Isabelle Autissier : « au Vendée Globe, tu appartiens à l’océan »

Par Figaronautisme.com

Nautisme Article
© Jean-Marie Liot / Alea

Participante au Vendée Globe 1996, Isabelle Autissier s’est passionnée pour les terres australes. À la tête du conseil consultatif des TAAF*, elle prendra place à bord du Marion Dufresne dans quelques semaines. Mais avant, elle a pris le temps d’arpenter les pontons du Vendée Globe et de se confier.

Isabelle Autissier, c’est d’abord un nom qui sent bon les embruns et les aventures maritimes. La navigatrice a une place à part dans le coeur des Français parmi les explorateurs et chez tous ceux qui s’attachent à défendre la biodiversité et les océans. Après une participation au Vendée Globe en 1996, elle s’est distinguée par ses combats sans relâche.

Depuis quatre ans, Isabelle Autissier est à la tête du conseil consultatif des TAAF. L’acronyme de « Terres australes et antarctiques françaises » peut sembler opaque au commun des mortels. Pour elle, ces bouts du monde que les skippers du Vendée Globe vont longer dans les mers du Sud, sont un horizon et la raison de ses engagements. Dans quelques semaines, elle sera à bord du Marion Dufresne, navire océanographique à vocation scientifique et logistique, pour rejoindre ces terres lointaines. En attendant, de passage aux Sables d'Olonne, Isabelle Autissier s’est confiée sur les pontons du Vendée Globe.

Organisation : Quels souvenirs gardez-vous de votre participation en 2016 ?
Isabelle Autissier : Participer au Vendée Globe, c’est quelque chose d’énorme, une superbe histoire. Je l’ai disputé lors d’une édition compliquée avec des drames, une disparition (Gerry Roufs)... Moi, j’ai cassé un safran, je me suis arrêtée en Afrique du Sud, j’ai abandonné, je suis quand même repartie et je suis remontée à la 2e place du Vendée Globe... Ici, on m’a accueilli comme si j’avais vraiment terminé. Chez les gens, c’est ça qui reste. Au-delà de la performance purement sportive, il y a dans cette course un esprit, un côté aventure humaine et c’est spécifique au Vendée Globe.


Comment expliquez-vous la magie du Vendée Globe ?
I.A. : Cette course pour les marins, c’est trois mois où tu t’abandonnes à la mer et c’est exceptionnel. Tu arrêtes de jouer comme sur terre, tu arrêtes de penser aux problèmes de la terre. Par ailleurs, tu as le sentiment de faire quelque chose d’extraordinaire, la certitude d’être dans un environnement poignant et d’avoir les yeux grands ouverts 24 heures sur 24 ! Et puis surtout, tu appartiens à l’océan. Ce n’est pas toi qui dictes les règles. Ce sont les éléments qui te guident, tu essaies de te frayer un chemin dans cette réalité. Et ça, c’est magique.

Est-ce que les terres australes ont beaucoup changé ces dernières années ?

I.A. : L’impact du dérèglement climatique est monstrueux, surtout dans les endroits froids qui changent très vite. Il y a des retentissements sur la faune et la flore. À titre d’exemple, il commence à pleuvoir en Antarctique. Or, les bébés manchots ne sont pas équipés pour la pluie : s’ils sont mouillés, ils meurent dès que ça gèle. Il y a des années où près de 80% de leur population meurent à cause de ça. Et ce n’est qu’une des conséquences de ce à quoi on assiste.


Cela reste pourtant des territoires où la biodiversité est omniprésente...

I.A. : Oui, ce sont des « oasis » de biodiversité. Ils font partie des rares endroits au monde où les animaux ont oublié que l’homme est dangereux. C’est exceptionnel : si tu ne fais pas de bruit, tu peux t’asseoir au coeur d’une colonie de manchots, ils vont venir et te picorer les bottes...

Comment contribuer à préserver cet environnement ?
I.A. : Il faut le protéger et c’est justement le travail des Terres australes et antarctiques françaises. Nous avons la responsabilité de quelques îles (Kerguelen, Crozet, Amsterdam et Saint-Paul). Nous avons passé tous ces territoires en « réserve », le degré le plus haut de la protection et on s’attache à les protéger notamment en luttant contre les espèces invasives. Nous avons par exemple réalisé récemment la dératisation et la « déchatisation » de l’île d’Amsterdam qui étaient essentiels pour protéger des espèces d’oiseaux qui ne sont présentes que sur cette île.

Les marins parlent beaucoup de leurs attractions pour les mers du sud. Pourquoi avez-vous été attirée par ces terres australes ?
I.A. : Parce qu’on tombe dedans ! Notre culture de marin est faite d'histoires des cap-horniers, des mers du sud, de Moitessier, des trois-mâts et on a envie de s’y confronter. Quand on est là-bas, c’est d’une beauté à tomber par terre. Il y a la lumière qui est rasante, un ciel et des nuages qu’on a nulle part ailleurs et puis les grosses vagues, les déferlantes... On y côtoie de la faune sauvage, des baleines, des albatros, des orques. Et puis humainement il y a le sentiment d’être non seulement seul mais loin. Thomas Pesquet, quand il est dans la station spatiale internationale, est plus proche que n’importe qui d’autres parce qu’il est à 400 km et les autres sont à 3000 km !


Jean Le Cam a deux ans de moins que vous et s’élance une nouvelle fois... Vous auriez envie de refaire la course ?
I.A. : Ah non pas du tout ! (rires) Je comprends Jean mais j’avais décidé dès le début de ne faire qu’un seul Vendée Globe. Je savais que je voulais faire autre chose. Quand on est engagé dans la course au large, il faut l’être à 120%. Ça a été mon cas pendant 15 ans et ça m’a éclaté. Et à un moment, je me suis jurée de faire autre chose. Je n’ai jamais voulu faire les choses à moitié. Mais à tous ceux qui participent au Vendée Globe, je leur dis : « allez-y, faites-vous plaisir ! »

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...