Vendée Globe 2024 : les forces en présence

40 marins – 34 hommes et 6 femmes – s’élancent pour la dixième édition du Vendée Globe le 10 novembre prochain sur des monocoques de 18 mètres de long aux spécifications bien précises. État des forces en présence à quelques jours du départ.

IMOCA : une jauge pour des bateaux conçus pour faire le tour du monde

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Les monocoques du Vendée Globe respectent une jauge très précise.

La jauge IMOCA et l’association éponyme gérée par les skippers déterminent les caractéristiques précises des bateaux qui participent aux principales courses du calendrier, comme la Route du Rhum, la Transat Jacques Vabre et, bien sûr, le Vendée Globe. La jauge définit de nombreux critères très précis comme le type de carène (monocoque), la longueur, la largeur, le poids, les appendices autorisés et leur nombre ou encore le type et la quantité de voiles embarquées. Sont aussi consignées les règles de sécurité, détaillant puissance et stabilité des bateaux. La jauge est dite « ouverte » : elle laisse une grande liberté aux architectes et aux marins. C’est en 1986, à l’occasion de la seconde édition du BOC Challenge, le tour du monde en solitaire avec escales que les bases de la jauge IMOCA sont posées par les concurrents eux-mêmes. Depuis, elle évolue régulièrement, toujours dans le but d’accroître la sécurité des marins, de permettre une maîtrise des coûts, une bonne durabilité des bateaux sans pour autant brider l’imagination des marins et des architectes en recherche de toujours plus de performances.

Les principales caractéristiques des bateaux du Vendée Globe ont été définies ainsi : une longueur de maximum 60 pieds (18,28 m), un maître-bau (largeur) de 5,85 m, un tirant d’eau de maximum 4,5 m, pas plus de 5 appendices autorisés et… un maximum de 8 voiles embarquées. Les mâts sont standardisés et le tirant d’air maximum d’un IMOCA est de 29 m. C’est aussi le cas de la bôme et des outriggers (les tubes en carbone partant du pont qui maintiennent le mât en place via les haubans) ainsi que du voile de quille et son système de contrôle. Ces pièces monotypes permettent de limiter les coûts.

Foilers, à dérives, anciennes générations et nouveautés : qui peut gagner ?

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Les « bateaux volants » et notamment ceux de la dernière génération devraient – logiquement – s’imposer sur ce Vendée Globe © Olivier Blanchet /Malizia-Seaexplorer

La force de la classe IMOCA est de permettre à des bateaux de différentes générations de régater ensemble tout en laissant aux plus anciens des bateaux, de réelles possibilités de résultats.

La dernière grande (r)évolution de la jauge date de 2014 avec l’autorisation des foils. Ces appendices ont la particularité de faire littéralement décoller les bateaux.

On trouve donc trois générations de foilers au départ du Vendée Globe 2024 : les premiers de la génération Vendée Globe 2016, ceux de 2020 et la nouvelle génération dont la taille des foils a été limitée depuis 2021. Sans surprise, les plus compétitifs sont les plus récents, mais sans que les plus anciennes productions soient hors course ! Au classement des IMOCA Globe Series 2024 et avant le départ du Vendée Globe, on trouve ainsi 3 bateaux de la génération 2020 dans les 10 premiers (5, 6 et 10e).

Sur les 40 partants, 24 bateaux seront équipés de foils, 16 ont fait le choix de dérives droites, sensées être moins performantes, mais plus faciles à gérer. En 2020, sur son bateau de la génération 2008 à dérives droites, Jean Le Cam avait réussi l’exploit de finir 4e de la course, loin devant de très nombreux foilers de la dernière génération. Cette année, le skipper a fait construire un nouveau bateau… toujours équipé de dérives droites (tout comme Eric Bellion, lui aussi au départ avec un bateau neuf équipé de dérives droites). Un choix dicté par le budget, bien sûr, mais aussi par le fait que le Vendée Globe est un vrai marathon qu’il faut avant tout finir. Et pour performer, il faut pouvoir mener le bateau à fond. Le Cam et Bellion ont fait le choix d’un bateau simple capable d’aller très vite. Un choix gagnant ?

Si on trouve 13 bateaux neufs au départ du Vendée Globe 2024, les anciens bateaux ont largement droit de citer. La durabilité des bateaux est inscrite dans la jauge (les bateaux construits avant 2005 n’ont plus le droit de courir dans la classe IMOCA). Ils seront tout de même 13 bateaux de la génération 2008 (soit autant que les bateaux neufs) à s’élancer le 10 novembre pour un nouveau tour du monde. Devenir de Violette Dorange prendra le départ de son 6e tour du monde en course… La durabilité n’est pas qu’un argument marketing !

Les bateaux volants forcément en tête du classement ?

Intrinsèquement, les bateaux équipés de foils sont les plus rapides. Et surtout ceux de la dernière génération, comme les dernières courses l’ont démontré. Mais le Vendée Globe est une course à part. Elle est longue, difficile, passe par les océans les plus inhospitaliers de la planète et les coups du sort, avaries, et pièges météo en ont fait la légende. Certains des favoris désignés ne seront pas à l’arrivée. Mais avec 11 foilers neufs, menés par les meilleurs marins, au départ de cette dixième édition du Vendée Globe, nous pouvons sans trop se tromper imaginer que l’un d’eux passera au travers de toutes les chausse-trappes de la course pour l’emporter. Et si ce n’est pas l’un de ces nouveaux bateaux, ceux de la génération précédente pourraient tout à fait tirer les marrons du feu et venir coiffer les nouveautés au poteau. Soyons donc clairs : le podium devrait être trusté par les bateaux volants.

Vendée Globe 2024 : les dix prétendants à la victoire

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Yannick Bestaven remet son titre en jeu. Sera-t-il le premier a gagné la course deux fois de suite ?© Christophe Breschi

Le jeu du pronostic n’a jamais été aussi difficile (voir ICI). Une quinzaine de marins au minimum peut l’emporter. Ceux qui étaient sur le podium de l’édition 2020/2021 (Yannick Bestaven, Charlie Dalin et Louis Burton) ont forcément une belle carte à jouer. Mais il ne faudrait pas oublier Jérémie Beyou ou Yoann Richomme. Sam Davies a montré un potentiel de vitesse important en étant toujours dans le top 5 des dernières courses. Elle a une expérience impressionnante puisqu’elle prend le départ de son 4e Vendée Globe avec un bateau neuf. Pourra-t-elle faire mieux qu’Ellen MacArthur, deuxième en 2008/2009 ? Oui, clairement ! Autres favoris du Vendée Globe 2024, Thomas Ruyant (vainqueur du dernier Rhum), Boris Hermann (deux fois deuxième des dernières transats), Sam Goodchild qui a, lui aussi, fait forte impression mais part dans l’inconnu, car ce sera son premier Vendée Globe… Pour être complet, il faut aussi mentionner Nicolas Lunven, Maxime Sorel, Justine Mettraux, Clarisse Crémer, Alain Roura et Paul Meilhat ou encore Damien Seguin. N’en jetez plus, la course est ouverte comme jamais elle ne l’a été et bien malin celui qui peut avancer un podium sans se tromper.

Si on en croit les bookmakers, la plus grosse côte est donnée à Thomas Ruyant devant Charlie Dalin et Jérémie Beyou : une indication comme une autre !

Enfin, pour imaginer ce qui peut se passer, rien ne vaut la vision de Jean Le Cam qui va partir pour son 6e Vendée Globe (un record) avec des places de second, 4e, 5e et 6e et un abandon :
« Je ne fais jamais de pronostics, je sais juste que cela va être une édition très riche. Je ne peux pas te dire si, cette fois, les foilers vont faire mieux que 74 jours, mais c’est sûr qu’il y a des bateaux qui vont très vite. Pour moi, le leader absolu, c’est Charlie Dalin. Il a prouvé sur toutes les courses d’avant-saison qu’il maîtrisait le sujet, il a une équipe technique hyper performante, je pense qu’il a un petit cran d’avance. Maintenant, il va falloir arriver, car entre Yoann Richomme, Thomas Ruyant et d’autres, ça va être la bagarre » (propos recueillis par Tip&Shaft).

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Thomas Ruyant sur Vulnerable, le favori des bookmakers. Mais il faudra attendre au moins jusqu’à la mi-janvier pour connaître le podium de cette 10e édition© Eloi Stichelbaut / Polaryse

Vendée Globe 2024 : les outsiders

Une dizaine de favoris, quinze marins franchement capables de l’emporter, tous les autres – ou presque - sont des outsiders que l’on peut tout à fait trouver dans le top 10 courant janvier 2025. Si la météo est favorable aux marins, le record d’Armel Le Cléac’h datant de 2016 en 74 jours devrait tomber. Le potentiel de vitesse des bateaux de la dernière génération place le curseur, si tout s’enchaîne parfaitement, entre 66 et 68 jours. Dans ce cas, les premières places seront trustées par les foilers, ou à tout le moins, par ceux qui n’auront pas cassés… Mais l’édition 2020/2021 a démontré que le Vendée Globe n’était pas qu’une question de potentiel de vitesse : Jean Le Cam sur son bateau datant de 2006 a joué le podium jusqu’à la fin pour finir – sur un bateau à dérives droites – à une magnifique 4e place. Tous ceux qui seront en mode « régate » dès le départ ont donc une carte à jouer, surtout si les conditions météo sont compliquées et que des coups météo permettent de s’échapper.

Vendée Globe 2024 : les aventuriers

Mais le Vendée Globe n’est pas qu’une régate planétaire qui se joue à la mode « Solitaire du Figaro ». Pour un certain nombre de marins, - une dizaine sur les 40 partants – la course est avant tout une aventure humaine, un rêve qu’ils veulent réaliser, le projet d’une vie. Pour ces concurrents, l’objectif est avant tout de finir, de finir en course et classés donc sans avoir fait d’escales, et d’avoir le droit au retour triomphal dans le chenal des Sables d’Olonne, devant des milliers de spectateurs. Pour ces aventuriers, le côté régate de la course passe parfois au second plan. Mais ce sont souvent eux qui nous font le plus rêver. Dans l’histoire du Vendée Globe, on se souvient avec émotion des histoires de Jean-François Coste resté 163 jours en mer pour finir le premier Vendée Globe, le parcours de Jean-Yves Hasselin en 1992 (153 jours), Yves Parlier en 2000 passé de régatier dans le groupe de têtes à aventurier reconstruisant son mât dans une crique, la verve et les vidéos géniales d’Alessandro Di Benedetto en 2012, les aventures de Sébastien Destremau en 2016 et 2020… Et cette année, qui nous fera vibrer ? Violette Dorange (sur l’ancien bateau de Jean Le Cam) est la benjamine de la course avec ses 23 ans et elle maîtrise sur le bout des doigts les codes des réseaux sociaux. Elle devrait forcément nous faire vivre sa course avec une fraicheur et un talent bienvenus. Le Cam reste un conteur exceptionnel. Comme à chaque fois, il va nous faire vivre sa course comme lui seul en est capable. Mais il fait aussi clairement partie des outsiders qui peuvent accrocher le top 5. Guirec Soudée nous a fait rêver quand il naviguait en croisière autour du monde avec sa poule Monique. Seul à bord de son IMOCA, pourra-t-il nous enchanter avec autant de virtuosité ?

La course a tout de même beaucoup changé depuis les premières éditions. Ils sont 40 au départ – ils étaient 33 en 2020 – et ils ont tous dû mener une campagne longue et épuisante pour se qualifier. La sélection - pour être au départ du Vendée Globe - a été drastique et trois marins n’ont pas eu la chance d’être retenus alors qu’ils avaient passé tous les tests et parcouru de nombreux milles en compétition. Mais le Vendée Globe 2024 n’avait que 40 places disponibles et ils étaient beaucoup plus nombreux à en rêver et 43 à s’être qualifiés.

Seule certitude, des milliers de personnes seront sur les pontons des Sables d’Olonne le dimanche 10 novembre 2024 et ils seront – en tout cas on l’espère – au moins aussi nombreux à partir de la mi-janvier pour fêter les héros de retour de leur tour du monde. En 2020, 11 millions de personnes ont suivi la course sur le site internet ou les applis de l’organisation représentant 115 millions de visites et 452 millions de pages vues tandis que 115 millions de vidéos envoyées par les skippers ont été vues par les spectateurs. 4,28 milliards de personnes touchées d’une manière ou d’une autre par le Vendée Globe, une course définitivement… planétaire !

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Qui sera mis à l’honneur pour la remise des prix pour cette 10e édition ? A vos pronostics !© Olivier Blanchet / DPPI / Vendée Globe

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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