
Contrée glacée dont les paysages ardus envoutent, le Groenland veut attirer plus de touristes, un paradoxe pour un territoire particulièrement vulnérable au réchauffement climatique et dont l'isolement géographique oblige à emprunter de nombreux avions pour s'y rendre.
Faire 24 heures de vol, changer trois fois d'avion n'ont pas suffi à dissuader Amy Yankovic, une touriste américaine de 55 ans. "C'est Terra incognita", confesse cette Texane, fascinée.
Le tourisme a beau être, selon l'ONU, responsable au plan mondial d'environ 8% des émissions de gaz à effet de serre, en grande partie à cause des transports jusqu'à la destination, peu importe. Passionnée d'expéditions polaires, elle voulait voir la réalité de cette partie de l'Arctique telle que ses lectures lui ont fait découvrir. Pourtant, s'il y a un endroit au monde où les effets du réchauffement climatique sont "les plus prononcés", c'est bien au Groeland, souligne le géographe Michael Hall, professeur à l'Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande et spécialiste des impacts du tourisme.
Du nord au sud, chaque Groenlandais peut témoigner des effets du réchauffement sur la nature. Sur la côte ouest, à Maniitsoq, on n'a pas pu marcher sur la glace depuis 2018 et, de l'avis de tous, non seulement le glacier recule mais la neige, aussi, est moins abondante.
Le réchauffement climatique accélère la disparition de la banquise et la fonte du permafrost (pergélisol) et des glaciers, autant d'éléments qui contribuent à la singularité de l'immense île arctique, résume M. Hall.
Il existe "une sorte de tourisme de la dernière chance où visiter ces lieux en danger relève de la volonté de les voir avant qu'ils ne disparaissent", explique Emmanuel Salim, maître de conférence en géographie à l'Université de Toulouse.
"Certaines destinations similaires, comme Churchill au Canada, ont tenté de se positionner comme des lieux d'éducation à l'environnement", note ce chercheur français, spécialiste des relations entre l'activité humaine et l'environnement. Mais c'est peine perdue selon lui : si ces destinations nature peuvent avoir un rôle dans la prise de conscience et la mise en oeuvre de meilleurs comportements environnementaux, leur bilan carbonene cesse d'augmenter, déplore-t-il.
Et développer le tourisme en milieu vulnérable tout en préservant ces mêmes écosystèmes fragiles relève d'une véritable gageure. Les autorités groenlandaises assurent y avoir réfléchi et vouloir éviter le surtourisme à l'islandaise tout en développant une activité d'accueil nécessaire à la création d'emplois, dans un territoire dépendant de la pêche et des subventions de Copenhague.
A Manniitsoq, le décollage touristique fait déjà des heureux, selon le maire-adjoint, Gideon Lyberth. Sans complètement enrayer l'exode vers la capitale du territoire Nuuk, le tourisme contribuent à faire revenir des jeunes adultes et "nous en sommes très, très heureux", dit-il.
Pour M. Hall, il est clair que ce type de développement est généralement perçu comme une bonne idée. "Au moins à court terme", dit-il.