Reparti samedi des Açores où il s'était abrité quelques jours pour laisser passer une tempête, le skipper Charles Caudrelier est attendu entre lundi et mardi à Brest en vainqueur de la première course autour du monde en solitaire entre trimarans.
Dans l'ultime épisode de son carnet de bord avant l'arrivée, il a livré à l'AFP ses dernières inquiétudes et jeté un coup d'œil dans le rétroviseur de ses 48 jours historiques en mer.
"On quitte Horta (Portugal, NDLR), où on a été super bien accueillis pendant trois jours. C'était particulier, bizarre, mais j'ai toujours eu l'impression d'être dans la course. La météo a beaucoup occupé mes pensées ces derniers jours, plus que jamais auparavant. J'avais tellement envie de trouver un trou pour rentrer à la maison. Mais il fallait faire preuve de prudence avec cette météo.
Depuis le passage du Pot au Noir, j'ai pu beaucoup dormir donc je me sens en forme ! La partie la plus dure, ça a clairement été l'Atlantique Sud: il y a eu une météo compliquée, la frustration de voir les autres revenir sur moi et pas mal de galères.
J'ai failli me retourner par exemple, c'était chaud... un moment d'inattention un matin alors que j'étais sur le pont. Le bateau est monté sur la tranche, mais les systèmes de sécurité m'ont sauvé et je suis retombé à plat."
- "Dans mon élément" -
"Plus le temps passe et plus je me sens relié à ce bateau, c'est quelque chose d'incroyable. En repartant aujourd'hui, j'avais peur d'être déconnecté, mais finalement je me sens plus dans mon élément sur le bateau qu'à terre.
Je n'ai jamais connu un voilier aussi bien que ce Maxi Edmond de Rothschild, même allongé et à moitié endormi, je ressens ce qui se passe à l'intérieur. Il ne m'a jamais trahi !
Le temps a filé à une vitesse surprenante. Après 48 jours de course et même si j'ai souffert parfois psychologiquement, je suis encore très à l'aise à bord.
Cette course a conforté un sentiment que j'avais depuis longtemps : je suis fait pour le solitaire. Je n'en ai pas fait tant que ça pourtant dans ma carrière, mais cela a toujours été plus facile pour moi de me dépasser dans cette situation qu'en équipage.
Seul, j'ai l'impression de devenir une machine, un robot connecté à la performance, je ne lâche plus rien, pas un mille nautique. Et là ça a payé, car j'ai été devant rapidement et je n'ai plus rien laissé passer.
En tant qu'homme, je n'ai pas beaucoup changé, je suis comme je suis, un grand stressé, même si j'essaie de progresser sur ce point. Mais ce stress me permet aussi d'avancer, de douter tout le temps, de réfléchir à comment mieux faire avancer mon bateau.
Cette alchimie a plutôt bien fonctionné sur ce tour du monde et même si ça se terminait mal je suis content de notre performance. À quelques jours de la ligne, le destin peut encore choisir de m'abandonner. Je peux encore avoir une avarie, c'est bien arrivé aux autres.... mais en tout cas, on aura tout fait pour l'emporter.
Elle n'est pas finie cette course, loin de là. On va y aller très cool, mais ce n'est pas l'été devant nous. Et peu importe comment ça se termine, on a fait un très beau tour du monde et, j'en suis convaincu, on mérite de gagner".