
Depuis la surface, la mer semble toujours aussi bleue, vivante, vibrante. Et pourtant, sous cette apparente constance, un phénomène silencieux est en cours : nos océans s’assombrissent. Lentement, sûrement. C’est ce que révèle une étude saisissante menée par des chercheurs de l’université de Plymouth, publiée fin mai dans la revue Global Change Biology. En cause : la diminution de la lumière qui pénètre dans les couches superficielles de l’océan, celles qui abritent... 90 % de la vie marine.
Les scientifiques parlent de la zone photique, cette strate baignée par la lumière solaire, où se joue l’essentiel de la photosynthèse marine. Une lumière qui nourrit le phytoplancton, régule les écosystèmes, alimente la chaîne alimentaire - jusqu’à nos assiettes. Or, cette couche se réduit. Sur plus de 75 millions de kilomètres carrés, soit 21 % de la surface océanique mondiale, la pénétration de la lumière a diminué ces vingt dernières années. Dans certaines régions, la zone photique s’est affaissée de plus de 100 mètres.
De l’Arctique à la Baltique, un même constat
C’est notamment dans les zones polaires, en Arctique et en Antarctique, que ce recul est le plus brutal. Mais même dans des zones plus tempérées, les effets se font sentir. En mer Baltique, l’intensification des précipitations a entraîné un apport accru de sédiments et de nutriments, favorisant la prolifération du plancton... et réduisant la clarté de l’eau.
Les causes varient : ruissellement agricole, changement climatique, altération des courants marins, prolifération d’algues. « Ce n’est pas une seule pression, c’est une accumulation », résume Thomas Davies, professeur en conservation marine. Et les conséquences sont multiples : perturbation des cycles de reproduction, réduction des zones d’habitat pour des milliers d’espèces, affaiblissement du rôle des océans dans la captation du CO2.
Darkening is where less light enters the seas. It disrupts marine food webs & weakens the ocean’s capacity to support biodiversity & regulate climate,"
— Dr Jill Belch (@JillBelch) May 27, 2025
"The areas where there are major changes in ocean circulation, or ocean warming driven by #ClimateChange, seem to be darkening" pic.twitter.com/MPSFTDib3A
L’autre face invisible des courants marins
En parallèle, une autre étude - publiée dans Nature - met en lumière des acteurs longtemps ignorés : les courants submésoéchelle, ces petits tourbillons marins de quelques kilomètres de large. Grâce au satellite SWOT, lancé par le CNES et la NASA, les chercheurs ont enfin pu les cartographier en détail. Résultat : ces micro-courants jouent un rôle fondamental dans le transfert d’énergie entre la surface et les profondeurs. Ils influencent le climat, la formation des ouragans, et même les grands phénomènes climatiques comme El Niño.
En somme, entre lumière qui s’éteint et forces invisibles qui agitent les profondeurs, l’océan continue de nous rappeler à quel point il est un écosystème complexe, fragile et vital. À l’approche de la prochaine Conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui se tiendra à Nice en juin 2025, ces révélations tombent à point nommé. Car prendre soin de l’océan, c’est aussi prendre soin de notre avenir.