. J’ai opté pour des configurations plus « passe-partout » et désormais ça va mieux. Après, je ne suis pas fatigué mais je n’ai pas non plus l’impression d’être en forme. Je dors bien… Je crois que je suis juste avant la réserve ! 

Est-ce que pour l’instant ce tour du monde est à la hauteur de ce que tu attendais ?

« Oui globalement. On oublie vite qu’il y a eu des moments durs, intenses, pénibles, sympas et beaux aussi. Là, il va y avoir le passage du cap Horn qui sera comme une petite récompense. Quand tu es à la table à carte, dans le cockpit, tu es dans une sorte de cocon, comme dans tous les bateaux. Mais dès que tu sors, tu vois la largeur du bateau, l’étrave plus loin… Tu te rends compte que tu es sur une machine de géant, tout seul et ça ajoute un peu d’excitation. Quand tu traverses le trampoline pour aller à l’avant du bateau, c’est un sentiment de joie. On reste toujours impressionné par ces machines !

« C’est unique et ça crée du lien »

Est-ce que tu peux décrire les derniers moments d’exaltation ?

« Il y a eu le moment où je suis reparti de Cape Town, la mer était lisse avec un grand soleil, le bateau filait… Ce sont aussi des instants de course : le vol d’un albatros, une belle lumière. Hier, après avoir passé le front chaud, j’ai eu un grand soleil, la fraîcheur engendrait une légère brume... C’était un beau moment !

Anthony disait que tu échangeais beaucoup avec lui et les autres skippers…

« J’essaie d’envoyer des messages aux copains, les encourager, les soutenir, prendre des nouvelles, en donner aussi… J’ai eu Armel, j’ai envoyé un message à Thomas, ça fait longtemps que je n’ai pas eu Charles et on a échangé aussi avec ‘Antho’. Mais j’ai aussi eu des moments où ça ne captait pas et je n’ai pas cherché à le résoudre : j’ai fait un petit break sur les communications et ça m’a fait du bien.

Ça a forgé quelque chose de fort entre vous ?

« C’est une évidence. À part avec Thomas, j’ai navigué avec ou contre tout le monde. Faire cette course à six, à cinq maintenant, ça rapproche forcément. Thomas a une formule à la Jean-Claude Van Damme pour ça, il dit « je sais que tu sais que je sais ». Et il a raison, c’est unique et ça crée du lien.

C’est parfois difficile à terre de prendre la dimension de ce que vous faites, de ce que vous endurez…

« Il s’agit d’un des paradoxes de la course au large. Le grand public a ses règles que le sport ne connaîtra peut-être jamais. Il faut aussi dire que c’est très compliqué de juger le mérite. J’ai commencé ce projet bien avant le départ, j’ai bataillé pour prendre le bateau en main, lever des fonds, être au départ, m’accrocher dans l’Atlantique, faire cette course avec 20% de vitesse en moins que les autres. La pugnacité et la combativité dont tu fais preuve, le grand public ne les voit pas forcément. Mais ça ne me dérange pas, ce n’est pas grave. Finalement, ça ne regarde que moi. »

Source : ARKEA ULTIM CHALLENGE BREST 

Retrouvez toute l'actualité de la course dans notre dossier spécial ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...